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CHAPITRE 14 : LA LAMPE HANTÉE

Author: Darkness
last update Huling Na-update: 2025-12-10 20:13:48

Sofia

Le fantôme apprend à marcher sans faire craquer les parquets.

Il apprend les horaires de la maison. Marco part à 7h30 précises chercher le journal et les cornetti au bar de la piazza. Elena, la femme de ménage, fait les chambres entre 10h et midi, en fredonnant toujours la même aria traînante. Le cuisinier, Bruno, reçoit ses livraisons à 16h, et c’est là qu’il ouvre la porte de service, bavardant cinq minutes avec le livreur.

Le fantôme apprend à se tenir dans les angles morts, derrière les portes entrouvertes du salon quand Lorenzo reçoit. Ces réunions ne sont plus des affaires bruyantes avec des hommes aux épaules larges. Ce sont des rencontres feutrées avec des hommes en costumes sombres et cravates discrètes, des portefeuilles en cuir fin, des voix basses qui parlent de zonings municipaux, de permis de construire, de participations majoritaires dans des sociétés écrans. La pègre se lave, se peigne, investit. Lorenzo en est l’architecte.

Je m’imbibe de tout. Un nom : Moretti.
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    SofiaSon regard me transperce, cherchant une réaction. Une larme, peut-être. Un tremblement. Je ne lui offre que le reflet de la lampe dans mes yeux.— Oui, dis-je. Il est bon de renouveler.Je tourne les talons et m’en vais. Je sens son regard dans mon dos, lourd, perplexe.L’après-midi, j’ose une sortie. Non pas une fuite – impossible – mais une promenade dans les jardins, sous le prétexte de prendre l’air. Marco, comme une ombre discrète, se poste près de la terrasse, me surveillant du coin de l’œil tout en parlant à voix basse dans son téléphone.Je marche le long des haies de buis taillées au cordeau. L’air est vif. Je m’arrête près du bassin aux nymphéas, morts en cette saison, leurs tiges noires brisant la surface grise de l’eau. C’est ici, il y a des années, que Lorenzo m’avait demandé de l’épouser. Pas à genoux. Debout, à mes côtés, tenant ma main dans la sienne comme s’il prenait possession d’un territoire. « Avec moi, tu auras tout », avait-il dit. « Et sans moi, tu ne ser

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    SofiaJe me dirige vers la cuisine, d’un pas de somnambule. Les couteaux sont là, rangés dans un bloc de bois. Ils brillent sous la veilleuse. Ma main se tend. Elle effleure le manche d’un grand couteau de chef, froid et lourd.La tentation est un vertige. Un moyen de briser le silence pour de bon. De faire un bruit que même Lorenzo ne pourrait pas effacer. Ou peut-être… peut-être de me tailler une issue. Littéralement.Mais l’image qui me vient n’est pas celle de ma propre chair se déchirant. C’est celle de Lorenzo, découvrant le corps. Son visage. Quel visage ferait-il ? Du chagrin ? De la colère ? Ou cette même froideur, suivie d’un nettoyage efficace, d’un enterrement discret, d’une histoire sur une dépression soudaine ? Serais-je, même dans la mort, juste un autre problème qu’il règle ? Un fantôme définitivement effacé ?Je retire ma main comme si le manche était brûlant. Non. Pas comme ça. Pas en lui laissant le dernier mot, le dernier contrôle.Je remonte, tremblante de tout mo

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    SofiaLa nuit tombe. Lorenzo n’est toujours pas revenu. Son absence est un rappel constant. Il me laisse mariner dans le silence qu’il a ordonné. C’est la première phase de mon châtiment. La solitude au milieu des siens.Ce n’est que tard, bien après minuit, que j’entends la Ferrari gronder dans l’allée. Mon cœur, un dieu stupide, s’emballe. Un réflexe ancien. Le son du maître qui rentre. Je suis dans ma chambre – notre chambre – assise sur le bord du lit, en chemise de nuit. Je n’ai pas fermé l’œil.J’entends ses pas dans l’escalier. Lents. Mesurés. Ils s’arrêtent devant la porte. Un long moment de silence. Puis la poignée tourne.Il entre.Il a changé de costume. Un noir, plus sévère. Il sent le savon froid et le vent nocturne. Il ne me regarde pas tout de suite. Il défait ses boutons de manchette, les pose avec un léger clic sur la commode. Le rituel. Toujours le rituel.– Tu as passé une bonne journée, Sofia ?Sa voix est neutre. Conjugale. C’est insupportable.– Où est Luca ? – M

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