Point de vue du docteur Adrien Morel
Il y a des jours où tout semble suivre une mécanique bien huilée, où chaque consultation n’est qu’un rouage de plus dans l’engrenage de ma routine professionnelle. Mon métier m’offre un refuge, une structure rigoureuse qui m’épargne les distractions inutiles. Mais parfois, un simple détail vient déranger l’ordre établi. Et pour moi, ce détail s’appelait Camille Castell.
Je l’ai rencontrée pour la première fois il y a 6 mois . Ce jour-là, elle avait franchi la porte de mon cabinet avec une hésitation feutrée, mais son regard disait autre chose. C’était un mélange curieux de défi et de fragilité. J’ai appris, avec les années, à voir au-delà des mots de mes patients, à décrypter ce qu’ils ne disent pas. Et Camille… elle ne disait pas beaucoup. Mais elle transmettait tout.
Ce n’était pas seulement une patiente. Dès notre première interaction, quelque chose en elle semblait vouloir traverser la barrière professionnelle que je m’efforce de maintenir. Ce n’est pas qu’elle le faisait intentionnellement — non, ce serait injuste de penser cela. Mais il y avait une lumière en elle, une énergie qui rendait difficile de rester impassible.
Aujourd’hui, je repensais souvent à ces derniers instants de notre première consultation. Sa phrase m’avait frappé plus que je ne voulais l’admettre : _"Vous avez l’air de porter beaucoup sur vos épaules, docteur Morel."_
J’ai entendu des milliers de mots dans ce cabinet, mais peu avaient laissé une empreinte comme ceux-là. Ils étaient à la fois déroutants et révélateurs. Camille avait vu quelque chose que je m’efforçais de cacher, quelque chose que personne d’autre ne semblait remarquer.
À présent, alors que le silence de mon bureau était interrompu seulement par le tic-tac de l’horloge, je me retrouvais à attendre avec une impatience mal dissimulée son prochain rendez-vous. Une partie de moi savait que ce n’était pas juste. Elle était ma patiente. Je devais rester à ma place. Mais une autre partie, celle que je m’efforçais d’étouffer, brûlait de la revoir, de comprendre ce mystère qu’elle portait en elle.
Je me surprends parfois à examiner la manière dont je gère mes interactions avec les autres. Avec Camille, c’est différent. Je n’arrive pas à me détacher de cette étrange envie d’apprendre à la connaître, au-delà des murs de ce cabinet. Et pourtant, je me réprimande à chaque fois que cette pensée surgit.
Elle mérite un médecin attentif et professionnel, et non un homme qui remet en question ses propres limites. Mais cette contradiction me torture. Si j’ai hâte de ce prochain rendez-vous, ce n’est pas seulement pour son suivi médical. J’ai honte de l’admettre, mais c’est pour cette chance fugace de partager un moment avec elle, de lire entre les lignes de ses silences, de l’écouter parler d’elle-même.
Je suis conscient du danger de ce chemin. Et pourtant, me voilà, une fois encore, à tourner en rond dans mon esprit, à anticiper cet instant où elle franchira la porte de mon cabinet, m’offrant cette présence lumineuse qui, inexplicablement, a commencé à combler un vide que je n’avais jamais osé regarder en face.
LE POINT DE VUE DE CAMILLE
Je referme la porte derrière moi en soupirant. La fraîcheur de l’appartement me change de l’atmosphère glaciale du cabinet médical, mais mon corps est toujours en ébullition. Mon ventre est noué d’un mélange étrange d’excitation et de honte, et je déteste l’effet qu’il a sur moi.
J’enlève mes chaussures et me dirige vers le salon, espérant pouvoir me réfugier quelques instants dans le silence, mais c’était sans compter sur ma sœur, Lisa.
— Alors, t’as vu Docteur Charmant aujourd’hui ?
Je me fige une seconde avant de rouler des yeux en me servant un verre d’eau.
— Il s’appelle Dr Morel, Lisa.
— Je sais, je sais. Mais franchement, son nom importe peu, c’est son charme qui nous intéresse, non ?
Elle me lance un regard amusé en mordillant un biscuit, installée en tailleur sur le canapé.
— Comment tu sais que j’étais là-bas ?
— Oh, s’il te plaît, Camille. Tu n’as rien, t’es en parfaite santé. Mais t’as quand même pris rendez-vous chez le gynéco. Et ce n’est pas la première fois.
Je manque de m’étrangler avec mon eau et lui lance un regard noir.
— Tu dis n’importe quoi. J’ai des raisons médicales, je te signale.
Lisa éclate de rire.
— Vraiment ? Et c’est quoi, ces raisons médicales ?
Je garde le silence. Elle arque un sourcil.
— Voilà. T’as rien trouvé.
Je souffle d’agacement et me laisse tomber sur le canapé en évitant son regard.
— Arrête de dire des bêtises.
— Mais j’ai raison. Avoue, tu vas là-bas juste pour le voir.
Je ne réponds pas. Mon cœur bat un peu trop vite. Parce qu’elle n’a pas totalement tort, et ça me perturbe encore plus que son insistance. Lisa s’approche de moi et me fixe avec un sourire en coin.
— Il est sexy, hein ?
Je croise les bras, l’air faussement blasé.
— Je ne vais pas parler de ça avec toi.
— Oh, allez, Camille, arrête de faire ta coincée ! Je te connais. Si tu vas là-bas aussi souvent, c’est pas parce que tu t’inquiètes pour ta santé gynécologique.
Je lève les yeux au ciel, mais elle continue :
— Sérieusement, c’est quoi ton délire avec lui ? Tu fantasmes sur ton gynéco ?
Mon estomac se serre.
— N’importe quoi.
— Allez, avoue.
Je me mordille la lèvre. Lisa et moi avons toujours eu ce genre de discussions ouvertes, mais jamais sur un sujet aussi… sensible. Je devrais nier encore, mais à quoi bon ?
Je soupire et me frotte le visage.
— Je sais pas… Il a quelque chose, c’est vrai. Il est…
— Canon.
Je ris malgré moi.
— C’est pas juste ça. Il a une présence. Il est calme, sûr de lui. Trop sûr de lui, même. Et…
Je me tais brusquement, réalisant que j’en dis déjà trop. Mais Lisa a capté l’essentiel.
— Et quoi ?
Je secoue la tête.
— Rien.
— Oh non, non, non ! Dis-moi tout, là ! Il s’est passé un truc aujourd’hui ?
Je serre les lèvres. Une image fulgurante du spéculum s’imposant en moi, de ses doigts glissant sur ma peau, de mon propre corps réagissant de manière inappropriée, me traverse l’esprit. Je chasse rapidement cette pensée.
— Non, rien du tout. C’était une consultation normale.
Lisa plisse les yeux, sceptique.
— Mouais. Tu mens mal.
Je me lève brusquement, cherchant une échappatoire.
— Je vais prendre une douche.
— Une douche froide, tu veux dire ?
Je lui lance un coussin à la figure avant de filer dans ma chambre sous ses rires moqueurs. Lisa a peut-être raison.
Mais je ne suis pas encore prête à l’admettre.
Chapitre 35 : C'est bien de te revoir LE POINT DE VUE DE MAEL Je l’avais retrouvée. Pas simplement Camille, la femme. Mais Camille, la douceur, le feu, la faille et la force. Elle était là, devant moi, nue de tout — de vêtements, de défenses, de mensonges.Et moi… j’étais éperdu.J’ai effleuré sa peau comme si elle allait s’évanouir entre mes doigts. Comme si elle était faite de brume, de souvenir, de quelque chose que j’avais attendu mille nuits sans oser espérer. Mes lèvres ont glissé sur sa clavicule, puis son cou — ce parfum, c’était encore le sien, celui qui m’avait hanté.Elle a gémi doucement, la tête penchée, offerte, les yeux mi-clos.Je ne pouvais plus reculer. Je ne voulais plus.Mes mains ont retrouvé ses courbes avec une lenteur presque douloureuse. Je redécouvrais chaque creux, chaque frisson. Mes doigts ont glissé sur la ligne délicate de ses hanches, sur le ventre où avait grandi notre fille… et mon cœur s’est serré.— Tu es magnifique… ai-je soufflé contre sa peau.
Chapitre 34 : L'APPARTEMENT DE Camille Il n’y avait que la lumière du couloir, douce et dorée, qui s’échappait par la porte entrebâillée. Mael monta les marches lentement, presque religieusement, comme s’il entrait dans un sanctuaire. La porte était ouverte, comme elle l’avait dit. Mais en la poussant, ce ne fut pas seulement un appartement qu’il découvrit. C’était un morceau de la vie de Camille. De sa vie sans lui.Le salon était simple, chaleureux, aux teintes neutres et aux coussins dépareillés. Des jouets d’enfant rangés dans un petit coffre en bois, des dessins collés sur le frigo. Une odeur de vanille flottait dans l’air, légère et douce, presque maternelle. Il resta un instant figé, absorbant l’intimité du lieu.Il passa lentement dans le couloir, caressant du bout des doigts les cadres accrochés au mur. Des photos. Camille avec sa fille. Camille souriant. Il la reconnaissait dans chaque détail : dans le choix des rideaux, dans les livres alignés avec soin, dans les plantes v
Chapitre 33 : J'AIMERAIS LE REVOIR LE POINT DE VUE D'ELODIEJe somnolais à l’arrière de la voiture, blottie contre le coussin que maman avait glissé derrière ma tête. L’odeur du tissu sentait la lavande et le linge propre, une odeur qui me rappelait nos soirées d’hiver, quand elle me massait les tempes avec une huile naturelle parce que j’avais mal à la tête. Cette femme, ma mère… elle était tout pour moi. Et pourtant, ce soir, j’avais l’impression de la découvrir à nouveau.Le trajet depuis l’hôpital avait été silencieux. Ni lourd, ni gênant. Juste… calme. Comme si elle aussi avait besoin d’aligner ses pensées.Quand on est arrivées devant l’immeuble, elle s’est garée lentement, comme si elle hésitait à franchir cette étape. Elle est descendue d’un geste un peu mécanique et a contourné la voiture pour m’ouvrir la portière. J’ai levé les yeux vers elle.— Maman, tu es fatiguée ? lui ai-je demandé.Elle m’a offert un sourire doux, mais je voyais la fatigue dans ses yeux. Une fatigue d
Chapitre 32 : FAMILLE RÉUNIES MAEL Le silence avait envahi la chambre après le départ de Lysa.J’étais restée près du lit d’Élodie, assise dans ce fauteuil inconfortable, à caresser doucement les mèches blondes qui retombaient sur son front. Elle dormait profondément, paisible, loin de tous les drames qui secouaient nos vies. Je l’enviais presque, ma fille. Sa respiration régulière, son innocence. Elle n’avait rien demandé, mais elle était au centre d’un bouleversement immense.Puis Mael est revenu.Je l’ai senti avant même de le voir. Ce n’est pas une question de bruit de pas ou de mouvements. C’était autre chose. Cette énergie particulière qui flottait dans l’air quand il était là. Comme si tout mon corps reconnaissait sa présence avant mon esprit.Il est resté debout un instant, près de la porte. Silencieux.Je n’ai pas levé les yeux tout de suite. Je n’en avais pas le courage. J’avais trop peur de croiser son regard et d’y lire des choses que je n’étais pas prête à affronter. De
Chapitre 31 : ÉTEINDRE UNE FLAMME LE POINT DE VUE LYSAJe les observais à travers la vitre. Mael et Camille. Ils parlaient doucement, mais leurs gestes, leurs regards… tout criait ce que les mots n’avaient plus besoin d’exprimer. Ce lien entre eux, cette chose invisible et indestructible, elle n’avait jamais disparu. Je l’ai toujours su, au fond.Je me sentais figée, incapable de détourner les yeux. C’était comme assister à une scène que j’avais redoutée depuis longtemps, mais que j’avais refusé de m’avouer.Camille, avec ses yeux humides et sa voix tremblante. Mael, avec cette douceur dans le regard qu’il ne réservait qu’à elle. Je ne l’avais jamais vu comme ça avec moi. Jamais. Même dans les moments les plus intimes, il était toujours un peu ailleurs, un peu distant. Je pensais pouvoir combler ce vide à force de patience, de présence… d’amour. Mais on ne peut pas forcer un cœur à changer de cap.Je me suis surprise à serrer mes bras autour de moi. Un réflexe. Comme si je voulais me
Chapitre 30 : C'est ma filleLE POINT DE VUE DE MAELJe n’avais pas quitté la chambre de repos. Élodie dormait à nouveau, son visage paisible, encadré par ses cheveux bruns en bataille. J’étais resté assis là, à côté d’elle, le cœur encore serré mais étrangement apaisé. J’entendais encore sa voix m’appeler "Monsieur Maël", son petit sourire en coin. Elle avait ce quelque chose… cette lumière familière.Quand Camille est revenue dans la pièce, elle marchait lentement, comme si ses jambes portaient tout le poids du monde. Je me suis levé. Je devais lui parler. Je ne pouvais plus garder ça en moi.— « Camille… » ma voix tremblait légèrement. « Dis-moi la vérité. »Elle fronça les sourcils.— « La vérité ? » demanda-t-elle, les bras croisés comme pour se protéger.Je fis un pas vers elle. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression que les murs entiers pouvaient l’entendre.— « Élodie… est-ce que c’est ma fille ? »Ses yeux s’écarquillèrent, elle ouvrit la bouche, et je la vis se dé