Solitude

La pluie frappait doucement les vitres fissurées de la chambre, comme un murmure triste contre la colère qui grondait à l’intérieur de la maison. Alayna se tenait là, assise sur le coin de son lit, les bras serrés autour de ses genoux, tentant de se faire aussi petite que possible. Dans la pièce voisine, la voix grave et menaçante de Vincent résonnait encore. Il avait hurlé. Il avait cassé une chaise. Encore une fois.

Et sa mère n’avait rien dit.

Elle n’avait jamais rien dit.

Cela faisait trois ans que le cauchemar avait commencé. Trois ans que son père était mort dans un accident de voiture, la laissant seule avec une mère incapable de faire face à la douleur. Trois mois plus tard, Clarisse avait retrouvé un nouveau mari. Un homme séduisant, charismatique… mais qui avait vite montré un autre visage une fois la bague passée à son doigt.

Vincent contrôlait tout. Ce qu’elle portait. Où elle allait. Ce qu’elle disait. Il n’avait jamais levé la main sur elle — pas encore — mais ses mots étaient des coups bien plus douloureux. Chaque soir, c’était la même chose : les reproches, les insultes, les menaces voilées. Et Clarisse, maquillée à outrance, regardait ailleurs, comme si cela n’existait pas.

Alayna n’avait que 19 ans. Pourtant, elle se sentait vieille, fatiguée, usée.

Elle avait essayé de fuir. Une fois. Elle avait pris un petit sac, ses papiers, un peu d’argent caché dans une chaussette. Mais il l’avait retrouvée en quelques heures. Il avait simplement souri, d’un sourire glacial, et lui avait murmuré à l’oreille :

« Si tu recommences, je te promets que tu regretteras d’être née. »

Depuis, elle avait renoncé., à fuir , à vivre , à espérer.

Jusqu’à ce soir.

Les mains tremblantes, elle saisit son vieux téléphone et ouvrit l’application de discussion anonyme qu’elle avait découverte par hasard. Des confessions. Des secrets. Des offres... Certaines répugnantes. D’autres étrangement fascinantes. C’est là qu’elle avait vu ce message :

“J’ai vendu ma virginité pour 300 000 dollars. Aujourd’hui, je vis à Londres, libre et en paix.”

Une idée folle. Inconcevable. Mais persistante.

Elle avait tourné en rond toute la journée, luttant contre sa propre morale, contre l’humiliation. Puis, elle avait cédé. Elle avait posté.

“Je vends ma virginité. Discrètement. Pas pour le plaisir. Pour fuir.”

Et maintenant, elle attendait. Tremblante. Honteuse. Terrorisée. La pluie redoublait d’intensité comme pour couvrir les battements désordonnés de son cœur.

Elle allait éteindre son téléphone, tout effacer, oublier cette folie… Quand une notification s’afficha.

Un seul message.

Court. Direct. Puissant.

"Je paie le double. Mais je fixe les règles. – W.W."

Elle cliqua. Le profil était anonyme, bien sûr. Mais le pseudo l’intrigua. W.W. ? Curieuse, elle copia le nom et fit une recherche rapide.

Le choc la fit reculer d’un pas.

Williams Wexler.

26 ans. PDG de WexTech, un empire du digital et de l’IA. Jeune milliardaire. Connu pour sa froideur, son refus des interviews, son immense fortune. Aucune photo personnelle. Aucun scandale. Juste ce regard sur la une d’un magazine économique : perçant, glacial, calculateur.

Que voulait-il d’elle ?

Alayna sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine. Il était sérieux. Il voulait… l’acheter ?

Elle hésita. Longuement. Mais en bas de l’écran, un second message apparut :

"Tu choisis l’endroit. Je paierai d’avance. Mais je veux que tu comprennes une chose : je ne joue pas. Et je ne tolère pas les mensonges."

Les doigts tremblants, Alayna tapa une réponse. Trois mots.

"Quand et où ?"

C’était fait.

Elle venait de vendre son innocence.

Mais dans cette folie, une seule chose la réconfortait :

Ce soir, elle avait repris le contrôle de sa vie.