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Chapitre 4 : Un silence trop lourd

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-12-09 17:41:52

MAYA

Je regarde l'homme , Kai désespérément. Il est retombé dans l'inconscience, sa respiration un sifflement faible.

Ils le cherchent. Ce sont eux qui l'ont fait ressembler à un plan de métro. Et ils sont là. À quelques mètres de nous. Séparés seulement par une fine tôle de van rouillé.

Mes options défilent à toute vitesse dans mon esprit. Sortir en courant ? Ils me verront. Ils ont sûrement vu le van. Rester ici ? Une boîte de conserve sans issue. Une prison.

Les pas reprennent, plus proches. Une voix d'homme, basse et autoritaire, résonne dans la nuit :

— Il ne peut pas être loin. Il perdait trop de sang.

Une autre voix répond, plus jeune, nerveuse :

—On a vérifié les poubelles. Rien. Il a dû être emmené.

— Ou il se cache. Cherchez partout. Les voitures. Les recoins.

Je jette un dernier regard à Kai. Ses yeux sont fermés, son visage d'une pâleur de cire sous la lueur de la lampe torche de mon téléphone que j'ai posée à côté de lui.

Une folie. Une pure folie s'empare de moi. Le genre de folie qui me fait sauter d'un toit pour le frisson, qui me pousse à résoudre des énigmes dans des endroits interdits.

Je ne vais pas le laisser. Pas maintenant.

D'un geste vif, j'attrape la couverture duveteuse qui traîne dans un coin, je la jette sur lui, le camouflant tant bien que mal. J'éteins la lampe torche, plongeant le van dans un noir d'encre. Puis, avec des mouvements furtifs, je me glisse vers l'avant, vers le siège du conducteur. Les pas sont tout près, à quelques mètres seulement. Je perçois l'ombre d'un homme qui passe devant le pare-brise.

Je me tasse sur le siège, retenant mon souffle. Mes doigts cherchent le trousseau de clés dans la poche de mon sweat. Je les serre si fort que le métal m'entre dans la paume.

Le van n'est pas verrouillé de l'intérieur. Une simple poignée nous sépare de l'extérieur.

Clac.

Le bruit est infime. Celui d'une main qui tâte la poignée de la porte latérale.

Je ferme les yeux. Ne bouge pas. Ne respire pas.

Le silence est insoutenable. Puis, la voix de l'homme, si proche qu'elle semble venir de l'intérieur même du van :

— Il y a un van. À vérifier.

La poignée tourne.

C'est à cet instant précis que mon téléphone, posé près de Kai sous la couverture, se met à vibrre. La vibration, contre la tôle du van, résonne comme un tambour dans le silence.

Un juron étouffé à l'extérieur.

— Il y a quelqu'un là-dedans !

C'en est trop. L'instinct de survie, ce vieil inconnu, prend enfin le dessus. Je fais ce qu'il y a de plus stupide et de plus évident.

Je mets la clé dans le contact. Je tourne. Le moteur diesel tousse, grogne, et rugit soudain dans la nuit.

Et j'écrase l'accélérateur.

Le van bondit en avant, aveugle dans le noir, projetant tout ce qui n'est pas attaché à l'arrière. J'entends un cri de surprise à l'extérieur, le bruit d'un corps qui se jette sur le côté. Les phares balayent des silhouettes sombres qui se dispersent comme des cafards.

Je ne regarde pas en arrière. Je fonce droit devant, dans l'allée étroite, le volant vibrant dans mes mains moites. Dans le rétroviseur, je vois deux hommes se relever, puis disparaître dans la nuit alors que je prends le virage en dérapage, les pneus crissant sur l'asphalte mouillé.

Je roule pendant dix minutes, quinze, sans but, tournant à gauche, à droite, jusqu'à ce que mon cœur cesse de vouloir jaillir de ma poitrine. Je finis par me garer dans une rue calme et résidentielle, sous un grand arbre dénudé. Les lumières des maisons sont éteintes. Le monde dort.

Je coupe le moteur. Le silence revient, mais c'est un silence différent. Brisé par le souffle rauque et précipité que j'essaie de calmer, et par un autre son, faible, venu de l'arrière.

Une toux. Sèche, douloureuse.

Je me retourne lentement sur mon siège. Dans la pénombre, je vois deux points gris briller. Il est réveillé. Et il me regarde.

Son visage est toujours aussi pâle, mais ses yeux sont pleinement conscients, pleinement présents. Et cette fois, ce n'est pas de la confusion animale que je lis dans son regard. C'est de la colère. De la méfiance. Et une interrogation intense.

Il ouvre la bouche. Sa voix est ravagée, un gravier dans une boîte rouillée, mais chaque mot est net et pesant.

— Qui… es-tu ?

La question tourne dans l'air, chargée de tous les dangers que nous venons de fuir. Je le fixe, mes propres mains tremblant légèrement sur le volant.

— Maya, je dis enfin, le nom semblant trop petit, trop normal pour cette nuit. Je m'appelle Maya.

Il cligne des yeux, comme si le nom ne signifiait rien. Puis ses yeux se posent sur le bandage sur son torse, sur le van, sur moi, dans mon sweat de misère.

— Pourquoi ?

Une seule question. Pourquoi l'avoir sauvé ? Pourquoi avoir risqué sa peau ?

Un sourire que je ne sens pas monter aux lèvres étire ma bouche. Un sourire de défi, de folie assumée.

— Parce que tu étais le puzzle le plus intéressant que j'aie jamais trouvé. Et j'ai horreur de laisser un puzzle inachevé.

Il ne sourit pas. Ses yeux gris se plissent. Il semble évaluer chaque mot, chaque micro-expression sur mon visage.

— Ils vont revenir, il dit enfin, sa voix plus forte, plus menaçante. Ils ont vu le van. Ils vont te trouver. Et ils vont te tuer pour me retrouver.

Le frisson qui me parcourt cette fois n'a rien d'excitant. C'est la certitude glacée de la vérité.

— Bienvenue dans mon monde, Maya, murmure-t-il, avant de laisser sa tête retomber sur le matelas, épuisé. Tu viens de signer ton arrêt de mort.

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