Chapitre 2 : La Froidure de la Vérité

POV de Shirley

Je n’arrivais pas à dormir.

Les draps étaient glacés autour de moi, la chambre encore plus froide. Le léger bourdonnement de la nuit à l’extérieur était le seul son à remplir le silence, mais il ne m’apportait aucun réconfort. Il ne faisait que rendre le vide plus réel, plus profond.

Le nom de Jason tournait en boucle dans ma tête. Encore et encore. Les mots sur l’écran semblaient gravés dans mon cerveau, brûlant mes pensées :

Salut bébé, tu me manques. J’ai hâte de te revoir ce soir.

Ce n’était pas Jason. Non. Ça ne pouvait pas être lui. Ce n’était pas le genre de message qu’il enverrait. Il était collègue de Steven, partenaire professionnel — toujours sérieux, toujours contrôlé. Ce message venait de quelqu’un d’autre. Quelqu’un que je ne connaissais pas. Quelqu’un qui s’était immiscé dans ma vie sans que je m’en rende compte, quelqu’un qui, lentement, silencieusement, me volait mon mari.

Je me tournai sur le côté, fixant l’obscurité. Les secondes semblaient durer des heures alors que je repassais la scène dans ma tête. Il y a deux heures, Steven était sorti de la douche, le corps encore humide, la vapeur flottant autour de lui. Il avait vu le message sur son téléphone. Ses yeux avaient hésité un instant, et pour un moment, j’avais cru qu’il ferait ce qu’il faisait toujours — balayer ça d’un geste, comme si de rien n’était.

Mais non. Cette fois, il avait laissé tomber le masque.

Il m’avait parlé de travail, prétendant devoir rester quelques heures de plus au bureau.

« Ne m’attends pas, » avait-il dit, affichant ce sourire parfait. Il enfila ses vêtements, ajusta sa cravate, et sortit — comme si tout allait bien.

Je ne l’avais même pas questionné. Pas tout de suite. Parce que si je n’avais pas vu ce message, je l’aurais cru. La soirée aurait continué comme n’importe quelle autre. Mais maintenant ? Maintenant, je ne pouvais plus me mentir.

Il ne travaillait pas tard. Il n’était pas au bureau. Il était ailleurs. Avec elle.

Une vague de froid me parcourut. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait éclater ma cage thoracique. Je n’avais aucune preuve, rien de concret. Mais au fond de moi, je savais.

Il est avec elle.

Et moi, je suis seule. Seule dans ce lit vide et glacé. Seule dans cette vie que je croyais connaître. Seule avec ce mélange d’émotions qui menace de m’engloutir.

Je fermai les yeux, essayant de retenir mes larmes, mais elles vinrent malgré tout. Chaudes, amères, pleines d’une douleur indescriptible.

Pourquoi ?

Pourquoi ne suis-je pas assez ? Était-ce quelque chose que j’ai fait… ou que je n’ai pas fait ? Était-ce parce que je m’étais laissée glisser dans ce rôle — juste épouse, juste mère ? Ou parce que je n’étais plus la femme que j’étais quand il était tombé amoureux de moi ? J’avais passé des années à construire cette image parfaite de notre vie, de notre amour. Mais peut-être que cette image n’avait jamais été réelle. Peut-être que ce n’était qu’un mensonge.

Peut-être que c’était moi, le problème.

La panique monta dans ma poitrine. Mes pensées s’emballaient plus vite que je ne pouvais les suivre. Qui est-elle ? Je ne la connaissais pas. Était-ce quelqu’un qu’il avait rencontré au travail ? Quelqu’un de son passé ? Je voulais hurler, poser la question qui me consumait : Qui est cette femme qui me vole mon mari ?

Je me recroquevillai sous les couvertures, me blottissant contre moi-même. Je grelottais. Mais ce n’était pas seulement le froid. C’était cette réalisation brutale : je n’avais aucun contrôle sur ma propre vie. Mon mariage. Ma famille.

Devrais-je l’affronter ?

L’idée de l’appeler, de lui demander la vérité, me nouait l’estomac. Mais ce n’était pas seulement lui que je devais affronter. C’était tout ce en quoi j’avais cru. Tout ce pour quoi j’avais combattu.

Et si je me trompais ?

Et si tout cela n’était qu’un malentendu ? Et si je réagissais trop, imaginant ce qui n’existait pas ?

Mais je ne pouvais plus ignorer ce pressentiment dans mon ventre, cette certitude que ce n’était pas une erreur, pas un hasard. Quelque chose avait changé.

Il avait changé.

L’homme que j’avais épousé, l’homme en qui j’avais confiance, m’échappait. Et moi, je me retrouvais seule avec le désordre de la vie que j’avais construit autour de lui. Une vie qui ne semblait plus m’appartenir.

Devrais-je continuer à faire semblant ?

Je pourrais me mentir, sourire malgré la douleur, prétendre que tout allait bien, comme je l’avais toujours fait. Ce serait facile. Ce serait sûr. Je pourrais rester dans cette bulle fragile et confortable que j’avais créée — parfaite en apparence, mais vide à l’intérieur.

Ou je pourrais tout briser.

Briser le mensonge, découvrir la vérité. Mais et si cette vérité était plus que je ne pouvais supporter ?

Je m’essuyai les larmes, assise dans le lit. Le silence de la nuit pesait sur mes épaules comme une chape de plomb. Je ne savais pas quoi faire. Je ne savais pas comment réparer ça. Je ne savais même pas si c’était réparable.

Mais une chose était sûre : je ne pouvais plus vivre ce mensonge.

Et je ne pouvais plus prétendre que tout était encore comme avant.