All Chapters of SOMBRE TÉNÈBRE : Chapter 71 - Chapter 80

Sombre ( Salvatore)Je ferme un instant les yeux et je me rappelle nos premières nuits, les prémices de son sourire, la douceur fragile de ses gestes encore hésitants, la manière dont elle a accepté de se laisser approcher sans poser de questions, comme si elle ignorait encore les ombres qui s’étendent derrière moi, comme si elle croyait que je n’étais qu’un homme et non l’écho d’un autre, elle ne connaît rien de mon monde, elle ne devine pas la violence qui m’entoure ni les alliances qui me tiennent, et dans cette innocence presque déroutante elle se livre avec une confiance qui me désarme, elle n’a pas vu les fissures, elle n’a pas aperçu l’autre moitié de moi, elle ne sait pas qu’il existe et que je ne suis jamais seul, elle se donne à moi avec une naïveté que je devrais repousser mais qui me retient, et cette ignorance la rend précieuse et dangereuse à la fois, parce qu’elle me fait naître un désir de possession que je n’ai jamais connu, je me surprends à vouloir la garder pour mo

NAHIALe silence s’épaissit dans la chambre comme une brume lourde et collante, chaque seconde qui passe résonne dans mes tempes comme le battement d’un tambour étouffé, j’ai la gorge sèche, le souffle court, mes doigts agrippent toujours le drap contre ma poitrine comme si ce tissu ridicule pouvait me protéger de ce que je vois, de ce que je refuse de comprendre. Deux visages, deux voix, un même nom qui se dédouble devant moi comme une fracture béante dans le réel, et tout ce que je croyais savoir s’effondre, se retourne contre moi.— Salvatore… dis-moi ce que ça veut dire.Ma voix déraille, trop haute, trop tremblée, comme une corde qui casse, et mes yeux cherchent désespérément ceux de celui que je crois connaître, celui avec la chemise sombre, celui que je croyais être mon ancre.Mais il tressaille, son visage se ferme, et sa voix s’abat comme un couperet.— Ne m’appelle plus ainsi. Pas ici. Ici je suis Sombre. Et lui… c’est Ténèbre.Le nom tombe dans l’air comme un grésillement d

NAHIAL’air est devenu si dense que j’ai l’impression qu’il pèse sur ma peau, la chambre palpite d’une chaleur sourde, comme si les murs eux-mêmes retenaient leur souffle. Ils sont là, tout près, leurs présences jumelles, leurs regards qui m’enserrent, l’un d’ombre et de gravité, l’autre d’éclat et de feu. Ils ne me touchent presque pas et pourtant je sens leurs traces partout, sur mes bras, sur ma nuque, jusque dans mon ventre où monte une fièvre que je ne reconnais pas.Sombre s’est avancé sans bruit, sa main effleurant la couverture comme une promesse de chute, je sens la tension qui traverse son torse, cette retenue fébrile, presque douloureuse, et quand ses doigts s’arrêtent à quelques centimètres de moi, le monde rétrécit jusqu’à n’être plus qu’un battement, un souffle partagé.— Regarde-nous, Nahia, souffle Ténèbre derrière moi, sa voix basse, caressante.Je voudrais résister, mais mes yeux se lèvent d’eux-mêmes. Leurs silhouettes se mêlent, leurs ombres glissent sur le mur, se

LioraJe reprends la nuit là où elle se referme sur nous, j’alourdis l’air d’ombres nouvelles et de visages qui n’existaient pas encore, la maison respire moins, elle retient son souffle comme si elle savait que quelque chose de plus lourd approche, on a parlé du Comptoir, des courtiers, des relais, mais la trahison aime les échos et elle fait tomber des noms dans l’oreille des mauvais, seulement cette fois les mauvais apportent autre chose qu’un nom, ils apportent deux silhouettes qui se répondent comme une seule menace, Sombre et Ténèbre, et leur présence plie l’espace autour d’eux, ils n’ont pas besoin de sourire pour faire peur, leurs visages sont des plans d’effroi, leurs mains savent frapper et retenir et défaire, ils avancent ensemble, coordonnées, comme si l’un était la trajectoire et l’autre la certitude du coup.Je glisse dans le couloir, la voix qui se casse est loin d’être un signal .— Les jumeaux, murmure quelqu’un, et la phrase tombe comme une pierre, pas plus de détail

NahiaJe reste assise sur le bord du lit, les draps tièdes froissés sous mes mains, et je sens la moiteur de la chambre se mêler à ma propre nervosité. Chaque craquement du plancher résonne comme un tambour dans ma poitrine, chaque respiration de la maison me semble exagérée, comme si elle retenait son souffle pour ne pas révéler ce que j’ignore encore. La pluie tambourine contre les vitres et s’infiltre par petites gouttes dans les interstices du cadre, et je devine, derrière ce rideau d’eau, la ville tremblante sous le même orage.Je m’agenouille un instant pour glisser mes mains sous mes genoux, comme pour contenir le flot de questions qui monte : où sont-ils passés ? Pourquoi ce silence ? Et quand reviendront‑ils ? Une peur fine mais tenace s’accroche à moi, celle d’un contact trop proche, trop soudain, qui pourrait m’engloutir si je ne me prépare pas.Un bruit presque imperceptible me fait sursauter. La porte d’entrée claque légèrement. Mon cœur se serre, mon estomac se noue. Ils