JadeQuand je sors de la voiture, j’ai encore sa main imprimée dans la mienne. Et ce sourire qu’il m’a laissé comme une empreinte brûlante entre les omoplates.Mais à peine mes talons touchent le trottoir que la réalité me saute à la gorge.Le monde ne s’est pas arrêté pendant que je dormais dans ses bras.Au contraire, il m’attendait, affûté.Les regards fusent de partout. À travers les vitres de la façade en verre, au coin de l’œil des collègues en pause clope, dans les rétroviseurs des scooters garés. Une silhouette féminine sortant d’une Maybach noire, tôt le matin, avec les cheveux encore légèrement humides et un éclat particulier dans le regard ? L’information est captée, digérée, relayée en une demi-seconde. Il n’y a pas besoin de mots. Juste de silence lourd et de sourires pincés.Et moi, au cœur de ce bal d’hypocrisie feutrée, je me sens… visible. Mise en lumière par une torche que je n’ai pas allumée.J’essaie de marcher droit. De garder la tête haute. Mais le poids de ce qu
Jade Le jour perce à peine à travers les rideaux tirés. Une lumière pâle, dorée, qui caresse les draps froissés, la peau nue, les silences en suspens.Je me réveille contre lui.Ma joue posée sur son torse, son souffle régulier sous mon oreille. Il ne dort plus, je le sais. Il respire trop doucement, trop consciemment. Mais il ne dit rien. Et moi non plus.Je laisse mes doigts glisser paresseusement contre sa peau. Juste là, sur la ligne de ses côtes. Là où les hommes se relâchent quand ils se sentent enfin en sécurité. Là où les murs tombent sans bruit.Sous mes doigts, je sens son corps qui s’adoucit.— Tu bouges, murmure-t-il d’une voix encore râpeuse de sommeil.Je souris contre lui.— Et toi, tu fais semblant de dormir.Un grognement étouffé. Sa main remonte dans mon dos, paume grande, lente, possessive. Pas dans le sens d’un homme jaloux. Dans celui de quelqu’un qui a trop souvent perdu pour risquer de ne pas tenir.— J’essaie de prolonger l’instant, souffle-t-il.Je relève la
Jade Je ne dis plus rien.Il y a un moment où le silence devient un langage. Un souffle plus fort que les mots. Et ce qu’il m’a confié, ce qu’il m’a jeté au visage comme on jette un cri… ce n’est pas une confidence. C’est une déchirure.Et cette déchirure, je la sens encore vibrer contre ma peau nue.Je ne bouge pas tout de suite.Je reste là, immobile, mes yeux ouverts dans l’obscurité, collée à lui. Le battement de son cœur cogne contre ma tempe, irrégulier, fébrile. Il est tendu sous moi, presque douloureux à force de retenue.Il respire à peine.Il attend , comme on attend une sentence.Et moi, je prends une décision.Je me redresse lentement, sans le quitter des yeux. La lumière tamisée dessine l’ombre de sa mâchoire tendue, la ligne nerveuse de ses bras posés contre le matelas. Il me regarde avec une sorte d’alerte dans les yeux. Une alerte animale. Il est prêt à être quitté. Il est prêt à voir s’effondrer ce moment qu’il n’aurait jamais dû vivre.Mais je reste.Et je fais plu
Jade Je n’arrive pas à bouger.Et c’est peut-être ça, le plus terrifiant.Je suis là, allongée contre lui, la joue collée à sa peau chaude, le cœur en vrac, les pensées en éclats. Ses mots se répètent dans ma tête, comme une boucle impossible à casser. Des mots lourds. Bruts. Tremblants. Il m’a confié son frère comme on confie une bombe.Et pourtant, je ne fuis pas.Je ne fuis pas.Je sens la tension dans ses muscles sous ma joue, sa respiration qui hésite, suspendue. Il est figé, comme s’il attendait le verdict. Comme s’il se préparait à être abandonné.Et Dieu sait que je devrais partir.J’ai déjà fui pour moins que ça. Pour des silences trop longs. Pour des absences trop fréquentes. Pour des regards qui devenaient vides. J’ai quitté des hommes pour leur lâcheté. Leur égoïsme. Leur fadeur.Mais lui…Lui, il vient de me livrer le chaos. Entier , nu , incandescent. Et ce n’est pas la peur qui monte en moi. C’est autre chose.Quelque chose de plus étrange. De plus intime. Une forme d
Caleb Jade dort.Sa tête repose sur mon torse, sa respiration est calme, régulière. Je sens ses cheveux contre ma peau, doux, légers, presque irréels. Il y a quelques heures, elle gémissait mon nom, tendue, offerte, brûlante contre moi. Et maintenant, elle dort. En confiance.Et c’est là que la peur remonte.Pas une peur de l’autre. Une peur de moi. De ce que je suis, de ce que je transporte. De ce que je n’arrive pas à taire, même ici, dans cette lumière douce du matin, dans cette pièce qui sent encore le sexe et la sueur, dans ce lit où, pour une fois, j’avais presque cru pouvoir m’abandonner.Mais on n’échappe pas à soi-même.Je fixe le plafond, les lignes nettes que la lumière trace comme des coupures sur le blanc. Et je pense à lui. À Elian.Toujours lui.Mon jumeau. Mon reflet. Mon poison.Je pourrais fermer les yeux, me fondre dans cette illusion. Jouer le rôle du type bien. Celui qui tombe amoureux. Celui qui croit encore aux secondes chances. Mais ce serait lui mentir. Ce s
Jade La lumière du matin s’infiltre à travers les rideaux, dorée, timide, comme si elle avait peur de troubler la paix fragile de cette chambre.Je suis réveillée, mais je reste immobile, allongée sur le flanc, les paupières closes. Mes sens, eux, sont déjà en éveil.Je sens son souffle derrière moi. Lent. Régulier. Rassurant.Sa main repose sur ma taille, paume ouverte, ancrée. Pas possessive. Juste présente. Comme s’il voulait me dire : je suis là.Je respire profondément, lentement. La chaleur de son torse dans mon dos, la texture des draps contre ma peau nue, l’odeur boisée et masculine qui s’échappe de lui… Tout m’enveloppe dans une bulle irréelle, un cocon suspendu hors du monde.Puis je bouge légèrement, et je le sens qui se réveille un peu plus, son souffle qui change.Je me retourne lentement, et nos regards se croisent. Ses yeux sont déjà ouverts. Profonds. Silencieux.— Tu ne dors pas ? soufflé-je, surprise.Il secoue à peine la tête, un sourire au coin des lèvres.— Je d