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Chapitre 5

last update Last Updated: 2025-07-31 14:04:27

LE POINT DE VUE DE CHRISTINE 

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là. Peut-être une heure. Je suis dans une pièce plongée dans le noir 

Tout ce que je sens, ce sont ces cordes qui me cisaillent les poignets et les chevilles. Le tissu de ma robe collé à ma peau moite . 

Puis une voix, masculine, grave, résonne dans l'obscurité. 

— Un million ? Deux ? Dis-moi un chiffre. Ce que tu veux. Mais lâche ces foutues cordes !

Ma voix tremble, je le sais. Mais je fais semblant. Je veux qu’il croit que je contrôle quelque chose. Même si je suis à sa merci.

Il ne répond pas. Il tourne les talons, et je crois un instant qu’il va partir. Me laisser là, dans le noir, seule avec mes pensées et mes peurs.

Mais non.

La porte grince. Une lumière déchire l’ombre. Il est revenu masqué et silencieux. Et dans sa main... un seau.

Je n’ai pas le temps de réagir. L’eau glacée me frappe comme une gifle violente. Je pousse un cri étranglé. Mon cœur s’emballe, ma robe devient une seconde peau trempée et honteuse. 

— Espèce de taré ! Tu comptes me torturer pour un foutu caprice ?!

Il s’approche. Lentement. Avec cette assurance glaciale de ceux qui savent qu’ils contrôlent le moindre de vos gestes.

Il s’accroupit devant moi. Son masque me nargue, et sa voix , me fait l’effet d’un serpent qui s’enroule autour de mon cou.

— Je voulais juste voir à quoi ressemblait Mademoiselle Belmont... mouillée. Et tu sais quoi ? C’est encore plus joli que je l’imaginais.

Je détourne la tête. Je me mords les lèvres pour ne pas lui cracher au visage. Je refuse de lui donner ce plaisir. Je me jure de ne pas flancher. Mais à l’intérieur… je tremble.

— Si tu veux de l’argent, appelle mon père. Il peut t’en donner dix fois plus que ce que tu imagines. Libère-moi, et je promets de ne rien dire.

Je tente une dernière carte, désespérée mais digne.

Mais ce qu’il sort alors de l’ombre me glace bien plus que l’eau.

Un fouet. Il le fait claquer au sol, doucement. Juste devant moi. Le bruit sec me traverse comme une onde électrique.

— Je m’en fous de ton fric. Ce que je veux, c’est l’Éclat de Reine.

Je cligne des yeux. Quoi ? L’éclat de quoi ?

— Je... Je ne sais même pas ce que c’est. Je n’ai jamais entendu ce nom.

Et là, sans prévenir, le coup part. Pas brutal, pas sanglant mais précis. Juste sur mon flanc.

Je suffoque.

Ma peau brûle. Mes muscles se crispent sous la douleur aiguë. Je serre les dents. Pas un cri. Pas un gémissement. Il ne l’aura pas. 

Je suis à genoux, trempée, épuisée, à bout de souffle. Mes cheveux collent à mon visage, mes membres tremblent. Le sol est froid contre mes genoux. 

Je sens chaque trace qu’il a laissée, comme des signatures brûlantes sur mes cuisses, mon dos, mes flancs. 

— Les mensonges... ont toujours un prix.

Il s’avance lentement, sans un mot, avec cette prestance glaciale qui me donne envie de crier, de le haïr, de le supplier tout à la fois.

— Le collier…

Sa voix est calme . Ma gorge se serre. Mon cœur cogne si fort que je peine à respirer.

Je relève la tête, les larmes brouillant ma vision.

— J’en ai des dizaines chez moi . Si c’est celui-là que tu veux, je peux demander à quelqu’un de te le retrouver… Mais s’il te plaît, laisse-moi partir.

Il esquisse un sourire cruel. 

— Tu vas le retrouver toute seule... en fouillant ta mémoire.

Je fronce les sourcils, confuse. Puis il appuie sur un bouton.

Un pan de mur glisse lentement sur le côté, dévoilant un grand miroir sans tain. Il se dresse devant moi . Mon reflet m’explose au visage.

Je suis méconnaissable.

Trempée. Épuisée. Misérable.

Mes vêtements pendent en lambeaux, collés à ma peau. Mes bras et mes cuisses sont zébrés de marques rouges, fraîches. Mes lèvres tremblent, mes yeux sont gonflés de larmes. Je me dégoûte. Je me plains intérieurement de cette faiblesse, mais je ne peux plus rien contrôler. 

Il s’approche de mon oreille, sa voix à peine murmurée :

— Tu te souviens de la première fois que tu as porté ce collier ?

Je ne réponds pas. Mon souffle est court, heurté. Puis il ajoute, avec une lenteur dérangeante :

— Quinze ans. À Vienne. Une vente aux enchères.

Tout en moi se fige.

Vienne…

Je ferme les yeux.

 Une image éclate dans mon esprit. La salle luxueuse , les murmures feutrés des enchérisseurs… J’étais jeune. Je me revois, toute petite en robe bleu nuit, à peine dix ans , les cheveux remontés en chignon sage, avec un ruban assorti. À mes côtés, mon père, en smoking, droit . 

Je me souviens de l’agitation dans la salle , du bruissement des catalogues feuilletés, des murmures impatients des enchérisseurs.

On murmurait des montants. D’autres les surpassaient. Les regards se croisaient avec avidité, des sourires discrets se dessinaient. 

Je me souviens du collier. Il était là, exposé sous une vitrine circulaire illuminée, posé sur un coussin noir de velours. Il scintillait comme un trésor . Chaque diamant semblait vivre, vibrer, projeter des éclats de lumière blanche et bleue sur les visages fascinés.

 Les pierres étaient taillées en goutte, d’un éclat irréel, chacune parfaitement montée sur une délicate structure d’or blanc. Au centre, suspendu comme le cœur d’un astre, un diamant plus imposant, ovale, pur, d’une rareté absolue. Je n’avais jamais vu une chose aussi belle.  

Je ne savais pas comment il s’appelait. À l’époque, tout ce que je voyais, c’était la magie . J’avais senti mon cœur battre plus fort, ma gorge se nouer. J’en étais tombée amoureuse. Littéralement. Amoureuse de ses feux glacés, de son éclat insolent. J’avais tiré la manche de mon père. J’avais supplié. Imploré. J’avais dit que je le voulais plus que tout.

Mais un homme avait surenchéri. Encore. Et encore. Mon père restait immobile. Je pleurais presque. Puis il avait levé la main.

Et cette main-là, quand elle se levait… personne ne la dépassait.

Le marteau avait frappé. Le silence s’était abattu un instant, avant que le murmure n’éclate à nouveau. Moi, je souriais, radieuse, euphorique. Je m’étais sentie comme une princesse couronnée devant un royaume invisible. Intouchable.

 Le nom du collier m’avait échappé. Jusqu’à aujourd’hui.

Aujourd’hui… c’est lui qui m’en parle.

Je rouvre les yeux.

Il est toujours là, debout derrière moi, m’observant à travers le miroir.

— Voilà, murmure-t-il. C’est cette version de toi que je cherche. La petite fille capricieuse. Celle qui pense que le monde est à ses pieds.

Il me contourne lentement, un doigt effleurant la ligne de ma mâchoire, puis descendant jusqu’à mon épaule.

— Aujourd’hui, c’est moi qui tiens les rênes. Et tu vas apprendre ce que c’est, que de perdre le contrôle.

Je veux protester. Hurler. Fuir. Mais une autre part de moi plus obscure, plus honteuse est paralysée, fascinée. Son emprise n’est pas physique. Elle est plus subtile, plus dangereuse : il me connaît. Il a percé des souvenirs que j’avais oubliés moi-même. Il m’a vue plus profondément que je ne me suis jamais autorisée à regarder.

— Regarde-toi, dit-il froidement. C’est ça, ta vraie nature. Fragile. Dépendante. En train de supplier pour un bijou.

Je secoue la tête, les larmes coulant de plus belle.

— Non… Je ne suis pas...

Il pose un doigt sur mes lèvres, m’interrompant.

— Ne nie pas. 

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