LOGINLE POINT DE VUE DE CHRISTINE
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là. Peut-être une heure. Je suis dans une pièce plongée dans le noir
Tout ce que je sens, ce sont ces cordes qui me cisaillent les poignets et les chevilles. Le tissu de ma robe collé à ma peau moite .
Puis une voix, masculine, grave, résonne dans l'obscurité.
— Un million ? Deux ? Dis-moi un chiffre. Ce que tu veux. Mais lâche ces foutues cordes !
Ma voix tremble, je le sais. Mais je fais semblant. Je veux qu’il croit que je contrôle quelque chose. Même si je suis à sa merci.
Il ne répond pas. Il tourne les talons, et je crois un instant qu’il va partir. Me laisser là, dans le noir, seule avec mes pensées et mes peurs.
Mais non.
La porte grince. Une lumière déchire l’ombre. Il est revenu masqué et silencieux. Et dans sa main... un seau.
Je n’ai pas le temps de réagir. L’eau glacée me frappe comme une gifle violente. Je pousse un cri étranglé. Mon cœur s’emballe, ma robe devient une seconde peau trempée et honteuse.
— Espèce de taré ! Tu comptes me torturer pour un foutu caprice ?!
Il s’approche. Lentement. Avec cette assurance glaciale de ceux qui savent qu’ils contrôlent le moindre de vos gestes.
Il s’accroupit devant moi. Son masque me nargue, et sa voix , me fait l’effet d’un serpent qui s’enroule autour de mon cou.
— Je voulais juste voir à quoi ressemblait Mademoiselle Belmont... mouillée. Et tu sais quoi ? C’est encore plus joli que je l’imaginais.
Je détourne la tête. Je me mords les lèvres pour ne pas lui cracher au visage. Je refuse de lui donner ce plaisir. Je me jure de ne pas flancher. Mais à l’intérieur… je tremble.
— Si tu veux de l’argent, appelle mon père. Il peut t’en donner dix fois plus que ce que tu imagines. Libère-moi, et je promets de ne rien dire.
Je tente une dernière carte, désespérée mais digne.
Mais ce qu’il sort alors de l’ombre me glace bien plus que l’eau.
Un fouet. Il le fait claquer au sol, doucement. Juste devant moi. Le bruit sec me traverse comme une onde électrique.
— Je m’en fous de ton fric. Ce que je veux, c’est l’Éclat de Reine.
Je cligne des yeux. Quoi ? L’éclat de quoi ?
— Je... Je ne sais même pas ce que c’est. Je n’ai jamais entendu ce nom.
Et là, sans prévenir, le coup part. Pas brutal, pas sanglant mais précis. Juste sur mon flanc.
Je suffoque.
Ma peau brûle. Mes muscles se crispent sous la douleur aiguë. Je serre les dents. Pas un cri. Pas un gémissement. Il ne l’aura pas.
Je suis à genoux, trempée, épuisée, à bout de souffle. Mes cheveux collent à mon visage, mes membres tremblent. Le sol est froid contre mes genoux.
Je sens chaque trace qu’il a laissée, comme des signatures brûlantes sur mes cuisses, mon dos, mes flancs.
— Les mensonges... ont toujours un prix.
Il s’avance lentement, sans un mot, avec cette prestance glaciale qui me donne envie de crier, de le haïr, de le supplier tout à la fois.
— Le collier…
Sa voix est calme . Ma gorge se serre. Mon cœur cogne si fort que je peine à respirer.
Je relève la tête, les larmes brouillant ma vision.
— J’en ai des dizaines chez moi . Si c’est celui-là que tu veux, je peux demander à quelqu’un de te le retrouver… Mais s’il te plaît, laisse-moi partir.
Il esquisse un sourire cruel.
— Tu vas le retrouver toute seule... en fouillant ta mémoire.
Je fronce les sourcils, confuse. Puis il appuie sur un bouton.
Un pan de mur glisse lentement sur le côté, dévoilant un grand miroir sans tain. Il se dresse devant moi . Mon reflet m’explose au visage.
Je suis méconnaissable.
Trempée. Épuisée. Misérable.
Mes vêtements pendent en lambeaux, collés à ma peau. Mes bras et mes cuisses sont zébrés de marques rouges, fraîches. Mes lèvres tremblent, mes yeux sont gonflés de larmes. Je me dégoûte. Je me plains intérieurement de cette faiblesse, mais je ne peux plus rien contrôler.
Il s’approche de mon oreille, sa voix à peine murmurée :
— Tu te souviens de la première fois que tu as porté ce collier ?
Je ne réponds pas. Mon souffle est court, heurté. Puis il ajoute, avec une lenteur dérangeante :
— Quinze ans. À Vienne. Une vente aux enchères.
Tout en moi se fige.
Vienne…
Je ferme les yeux.
Une image éclate dans mon esprit. La salle luxueuse , les murmures feutrés des enchérisseurs… J’étais jeune. Je me revois, toute petite en robe bleu nuit, à peine dix ans , les cheveux remontés en chignon sage, avec un ruban assorti. À mes côtés, mon père, en smoking, droit .
Je me souviens de l’agitation dans la salle , du bruissement des catalogues feuilletés, des murmures impatients des enchérisseurs.
On murmurait des montants. D’autres les surpassaient. Les regards se croisaient avec avidité, des sourires discrets se dessinaient.
Je me souviens du collier. Il était là, exposé sous une vitrine circulaire illuminée, posé sur un coussin noir de velours. Il scintillait comme un trésor . Chaque diamant semblait vivre, vibrer, projeter des éclats de lumière blanche et bleue sur les visages fascinés.
Les pierres étaient taillées en goutte, d’un éclat irréel, chacune parfaitement montée sur une délicate structure d’or blanc. Au centre, suspendu comme le cœur d’un astre, un diamant plus imposant, ovale, pur, d’une rareté absolue. Je n’avais jamais vu une chose aussi belle.
Je ne savais pas comment il s’appelait. À l’époque, tout ce que je voyais, c’était la magie . J’avais senti mon cœur battre plus fort, ma gorge se nouer. J’en étais tombée amoureuse. Littéralement. Amoureuse de ses feux glacés, de son éclat insolent. J’avais tiré la manche de mon père. J’avais supplié. Imploré. J’avais dit que je le voulais plus que tout.
Mais un homme avait surenchéri. Encore. Et encore. Mon père restait immobile. Je pleurais presque. Puis il avait levé la main.
Et cette main-là, quand elle se levait… personne ne la dépassait.
Le marteau avait frappé. Le silence s’était abattu un instant, avant que le murmure n’éclate à nouveau. Moi, je souriais, radieuse, euphorique. Je m’étais sentie comme une princesse couronnée devant un royaume invisible. Intouchable.
Le nom du collier m’avait échappé. Jusqu’à aujourd’hui.
Aujourd’hui… c’est lui qui m’en parle.
Je rouvre les yeux.
Il est toujours là, debout derrière moi, m’observant à travers le miroir.
— Voilà, murmure-t-il. C’est cette version de toi que je cherche. La petite fille capricieuse. Celle qui pense que le monde est à ses pieds.
Il me contourne lentement, un doigt effleurant la ligne de ma mâchoire, puis descendant jusqu’à mon épaule.
— Aujourd’hui, c’est moi qui tiens les rênes. Et tu vas apprendre ce que c’est, que de perdre le contrôle.
Je veux protester. Hurler. Fuir. Mais une autre part de moi plus obscure, plus honteuse est paralysée, fascinée. Son emprise n’est pas physique. Elle est plus subtile, plus dangereuse : il me connaît. Il a percé des souvenirs que j’avais oubliés moi-même. Il m’a vue plus profondément que je ne me suis jamais autorisée à regarder.
— Regarde-toi, dit-il froidement. C’est ça, ta vraie nature. Fragile. Dépendante. En train de supplier pour un bijou.
Je secoue la tête, les larmes coulant de plus belle.
— Non… Je ne suis pas...
Il pose un doigt sur mes lèvres, m’interrompant.
— Ne nie pas.
La nuit tombe sur la villa.Une nuit qui, en théorie, devait être calme.Reposante.Magique.En théorie.Damien installe Éliana dans son berceau, hyper concentré, comme si poser un bébé était une opération militaire de haute précision.— Très bien, ma princesse… tu vas dormir toute la nuit, hein ? Juste une petite nuit. Papa est fatigué, tu vois ?Je lève un sourcil.— Damien, elle a trois jours.— Oui, trois jours… mais elle peut au moins essayer, non ?Je ris.Il me regarde, l’air vexé, mais déjà amoureux de sa propre fragilité.Raphaël, lui, dort profondément.On ose à peine respirer pour ne pas le réveiller.On se glisse dans notre lit.Damien me colle immédiatement, me couvre de son bras, soupire très fort.— Enfin… un moment de paix.Trente secondes.Puis :OUAAAAAAAAAHHHH !Éliana.Et Raphaël, évidemment, se réveille par solidarité fraternelle.Damien bondit du lit comme s’il avait entendu une grenade.— Quoi ?! C’est quoi ?! Ils font ça toujours en même temps ? Pourquoi ils fo
Du point de vue de ChristineLes portes automatiques s’ouvrent dans un bruit sec.Lumière blanche.Odeur de désinfectant.Et le chaos.— URGENCE OBSTÉTRIQUE ! CRIE DAMIEN.— Une femme en travail, jumeaux ! C’est urgent !Il ne me lâche pas.Sa main est collée à la mienne, tremblante mais solide.Deux infirmières arrivent en courant.— Posez-la sur le fauteuil, monsieur.— Je la pose pas ! Je la laisse pas ! Je reste avec elle !— Monsieur, laissez-nous—— NON !Je sens sa panique vibrer dans son bras.Une contraction me déchire à nouveau.Je serre les dents, la main de Damien, tout ce que je peux.— Madame, respirez… respirez…— Je… j’y arrive pas ! Ils viennent… je le sens !Damien devient presque fou.— Mais bougez-vous, bordel ! Vous entendez pas qu’elle souffre ?!Les infirmières échangent un regard inquiet :un mari paniqué, un travail qui avance trop vite, un cas critique.On me roule vers la salle d’accouchement.Les lumières défilent au-dessus de moi, comme des éclairs.Damien
Je suis assise dans l’un des fauteuils de la nursery, mes mains sur mon ventre rond, lorsque j’entends soudain une agitation dans le couloir.Des voix.Des pas pressés.Des cartons qu’on transporte.Et au milieu du chaos… la voix de Damien, en mode chef de chantier.— Doucement avec ça ! C’est fragile, bon sang !— Patron, c’est vous qui avez dit de faire vite !— Oui mais vite intelligemment, pas vite comme des cervelles de moineaux !Je souris malgré moi.Je savais qu’il était allé à la boutique.Je savais qu’il allait revenir avec de la déco.Mais je n’imaginais pas… une armée.La porte s’ouvre brusquement.Quatre hommes entrent avec des rouleaux de papier mural étoilé.Trois autres portent des panneaux lumineux en forme de lunes.Deux femmes poussent un chariot rempli de guirlandes nuageuses et de mobiles célestes.Et derrière eux, un designer tiré à quatre épingles tremble littéralement.— Bonjour… Madame Damien… commence-t-il.Je ris.— C’est juste Christine.— Oui, bien sûr ! C
Du point de vue de DamienLe soleil du matin traverse doucement les rideaux de la chambre, une lumière chaude venant se poser sur le lit.Je me réveille lentement… et la première chose que je vois, c’est elle.Christine, endormie sur mon bras, les cheveux éparpillés sur l’oreiller comme une cascade.Son ventre rond soulève légèrement la couverture.Elle respire doucement, paisiblement, comme si le monde entier n’existait plus.Mon cœur se serre.Encore une fois.Toujours.Je passe une main sur sa joue et je la caresse du bout des doigts.Elle bouge un peu, tourne la tête vers moi et pousse un petit soupir.Je murmure :— Réveille-toi doucement, mon amour…Elle ouvre enfin les yeux — encore à moitié perdue — et cette seconde où elle me reconnaît…je crois que c’est mon paradis.— Mmmh… Damien… tu es déjà réveillé ? chuchote-t-elle, la voix encore endormie.Je souris.— Je te regardais dormir.— Encore ?— Tout le temps. C’est devenu une habitude.Elle rit doucement, ce petit rire qui m
Du point de vue de DamienJ’entrais dans la cuisine, pensant trouver Ricardo ou l’un des chefs.Mais non.C’est Christine.Debout.Échevelée.Portant un de mes t-shirts qui lui arrivait aux cuisses.Et mélangeant quelque chose dans une casserole.Elle se tient le dos, juste une seconde, comme si quelque chose tirait un peu.Je fronce les sourcils.— Christine… qu’est-ce que tu fais ?Elle sursaute, se retourne, et me sourit d’un air coupable.— Je voulais juste… cuisiner un peu.Je m’approche, lentement, en la détaillant de haut en bas.Ses yeux fatigués, ses mouvements un peu lents, ses épaules affaissées — elle n’a clairement pas l’énergie pour ça.— Bébé…Je pose mes mains sur ses hanches.— Tu avais besoin de quelque chose ? Tu pouvais appeler Ricardo.— Oui mais…Elle hausse les épaules.— Ça me manque.— Ça te fatigue, oui.Elle baisse les yeux.Et là… je vois la petite secousse de ses jambes, comme si elle avait porté toute la planète pendant une heure.Je soupire et éteins la
Du point de vue de ChristineJe suis dans le salon, installée sur le canapé, une couverture sur les jambes. Damien est assis juste à côté de moi, la tête penchée sur mon ventre comme s’il lisait un livre sacré.— Les bébés… ? Vous êtes réveillés ? murmure-t-il avec un sourire tellement tendre qu’il me donne presque mal au cœur.— Arrête, ils ne comprennent pas encore…— Mais ils sentent… et c’est suffisant.Ses doigts caressent mon ventre… et BAM, un petit coup répond.Damien éclate de rire.Il pose un bisou et un autre coup arrive.— Tu vois ? Ils me reconnaissent.Je n’ai même pas le temps de répondre.Selena débarque.En basket, jean et t-shirt noir — look “je n’ai pas le temps”.— MAIS ?!Elle s’approche, les mains sur les hanches.— Je pars deux secondes et vous êtes déjà en train de faire une visioconférence utérine sans moi ?— Selena… commence Damien.— Non. NON. Laisse-moi parler.Elle pointe mon ventre :— Pourquoi ils réagissent que quand toi tu touches ?!Je ris. Damien au







