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Chapitre 6 — Le Pacte du Silence

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-09-12 02:59:28

Camila Reyes

J’attends. J’observe. Torres. Il est là. Et je vois.

Il ne m’aime plus. Il ne me veut plus.

Mais il est là pour une raison. Une raison qui m’échappe, mais qui s’éclaire au fur et à mesure que le silence s’installe entre nous. Ce n’est pas lui qui peut m’aider. Ce n’est pas lui qui peut me sauver.

Mais peut-être… peut-être que c’est lui qui me montrera la voie. La voie pour enfin briser ce cercle.

Je tourne la tête et je fixe Cristóbal. Et cette fois, je n’ai plus peur. Parce que je sais que je ne suis plus la même. Et je suis prête à faire face à tout.

La nuit est tombée comme un couperet sur le club. L’air est dense, saturé d’attentes, de murmures étouffés, de regards que l’on détourne. Je descends de scène sans un mot. Mes talons claquent sur le bois comme des coups de feu. Derrière moi, les applaudissements ont cessé depuis longtemps. J’ai chanté comme on crie un secret trop longtemps contenu. Et maintenant, je ne suis plus une voix. Je suis une menace.

Torres me suit. Je l’entends. Pas besoin de me retourner. Son pas a la régularité d’un souvenir qui refuse de mourir. Il me suit dans les couloirs étroits, jusqu’à la loge. J’ouvre la porte sans me retourner. Il entre. Je referme.

Et je me tais.

Le silence. C’est lui qui parle en premier.

— Tu n’aurais pas dû faire ça, Camila.

Sa voix est grave, plus rauque qu’avant. Plus fatiguée. Je croise son regard dans le miroir. Il est marqué. Comme moi. Pas par le temps. Par les choix.

— Je fais ce que je veux, maintenant. T’as perdu le droit de me dire quoi faire le jour où tu as disparu.

Je me tourne. Je le fixe. De tout près. Trop près.

Il baisse les yeux. Juste une seconde. Mais c’est assez.

— Ce que tu ne sais pas, reprend-il lentement, c’est que cette chanson, cette scène, ce moment… tout ça, ils l’attendaient.

— Qui "ils" ?

Il sort une enveloppe de sa veste. Froissée. Sale. Usée par des mains tremblantes.

— Cristóbal est plus dangereux que tu le crois. Ce n’est pas juste un patron de club. Il dirige un réseau. Trafic d’informations. D’humains. D’armes. D’illusions. Et toi, Camila, tu es en train de devenir sa favorite.

Je ris. Un rire cassé.

— Il n’a pas besoin de m’avoir. Il m’a déjà.

Il secoue la tête.

— Non. Il t’utilise. Comme tous les autres.

Je m’approche. Un pas. Deux. Je lui arrache l’enveloppe des mains. J’ouvre. Dedans, des photos. Un entrepôt. Des corps. Des visages bâillonnés. Des femmes. Des enfants. Et Cristóbal au centre. Souriant.

Je chancelle. Mais je ne tombe pas.

— Tu crois que je ne sais pas ? que je ne vois pas ? Tu crois que j’ai survécu à tout ça sans ouvrir les yeux ? Je suis restée ici parce que je cherche une sortie. Parce que je veux comprendre. Parce que si je pars, c’est pour le brûler avec moi.

Torres me regarde. Longtemps.

— Alors fais-le avec moi.

Il tend la main. Je ne la prends pas. Mais je ne la repousse pas non plus.

Cristóbal Vargas

Je les regarde depuis l’écran, dans la pièce voisine. Une caméra dissimulée dans une boucle d’oreille de Camila. Bien sûr qu’elle n’est pas au courant. Ou peut-être que si. Peut-être qu’elle s’en doute. Camila a toujours su plus que ce qu’elle disait.

Torres. Ce petit chien errant. Il revient pour la sauver ? Ou pour s’offrir une dernière gloire avant de mourir ? Je souris. Lentement. Mes doigts glissent sur la tablette posée devant moi. Une pression. Un appel silencieux.

— Mateo, dis à nos hommes de se tenir prêts. Si Torres bouge d’un millimètre de travers, je veux que sa langue finisse sur une assiette.

Mateo hoche la tête, stoïque.

Mais moi, je sens l’excitation grimper en moi. Ce n’est plus une affaire de club. Ce n’est plus une histoire de trafic ou d’argent. C’est une guerre personnelle. Camila est le feu. Torres est l’étincelle. Et moi, je suis l’essence.

Qu’ils viennent. Qu’ils complotent.

Je suis déjà plusieurs coups d’avance.

Mateo

Je déteste quand Cristóbal s’amuse.

Parce que quand il s’amuse, les gens meurent. Lentement. Salement.

Je descends les escaliers jusqu’aux coulisses. Je donne les ordres. J’ajuste mon arme sous ma veste. J’ai tout prévu. Les deux sont des cibles. Même si Camila est encore utile. Pour l’instant.

Mais je sens que quelque chose change. Dans l’air. Dans le rythme des choses.

Ce n’est plus du contrôle. C’est une lutte.

Et elle commence maintenant.

Camila Reyes

Il fait noir. Torres et moi sortons par la porte arrière. Je connais les angles morts. Je connais les caméras. C’est mon club. C’est ma prison. Mais je connais chaque barreau.

Nous montons dans sa voiture. Il conduit. Je garde l’enveloppe contre moi comme une arme.

— Tu as un plan ? je demande.

Il hoche la tête.

— On va frapper là où ça fait mal. Comptes, transferts, noms. Je les ai. Il y a un serveur dans un vieil hôtel. On y va ce soir. Si on le pirate, on expose tout.

Je souris. Amer.

— Tu n’as jamais su faire les choses doucement.

— Et toi, tu n’as jamais su dire non à une guerre.

Je le regarde.

Et pour la première fois depuis des années, je ne suis plus seule.

Mais ce que je ne sais pas encore,

c’est que Cristóbal nous regarde déjà.

Et qu’il ne sourit plus.

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