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Chapitre 56 — Les lignes rouges

Autor: Eternel
last update Última actualización: 2025-09-09 07:06:27

Michel

Je ne quitte pas le hangar tout de suite. L’air sent la rouille, l’huile rance et le sel marin, mélange familier qui colle aux narines. Je me retourne, et Rafael comprend immédiatement que la conversation n’est pas terminée. Il ravale sa colère, mais ses poings se serrent.

— Reste, dis-je d’une voix basse. On n’a pas fini.

Un bref geste de ma main suffit. Mes hommes referment lentement les portes coulissantes derrière nous. Le grondement métallique résonne dans l’espace vide, étouffant les bruits de la nuit. Le monde extérieur disparaît, et avec lui toute illusion de sécurité. L’atmosphère devient plus lourde encore, saturée de tension.

Costa se tient droit, les mâchoires crispées, ses yeux sombres plantés dans les miens. Je lis en lui cette envie brutale de tout envoyer valser, de tenter le coup de poker qu’il regretterait avant même de finir son geste. Il se retient. C’est un signe d’intelligence. Peu d’hommes dans ce milieu savent avaler leur rage pour survivre.

— Alors quoi
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    MichelLe soleil perce enfin à travers les rideaux, comme un souffle de renouveau après des semaines de nuits longues et d’ombres suspendues. Je me tiens près du berceau, observant notre fils dormir. Son souffle régulier, paisible, semble effacer toutes les inquiétudes, tous les calculs du Conseil, toutes les ombres qui rôdent encore.Lucia entre, ses yeux fatigués mais lumineux, et je sens la chaleur de sa main se poser sur la mienne. Elle s’assoit à côté de moi, et ensemble nous regardons notre fils, ce petit être qui porte l’avenir sur ses frêles épaules.— Il est parfait, murmure-t-elle. Plus que tout ce que j’aurais pu imaginer.Je souris, effleurant ses cheveux avant de reporter mon attention sur notre fils. Chaque petit geste, chaque frémissement de ses doigts me rappelle les nuits où nous avons veillé sur lui, où nous avons affronté le Conseil et leurs menaces voilées, où chaque décision semblait peser plus lourd qu’une montagne.— Il est notre promesse, dis-je doucement. Notr

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    MichelIls sont arrivés avant l’aube. Cinq silhouettes impeccables dans le hall de notre appartement, silencieuses mais imposantes. Je sens encore la fragilité de la nuit derrière moi, le souffle court de Lucia et les premiers cris de notre fils, et pourtant, le monde extérieur s’invite déjà.— Entrez, dis-je, la voix plus ferme que je ne me sens.Ils franchissent le seuil sans hésitation, chaque pas mesuré, comme si le sol lui-même devait leur obéir. Abello en tête, bien sûr, suivi d’Orsini, Di Nardo, Leone et Severi. Tous impeccables, chacun portant sur son visage la gravité d’un siècle d’observation et de calcul.Lucia se tient dans le salon, notre fils dans ses bras, enveloppé dans une couverture douce. Elle a l’air fatiguée, mais son regard brille d’une lumière que rien ne peut éteindre. Je sens la tension me quitter légèrement. Ici, dans ce cocon fragile, nous avons créé notre monde. Et pourtant… je sais que le leur, extérieur et impitoyable, observe.— Michel… dit Abello, sa vo

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    MichelLa nuit a été longue, mais pas silencieuse. Chaque contraction, chaque souffle de Lucia résonnait comme un tambour dans mes nerfs, vibrant jusque dans mes mains posées sur la sienne. Je la regarde, figée entre effort et concentration, et mon cœur se serre et se dilate à la fois, comme si chaque battement voulait absorber toute la beauté et la peur du monde.— Michel… je… je ne sais pas si je peux… murmure-t-elle entre deux respirations haletantes.— Tu peux, murmurai-je, le front contre le sien. Tu es incroyable, tu es plus forte que tu ne le crois. Je suis là. Tout le temps.Ses doigts s’accrochent aux miens avec une force désespérée, et je sens chaque parcelle de son corps se tendre et se relâcher à chaque poussée. La sueur sur son front brille sous la lumière blafarde de la chambre. L’odeur douce de sa peau, mélangée à celle du désinfectant et des draps, m’étourdit. Le monde entier pourrait s’effondrer autour de nous, ça n’aurait aucune importance : je suis là, et c’est tout

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    MichelLes heures se sont mises à couler autrement. Lentement. Chaque matin, la lumière qui s’infiltre dans la chambre m’éveille avant même que mes paupières ne s’ouvrent. Et chaque matin, je me rappelle que ce miracle fragile est réel : elle est là, Lucia, contre moi. Sa respiration régulière m’ancre, ses cheveux s’étalent sur l’oreiller comme un souffle sombre et doux. Et sous mes doigts, son ventre rond pulse doucement, preuve vivante que nous avons survécu. Que nous avons osé. Que nous avons tenu.— Bonjour, souffle-t-elle, la voix encore embrumée de sommeil.— Bonjour… murmurè-je, ma main caressant doucement son ventre.Elle frissonne, un sourire étire ses lèvres. Il bouge ce matin, tu sais.Je souris. Je le sens. Petit guerrier déjà impatient, comme sa mère.Je reste immobile un long moment, à l’observer. Ses doigts effleurent distraitement le drap, ses jambes se replient avec un naturel parfait. La lumière effleure ses cils, ses pommettes, dessine des éclats sur sa peau. Je me

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