All Chapters of À LA CROISÉE DES VIES: Chapter 31 - Chapter 40

LolaLe matin arrive trop vite.La nuit m’a échappé comme une poignée de sable entre les doigts. À peine ai-je fermé les yeux que l’aube se glisse déjà sous mes rideaux, insolente, implacable. J’ouvre les paupières dans un vertige de vide, comme si la lumière m’avait arrachée de force à mes rêves pour me jeter dans une réalité trop lourde.Je reste longtemps allongée, immobile, à fixer le plafond que je connais par cœur : les fissures, la trace jaunie près de la lampe, les ombres familières. Chaque détail me hurle : tu pars, tu pars, tu pars. Je tourne la tête vers mes murs pâles, mes affiches décollées, mes piles de livres en désordre. C’est mon refuge, mon monde minuscule, et ce matin je dois le quitter comme on arrache une racine du sol.Sur le plancher, ma valise attend. Trop petite pour contenir une vie entière, trop lourde pour mes mains qui tremblent déjà. Chaque objet glissé à l’intérieur a arraché une déchirure : mes carnets tachés d’encre, une écharpe offerte par Sephora un

LolaLa porte s’est refermée derrière Paul. Le silence est brutal, presque violent.Je reste un moment immobile, au milieu du salon blanc, les clés serrées dans ma main comme une arme inutile. J’écoute, mais il n’y a rien à entendre. Pas un souffle, pas un grincement. Pas de vie.Je pose ma valise près du canapé et j’ose m’asseoir. Le cuir est glacé. Je me redresse aussitôt. Je n’arrive pas à m’ancrer. Tout est trop lisse, trop propre, trop… étranger.Dans la cuisine, je trouve un réfrigérateur déjà garni. Des bouteilles d’eau alignées comme des soldats, des plats sous vide, des fruits impeccables. Tout est là, prêt. Comme si je n’avais pas besoin d’exister pour que cette maison fonctionne. Comme si je pouvais disparaître et que rien ne manquerait.Mon téléphone vibre dans ma poche. J’hésite. Puis je compose le numéro de Sephora.— Allô ? La voix est précipitée, inquiète.Je déglutis.— Oui, c’est moi… Je suis arrivée.Un soupir de soulagement traverse la ligne.— Tu m’as fait peur !

LolaJe reste debout, figée sur le seuil, incapable d’avancer.L’air semble plus dense ici, saturé d’une tension sourde.Il se lève lentement, comme si rien de tout cela n’avait d’importance, comme si ma présence n’était qu’une évidence.— Vous… qu’est-ce que vous faites là ?Ma voix tremble, trop aiguë.— Là ? répète-t-il, calme, presque amusé. Je travaille, Lola. C’est mon bureau.Il marque une pause. Son regard glisse sur moi.— Je suis ton patron.Les mots tombent, nets, tranchants.Je ris, un rire sans joie, nerveux, presque fou.— Mon patron ? Tu plaisantes ? Tu m’as suivie, tu t’es fait passer pour quelqu’un d’autre, tu… tu as tout orchestré !— Non, répond-il doucement. Je t’ai simplement ramenée là où tu devais être.Je le fixe, incrédule.— “Devais être” ? Tu te rends compte de ce que tu dis ? Tu m’as piégée.— Piégée ? Non. Prévenue, peut-être.Il s’approche lentement, contourne le bureau, et je sens chaque pas résonner dans ma poitrine.— Tu voulais la vérité, non ? La voi

LolaJe ne bouge plus.Le silence est lourd, presque palpable.Je sens son regard glisser sur moi, calmement, comme s’il m’observait respirer, penser, résister.Je finis par murmurer, la voix cassée :— Qu’est-ce que tu veux de moi, exactement ?Il ne répond pas tout de suite. Il s’approche, lentement, et vient s’asseoir sur le bord du bureau. Ses doigts tapotent le bois, rythmant le silence.Puis il dit simplement, sans détour :— Toi.Un mot. Un seul.Mais il me transperce.— Tu l’as déjà dit, je souffle. Je croyais que c’était une menace.— Ce n’en est pas une. C’est une vérité.Je ris, nerveusement.— Une vérité ? Tu appelles ça une vérité ? Tu m’enfermes ici, tu manipules tout, tu décides de ce que je peux ou non faire… Et tu oses parler de vérité ?Il me regarde sans broncher, le visage fermé.— J’ai été clair depuis le début, Lola. Je te veux près de moi. Pas comme une employée. Pas comme une subordonnée.Un silence. Puis, sans la moindre hésitation :— Comme ma maîtresse.Je l

LOLALe matin a le goût du silence et du café froid.Je n’ai presque pas dormi.Chaque fois que je fermais les yeux, je revoyais la scène , son regard, son souffle, ce contact qui n’aurait jamais dû exister.J’ai l’impression que ma peau s’en souvient mieux que ma mémoire.Et je déteste ça.Quand je pousse la porte de son bureau, il est déjà là.Droit, concentré, impeccable.Comme si rien ne s’était passé.Il lève à peine les yeux de ses dossiers.— Vous êtes en retard, mademoiselle Derval.Je ravale un soupir.Pas un mot de plus.C’est mieux ainsi.Je pose mon sac, sors mon ordinateur, et commence à classer les notes de la veille.Le cliquetis des touches couvre le silence trop lourd entre nous.Mais au bout de quelques minutes, je sens son regard sur moi.Je relève la tête.Nos yeux se croisent.Une seconde. Pas plus.Et déjà, quelque chose se serre à l’intérieur.— Monsieur, dis-je, d’une voix que je veux ferme.— Oui ?— Ce qu’il s’est passé hier soir… ne se reproduira pas.Il se