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Chapitre 3 : L’aube trouble 

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-07-14 05:14:39

 Jade 

La lumière du matin s’infiltre à travers les rideaux, dorée, timide, comme si elle avait peur de troubler la paix fragile de cette chambre.

Je suis réveillée, mais je reste immobile, allongée sur le flanc, les paupières closes. Mes sens, eux, sont déjà en éveil.

Je sens son souffle derrière moi. Lent. Régulier. Rassurant.

Sa main repose sur ma taille, paume ouverte, ancrée. Pas possessive. Juste présente. Comme s’il voulait me dire : je suis là.

Je respire profondément, lentement. La chaleur de son torse dans mon dos, la texture des draps contre ma peau nue, l’odeur boisée et masculine qui s’échappe de lui… Tout m’enveloppe dans une bulle irréelle, un cocon suspendu hors du monde.

Puis je bouge légèrement, et je le sens qui se réveille un peu plus, son souffle qui change.

Je me retourne lentement, et nos regards se croisent. Ses yeux sont déjà ouverts. Profonds. Silencieux.

— Tu ne dors pas ? soufflé-je, surprise.

Il secoue à peine la tête, un sourire au coin des lèvres.

— Je dors rarement longtemps quand j’ai une œuvre d’art dans mes bras.

Je ris doucement, un peu gênée.

— Tu dis ça à toutes les femmes que tu raccompagnes au lit ?

— Seulement celles qui me rendent incapable de m’en détacher. Et là… je suis coincé.

Sa main resserre légèrement son emprise sur ma hanche. C’est doux, mais ferme. Je sens la chaleur se répandre dans mon ventre.

— Tu es si belle quand tu dors, murmure-t-il. Et vulnérable. Ça me touche. Et ça me terrifie un peu.

Je fronce les sourcils, curieuse.

— Pourquoi ça te terrifie ?

Il me regarde sans détour.

— Parce que j’ai envie de te protéger. Et j’ai appris que ce genre d’envie, chez moi… c’est dangereux.

Je frémis. Non pas de peur. Mais parce que ce qu’il dit me semble profondément vrai. Brut. Vrai.

Je pose ma main sur son torse, doucement, paume à plat.

— Tu dis ça comme si tu étais un loup déguisé en homme.

— Peut-être que je le suis, murmure-t-il. Mais je t’assure… je ne te ferai jamais de mal.

Je ne réponds pas tout de suite. Je l’observe. Ses cils épais. Sa mâchoire légèrement tendue. Ce mélange de maîtrise et de trouble dans ses traits.

Puis je me blottis contre lui.

— Tu sens bon, murmuré-je contre sa gorge.

— Tu as dit la même chose hier soir… juste avant de m’arracher la chemise.

— Elle n’a pas souffert, ta chemise. Moi, si tu la regrettes…

Il rit. Son rire grave résonne contre moi.

— Je pense que je vais devoir racheter une garde-robe complète si on continue comme ça.

Je relève les yeux vers lui, espiègle.

— Tu comptes rester ?

Il devient sérieux. Juste un instant.

— Tu veux que je parte ?

Je secoue la tête.

— Non. Pas encore.

Un silence, doux, s’installe entre nous. Je laisse ma jambe glisser lentement sur la sienne, puis je le regarde droit dans les yeux.

— Et si on recommençait ?

— Encore ?

Il sourit. Puis, sans attendre, sa main se glisse sous les draps, effleure ma hanche, descend lentement.

— Pour être sûr que ce n’était pas un rêve…

Il me fait l’amour comme on sculpte, comme on vénère.

Chaque mouvement est fluide. Chaque baiser profond. Il ne cherche pas la performance. Il cherche à me sentir. À m’ancrer. À me retenir.

Je me perds en lui. Encore. Encore.

Et quand nous atteignons l’extase, nos corps s’effondrent dans un silence sacré.

On reste au lit longtemps. Je joue avec ses doigts, lentement, paresseusement.

Il trace de petits cercles sur ma peau, comme s’il écrivait un poème que je ne lirai jamais.

— Tu sembles loin, murmure-t-il.

— Je suis ici. Mais oui… un peu ailleurs.

— À quoi tu penses ?

Je m’assois un peu, le drap glissant sur ma poitrine. Je le regarde.

— À nous. À ce que ça veut dire. À ce que ça pourrait devenir… ou pas.

Il reste silencieux. Puis se redresse légèrement à son tour, s’appuyant sur un coude.

— Et tu as peur de ce que tu ressens ?

Je hoche la tête.

— Pas de toi. Mais de ce que ça réveille en moi. Je suis pas du genre à vivre des demi-histoires, Caleb.

Il me regarde longuement, puis pose ses doigts sur ma joue.

— Moi non plus.

— Alors dis-moi. Qui tu es. Pas ton job. Pas ton masque. Toi.

Il soupire, longuement. Il hésite.

— Je suis quelqu’un qui a appris à survivre. Pas à aimer. Pas vraiment.

Je reste muette. Il poursuit.

— Mon passé est… compliqué. J’ai vu des choses. J’ai fait des choix. Certains bons. D’autres… non. Je ne suis pas sûr que tu aimerais tout savoir.

— Essaie-moi.

Il m’observe, longtemps. Puis baisse la voix.

— Je suis un homme qui contrôle tout. Tout le temps. Et toi… tu as mis le feu à ça. Et je ne sais pas si je dois te fuir ou t’embrasser encore plus fort.

Je souris, doucement.

— Tu veux savoir qui je suis, Caleb ?

Il hoche la tête.

— Je suis une femme qui a trop souvent attendu qu’on la voie. Qu’on l’écoute. Qu’on la choisisse. Et maintenant, je veux vivre en entier. Ou pas du tout.

Il ferme les yeux un instant. Je vois ses mâchoires se crisper, comme s’il se battait avec quelque chose.

Puis il me murmure :

— Alors je vais essayer. De te choisir , de te voir entière.

Il me serre dans ses bras. Fort. Pas par peur de me perdre. Mais par besoin de m’avoir vraiment.

Et là, dans cette étreinte du matin, je comprends. Ce n’est pas qu’un homme. C’est un homme brisé qui veut recoller quelque chose en moi.

Et moi, peut-être, je veux recoller quelque chose en lui.

Mais je sais déjà : ce n’est pas sans risque.

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