Le premier rayon de lumière effleura la pièce, se glissant timidement à travers la poussière accumulée sur les rideaux usés. Cyra ouvrit les yeux lentement, comme si chaque mouvement lui demandait une énergie qu’elle n’était pas certaine de posséder. Un voile de confusion enveloppait son esprit. Elle avait encore cette étrange sensation de flottement, une léthargie douce qui rendait difficile la distinction entre le rêve et la réalité.
Ses pensées étaient embrouillées, comme si une brume persistante recouvrait chaque fragment de souvenir. Elle se souvint vaguement de la nuit. Les images étaient floues, déformées. Le baiser, les gestes, la chaleur… Tout semblait lointain et éthéré, comme une scène observée à travers un filtre opaque. Elle tenta de se redresser, mais ses muscles étaient encore engourdis, et un mal de tête lancinant lui vrillait les tempes. La pièce semblait tourner autour d’elle, chaque objet pris dans un tourbillon vertigineux. Ses yeux se posèrent sur Raphaël. Il dormait profondément, sa silhouette étendue sur le lit, calme, paisible. Il avait l’air tellement différent de l’homme qu’elle avait rencontré la veille, avec ses airs sûrs et son comportement distant. Là, il était vulnérable, comme elle l’avait été la nuit précédente. Elle fixa sa silhouette quelques instants, incapable de se souvenir précisément de ce qui avait eu lieu entre eux. Le flou de la drogue, l’euphorie, la chaleur qui les enveloppait… Et puis, ce baiser. Son cœur se serra à cette pensée, et une sensation d’angoisse l’envahit. Pourquoi ? Pourquoi cette douleur alors que tout était censé être éphémère, fugace, un accident du hasard ? Elle se leva lentement du lit, les pieds nus effleurant le sol rugueux. Elle frissonna. Ses bras se recroquevillèrent autour d’elle, comme une sorte de défense contre l’inconnu, contre ce qu’elle avait ressenti. Elle n’arrivait pas à mettre de mots sur les émotions qui bouillonnaient en elle. La chaleur, la proximité, cette communion presque animale… Mais aussi cette sensation de perte, d’abandon, de confusion. Était-ce un rêve ou la réalité ? Un flash de souvenir la frappa alors. La dernière image avant de sombrer dans l’inconscience… Raphaël, son regard plein de tendresse, ce respect mêlé de désir. Ce moment suspendu où ils s’étaient retrouvés. Mais tout semblait se dissiper avec le temps, comme du sable entre ses doigts. Elle se pencha pour ramasser ses vêtements éparpillés autour du lit. Ses mains tremblaient légèrement, et elle ferma les yeux un instant, se concentrant sur ce qu’elle ressentait réellement. Un mélange de honte, de confusion, mais aussi… une étrange chaleur persistante qui la réchauffait encore de l’intérieur. Pourquoi avait-elle cédé ? Pourquoi avait-elle laissé ses barrières tomber ainsi ? Elle savait qu’elle ne pouvait pas rester. Elle devait partir. L’odeur de Raphaël était encore présente sur elle, dans ses cheveux, sur sa peau. Mais elle ne pouvait pas se permettre de rester plus longtemps. Une part d’elle savait que ce n’était pas seulement un souvenir fugace. Cela devenait quelque chose de plus, quelque chose de difficile à ignorer. Et si elle laissait cette étreinte continuer, elle risquait de se perdre, de se laisser emporter par un désir qu’elle ne contrôlait pas. Elle savait que, dans ce monde, l’amour était une faiblesse, une fragilité à exploiter. Le silence dans la pièce était pesant. Elle se tenait là, immobile, observant Raphaël. Il avait l’air si calme, si différent de l’homme qu’elle avait vu hier soir. Il ne semblait même pas lui en vouloir. Il ne semblait pas même conscient de ce qui s’était passé. Mais elle… elle ne pourrait jamais l’oublier. Cette chaleur entre eux. Le contact de sa peau. Les promesses non dites. Elle ne pouvait pas l’affronter. Pas après tout ça. Elle se glissa hors de la chambre sans faire de bruit, chaque mouvement plus fluide que le précédent. Le monde extérieur était là, juste au-delà de cette porte. Un monde qui semblait plus réel, plus tangible, plus solide que tout ce qu’elle avait traversé durant ces dernières heures. Elle savait que si elle restait, elle serait piégée dans un tourbillon d’émotions qu’elle n’était pas prête à affronter. L’étrange connexion qui s’était tissée entre elle et Raphaël, l’attraction, la chaleur… Tout cela la terrifiait. Elle se sentait trop vulnérable. Le hall de l’hôtel miteux lui apparut dans toute sa laideur, comme un rappel cruel de la dégradation dans laquelle elle s’était retrouvée. Elle se faufila à travers le couloir, cherchant la sortie. L’air était lourd, vicié par les relents d’humidité et de moisissure. Il n’y avait personne. Elle en avait presque honte, mais la seule chose qui comptait maintenant, c’était de fuir. De se libérer de cette étreinte invisible qui se resserrait autour d’elle. Ses pensées se bousculaient, se mélangeaient dans une sorte de chaos intérieur. Raphaël. Ce regard, ce baiser, la tendresse qu’elle avait cru percevoir. Mais pourquoi ne pouvait-elle pas simplement oublier ? Pourquoi avait-elle ressenti cela ? C’était absurde. Il était un homme dont elle ne savait rien. Un inconnu avec qui elle avait partagé une nuit sans lendemain, une nuit qui, pourtant, semblait marquer sa vie d’une empreinte indélébile. Elle passa une main dans ses cheveux, désorientée, se sentant faible, brisée, comme si l’univers autour d’elle se fragmentait à chaque pas. Elle atteignit la porte. Elle la poussa doucement, d’abord hésitante, comme si l’air libre allait la rejeter, comme si elle n’était plus en droit de respirer ce qu’elle venait de quitter. L’extérieur la frappa de plein fouet. La lumière crue du matin, le bruit de la circulation, les bruits du monde qui reprenait son cours. Elle s’arrêta un instant, les yeux fermés, essayant de retrouver sa respiration. Elle aurait voulu tout effacer, tout oublier, mais le souvenir de la nuit se collait à elle, comme une empreinte indélébile, comme une brûlure qu’elle n’arrivait pas à éteindre. Et Raphaël… Qui était-il vraiment ? Pourquoi cette attirance, cette connexion ? Elle n’avait pas de réponse. Pas encore. Elle se força à avancer, les jambes tremblantes, mais elle savait au fond d’elle que rien ne serait plus jamais pareil. Elle n’était plus la même Cyra n’avait pas pris le temps de réfléchir avant de quitter l’hôtel. Elle avait agi sur un coup de tête, cherchant seulement à fuir l’intensité de la nuit passée, l’étreinte confuse entre le réel et l’irréel. Maintenant, dans la lumière crue du matin, elle se sentait perdue, en décalage avec le monde autour d’elle. Elle marcha d’un pas décidé, mais chaque mouvement semblait lourd, comme si son corps refusait de coopérer après l’effort mental qu’elle venait de fournir pour se libérer de cette chambre et de ses pensées. La brise matinale frappait son visage, mais elle n’éprouvait rien d’autre que cette sensation persistante de malaise. Arrivée chez elle, elle entra sans bruit, consciente de la lourdeur de l’atmosphère qui régnait dans la maison. La cuisine était silencieuse, le café à moitié rempli sur la table, une tasse abandonnée, comme un témoignage d’un matin jamais commencé. Elle monta les escaliers rapidement, son cœur battant fort. Elle s’arrêta devant sa porte de chambre, prit une profonde inspiration, et entra. L’air frais de sa chambre la rassura un instant, comme si, là, elle retrouvait un semblant de contrôle sur sa vie. Elle se dévêtit lentement, ses mains tremblant à peine en retirant ses vêtements, ces derniers encore imprégnés de l’odeur de la nuit, de Raphaël, de la confusion. Elle se dirigea vers la salle de bain, l’eau froide qui coula sur sa peau semblant apaiser l’agitation qui tourmentait son esprit. Le bruit de l’eau qui s’écoulait, la chaleur de la douche… Chaque geste lui semblait plus réel, comme une tentative désespérée de se réancrer dans la réalité. Mais le souvenir de Raphaël, de son corps contre le sien, de ses yeux pleins de tendresse, ne la quittait pas. Elle se sentait sale, brisée, mais en même temps, un vide étrange persistait dans son cœur. C’était un besoin d’être touchée, d’être vue. Mais elle n’avait pas la force de faire face à ça. Une fois sortie de la douche, elle se vêtit rapidement de vêtements sobres, ne prenant même pas le temps de se regarder dans le miroir. Elle n’avait pas envie de voir son reflet, elle ne voulait pas se retrouver face à elle-même, avec toutes les questions qu’elle portait maintenant sur sa propre existence. Elle descendit dans la cuisine, encore perdue dans ses pensées, et s’arrêta net en entendant une voix familière, mais d’un ton froid et menaçant. “Cyra !” C’était son beau-père. Luc. Il se tenait dans l’encadrement de la porte de la cuisine, les bras croisés, son regard furieux planté dans le sien. Son visage habituellement réservé était déformé par la colère. Il ne lui laissait même pas le temps de respirer. “Tu sais ce que le gérant de cet hôtel m’a dit ?! Il m’a appelé, il m’a dit qu’il ne t’avait pas trouvée ce matin. Il m’a demandé où tu étais, où t’étais allée. Et qu’est-ce que j’ai répondu ? Rien ! Parce que tu ne t’es même pas donnée la peine de me prévenir que tu partais.” Cyra sentit son ventre se nouer. Une partie d’elle savait que ce genre de scène finirait par arriver. Luc n’avait jamais accepté qu’elle ait des moments de liberté. Il voulait toujours tout contrôler, tout savoir. Elle baissa les yeux, incapable de soutenir son regard. “ je t’avais donné quelque chose pour te détendre! Je t’ai dit que c’était une bonne idée, mais non, tu m’as ignoré comme d’habitude ! Et maintenant, je vais devoir payer ce que tu n’as pas fait. Tu m’entends ? Payer !” Les mots frappaient comme des coups de fouet, et Cyra se sentit réduite à l’état d’enfant, incapable de se défendre. Elle voulait répondre, protester, mais aucun mot ne venait. Elle se sentait épuisée, comme si toute la force qui lui restait s’était évaporée durant la nuit, comme si cette nuit avec Raphaël avait vidé toutes ses réserves d’énergie, de volonté. Luc s’approcha d’elle, un sourire ironique sur le visage. “Alors, tu vas me donner ton salaire, comme d’habitude. C’est ça que tu vas faire. Parce qu’au fond, tu sais très bien que je ne te laisserai pas partir sans ton dû. C’est ce que tu es censée faire, n’est-ce pas ?” Cyra serra les poings, mais ne répondit pas. Elle savait que c’était futile. Elle n’avait jamais été en position de refuser. Elle baissa la tête, la honte l’envahissant. “Bien sûr, Luc…” Elle se rendit à son sac, prit son portefeuille et compta l’argent. Chaque billet qui passait entre ses doigts était une partie d’elle qu’elle laissait s’échapper, une partie de son âme qui se perdait un peu plus à chaque geste. Elle n’avait pas d’autre choix. Si elle voulait garder la paix à la maison, elle devait obéir. Elle tendit la liasse de billets à son beau-père, les yeux baissés, comme une soumission totale. Luc prit l’argent sans un mot, l’examinant brièvement avant de le glisser dans sa poche. “Tu sais ce qu’il te reste à faire. Et je ne veux plus de ces histoires. Si tu veux continuer à vivre ici, tu vas suivre les règles. C’est moi qui suis responsable, pas toi.” Cyra n’eut même pas la force de répondre. Elle n’avait plus la force de rien. Elle se contenta de hocher la tête et de sortir de la pièce en silence, la lourdeur de la situation pesant sur ses épaules. Chaque pas la ramenait à la réalité qu’elle voulait fuir, mais qu’elle ne pouvait pas ignorer. Elle retourna dans sa chambre, ses yeux noyés dans la grisaille de l’indifférence. Les heures qui suivirent furent une répétition de la même routine, morne et dénuée de sens. Elle se rendit au travail, se vida de tout ce qu’elle était, comme elle le faisait toujours. Mais cette fois, quelque chose avait changé en elle. Elle n’était plus la même personne. Dans les moments de silence, son esprit errait. Raphaël. L’hôtel. La nuit. Tout cela restait dans son esprit comme une ombre insidieuse qu’elle ne pouvait pas chasser. Elle savait que rien ne serait jamais plus simple. Mais elle n’avait pas d’autre choix que de continuerDans la chambre des jumeaux, une veilleuse projetait des étoiles au plafond. Deux petits cœurs battaient doucement au rythme du sommeil. Une musique douce flottait dans l’air. Iris dormait dans la pièce d’à côté, son nounours contre elle.Et dans cette grande maison autrefois si froide, il n’y avait désormais que chaleur, rires et promesses d’avenir.Cyra Delacroix n’était plus une jeune femme blessée par son passé. Elle était une épouse aimée, une mère comblée, une femme accomplie.Et sa vie, après tant de tumultes, devenait enfin ce qu’elle avait toujours mérité : une symphonie d’amourQuelques années s’étaient écoulées depuis la naissance des jumeaux, et la vie de Cyra et Raphaël s’était transformée. La maison, autrefois froide et imposante, était devenue un véritable foyer, où rires et bruits de pas remplissaient les pièces. Yael et Esteban, les deux jumeaux identiques, étaient désormais des garçons énergiques et curieux, toujours en mouvement, inséparables, mais chacun avec son c
L’aube se levait à peine sur la campagne apaisée qui entourait le manoir des Delacroix. Une brume légère couvrait encore les champs, comme un voile de coton posé sur la terre endormie. Pourtant, à l’intérieur des murs de pierre de la demeure ancestrale, l’agitation était bien là.Cyra ne dormait plus depuis plusieurs heures. Allongée dans le grand lit conjugal, elle tentait de réguler sa respiration, son regard fixé au plafond. Quelque chose était différent. Elle connaissait désormais chaque mouvement, chaque sensation propre à cette grossesse difficile. Mais cette nuit-là, un sentiment d’urgence s’était insinué dans son ventre. Un poids, une pression inhabituelle.— Raphaël… murmura-t-elle, la voix légèrement tremblante.Il dormait à moitié, le bras autour d’elle, ses sens en alerte comme à chaque fin de grossesse. À sa voix, il se redressa d’un bond, les cheveux en bataille, les yeux pleins d’angoisse mêlée d’excitation.— Ça va ? C’est maintenant ?Elle hocha la tête, puis une doul
Le troisième trimestre s’ouvrit comme un compte à rebours précieux. Chaque jour était une victoire. Chaque mouvement dans le ventre de Cyra, un rappel qu’ils allaient bientôt les rencontrer. Et pourtant, ce dernier virage de grossesse s’annonçait plus éprouvant que jamais.Le médecin avait été clair : repos absolu jusqu’à l’accouchement. Alitée depuis plusieurs semaines déjà, Cyra ressentait chaque jour un peu plus le poids de son immobilité. Elle avait toujours été autonome, active, volontaire. Devoir déléguer, attendre, se contenter d’observer, la pesait terriblement.— Je suis utile à quoi, comme ça ? demanda-t-elle un jour, les larmes aux yeux, en se tournant vers Raphaël.Il s’agenouilla doucement devant elle, posa ses mains sur son ventre rond et répondit d’une voix douce, mais ferme :— Tu crées la vie. Tu portes nos fils. Tu fais plus que tout ce que j’aurais pu espérer. Et tu n’es pas seule.Cette phrase, Cyra se la répétait comme un mantra. Car non, elle n’était pas seule. T
Les jours s’étaient écoulés depuis le mariage comme un doux rêve dont Cyra ne voulait pas se réveiller. La vie au manoir Delacroix s’était installée dans un équilibre presque parfait, rythmée par les rires d’Iris, les moments tendres partagés avec Raphaël, et la chaleur d’une famille qui s’était reconstruite autour d’elle.Mais quelque chose en elle avait changé. Ce n’était pas seulement la fatigue ou les nausées matinales. C’était plus profond, plus fort. Son corps lui envoyait des signaux qu’elle ne comprenait pas encore entièrement. Et lorsqu’elle se rendit à son premier rendez-vous de suivi, main dans celle de Raphaël, elle s’attendait à entendre un battement de cœur. Un. Un seul.Mais ce fut deux.Deux petits tambours précoces résonnant sur l’échographie. Deux vies. Deux miracles.Cyra tourna les yeux vers Raphaël, incrédule, émue, bouleversée. Il était figé, les sourcils haussés, la bouche légèrement entrouverte.— Deux ? répéta-t-il dans un souffle, le regard rivé sur l’écran.
La nuit précédant le mariage, Cyra peinait à trouver le sommeil. Le manoir était calme, baigné dans la lumière douce de la lune. Iris dormait paisiblement dans sa chambre, et tout semblait parfaitement en ordre, comme si le destin avait décidé d’accorder à la jeune femme une trêve bien méritée. Et pourtant, quelque chose dans son corps ne tournait pas rond. Ce n’était ni du stress, ni de l’appréhension… c’était autre chose. Un sentiment diffus, profond, qui ne voulait pas s’éteindre.Elle se leva sans bruit, enfila un manteau et quitta le manoir à pied, la tête pleine de pensées. Elle se rendit à la pharmacie de garde la plus proche, l’une des rares encore allumées dans la ville endormie. Là, elle acheta un test de grossesse, presque tremblante, sans trop savoir si c’était la peur ou l’espoir qui l’habitait.De retour dans la salle de bain attenante à sa chambre, elle s’assit sur le rebord de la baignoire, le cœur battant. Quelques minutes plus tard, deux barres s’affichaient… positiv
Les rayons du matin filtraient à travers les grandes fenêtres du manoir Delacroix, inondant la chambre de Cyra d’une douce lumière dorée. Iris dormait encore, blottie contre l’un des coussins du vaste lit à baldaquin. Cyra l’observait en silence, le cœur rempli d’émotion. Cette maison était devenue leur maison. Plus de peur, plus de fuite. Plus de secrets.La décision avait été prise sans hésitation : Cyra et Iris emménageraient définitivement au manoir. « Une famille doit être ensemble », avait dit Raphaël en lui prenant la main, les yeux emplis de tendresse. Et elle n’avait rien répondu, car elle savait qu’il avait raison. Iris était déjà très attachée à son arrière-grand-mère, la doyenne Delacroix, et à sa grand-mère, qui l’adorait comme si elle l’avait toujours connue.Ce matin-là, une fois Iris réveillée et occupée à dessiner dans le petit salon du jardin d’hiver, Cyra décida d’appeler une personne importante à ses yeux : son ancienne patronne, Clarisse, qui avait été bien plus q
La matinée s’annonçait pourtant calme. Cyra, assise dans le grand salon baigné de lumière de la villa Delacroix, terminait son café pendant qu’Iris dessinait paisiblement sur la table basse. Depuis le gala, les jours s’étaient écoulés avec une douceur presque irréelle. L’élocution de Cyra avait été saluée par les médias, les réseaux sociaux et l’opinion publique. Elle était devenue, en quelques jours, un symbole d’inspiration. Une femme partie de rien, debout sur ses propres jambes, désormais à la tête d’un empire aux côtés de l’homme qu’elle aimait.Mais le calme ne dure jamais longtemps quand l’ombre veille.Tout bascula à dix heures précises.Le téléphone de Cyra vibra. Une notification. Un message d’alerte provenant du service juridique de l’entreprise. Elle fronça les sourcils.“Madame Delacroix, un article vient de paraître sur le site de La Tribune. Nous préparons une réponse juridique, mais il s’agit d’un contenu particulièrement diffamatoire. Le lien est ci-joint.”Cyra ouvri
Le rendez-vous avait été fixé dans un vieux café en périphérie de la ville, à l’abri des regards. Élise avait choisi ce lieu avec soin : ni trop discret pour éveiller les soupçons, ni trop fréquenté pour attirer l’attention. Elle était arrivée la première, lunettes noires sur le nez, tailleur sombre, l’élégance dissimulant à peine le poison qui coulait dans ses veines.Luc arriva avec quelques minutes de retard. Il semblait plus fatigué qu’elle ne l’imaginait, les traits tirés, les yeux cernés, mais la même lueur mauvaise brillait dans son regard. Un homme qui n’avait jamais accepté de perdre le contrôle.— Mademoiselle Delcourt, dit-il en s’installant, son ton mielleux forçant un respect factice.— Élise. Inutile d’être formels. On est ici pour parler affaires, pas pour faire semblant d’être civilisés, répondit-elle avec un sourire froid.Elle sortit une enveloppe de son sac, la posa sur la table. Dedans : quelques photos, des copies de documents, un plan griffonné à la main.— Voilà
Le soleil du matin filtrait doucement à travers les grandes baies vitrées de la maison familiale des Delacroix. Le parfum du thé à la verveine flottait dans l’air, se mêlant à celui des croissants tout juste sortis du four, posés avec soin sur la table du salon. Iris, assise au sol, jouait avec un petit puzzle en bois, tout en gardant un œil discret sur les adultes qui l’entouraient.Cyra était là, légèrement intimidée malgré tout, mais son cœur apaisé par la bienveillance ambiante. Raphaël, assis non loin d’elle, l’observait avec tendresse, et elle sentit sa main chercher la sienne sous la table.Face à eux, la mère de Raphaël — Éliane — tenait entre ses mains le journal du jour. Et à ses côtés, assise plus droite encore que d’habitude, la grand-mère — Madame Joséphine Delacroix — lisait, lunettes au bout du nez, les lignes imprimées avec attention.— “Une femme de courage, une voix d’inspiration.” lut Éliane à voix haute, avant de baisser doucement le journal. Ils ont vraiment titré