MaëlysLisbonne : début de soiréeAppartement de l’ombre et du souffleJe suis là.Assise dans un coin, presque invisible, serrant mes mains sur mes genoux pour contenir ce feu qui gronde en moi, menaçant de tout embraser.J’essaie de ralentir ma respiration, de calmer ce tumulte qui bat sourdement dans ma poitrine.Mais c’est impossible.Chaque détail autour de moi s’imprime avec une netteté douloureuse.Je pourrais détourner les yeux, faire semblant que rien ne me touche, feindre l’indifférence.Mais je ne peux pas.Parce que je vois tout.Chaque geste, chaque regard, chaque souffle qui danse entre Eden et Aleksandr.Je ressens tout, avec une intensité brûlante, à la limite de l’insupportable.Leurs regards qui se cherchent, se frôlent, se fuient.Comme deux astres en orbite, irrésistiblement attirés mais contraints à la distance.Leurs silences qui parlent plus fort que n’importe quelle parole.Leurs mains presque jointes, hésitantes, comme deux braises qui refusent de se mêler, ma
EdenLisbonne : fin d’après-midiAppartement de l’ombre et du souffleJe ne voulais pas y croire.Je ne voulais pas laisser cette ombre s’immiscer entre nous.Mais le feu… le feu n’est jamais pur.Il brûle. Il consume. Il divise.Aleksandr est revenu. Seul.Plus tard que prévu. Plus brusquement.Le silence entre nous n’a jamais été aussi lourd.Parce qu’il n’est plus le même.Il porte quelque chose de brutal, de chaotique, comme une tempête refoulée qui menace d’exploser à tout instant.Je le sens dès qu’il franchit la porte.Un poids dans sa mâchoire serrée, une violence contenue dans ses prunelles sombres.Il ne parle pas, il avance.Et dans son sillage, il y a cette tension une électricité mauvaise, une fissure qui menace de craquer sous la pression.Maëlys est là aussi.Silencieuse, prudente.Elle observe.Mais cette fois, ce n’est plus elle qui est au centre.C’est une autre présence, invisible mais brûlante, tapie dans chaque regard, dans chaque silence.Je regarde Aleksandr, le
EdenLisbonne : début d’après-midiIls sont partis.Et avec eux, le silence a changé.Ce n’est plus celui de l’attente, ni de la guérison.Ce n’est plus celui qui pèse ou qui prépare.C’est un silence creux.Mais ce creux n’est pas vide.Il est habité. Chargé.Un creux qui respire encore de leur passage, de leur poids, de ce qui a été laissé.Un silence qui palpite, comme une cicatrice qui ne saigne plus mais qui vibre encore au toucher.Je n’ai pas bougé.Je suis restée là, assise au sol, dos contre le mur, jambes croisées sous moi.Le plateau est toujours là. Le thé tiédi. Le pain entamé.Tout est figé, mais rien n’est mort.Je respire lentement.Pas pour me calmer.Pour ressentir.Les fibres du parquet sous moi.Les veines du bois.La lumière diffuse sur les murs.La trace infime de leurs présences.Mais surtout, la sienne.Aleksandr.Il est encore là, même absent.Je ne devrais pas penser ça.Mais il faut nommer ce qui revient.Il faut reconnaître ce qui réclame.Il y a en lui que
EdenLisbonne : fin de matinéeAppartement de l’ombre et du souffleLe silence est dense.Pas oppressant. Pas douloureux.Mais solennel. Chargé d’un écho ancien.Il s’installe comme un souffle oublié, un murmure sacré qui a traversé les âges.Il imprègne les murs, la poussière suspendue dans la lumière, le bois craquant sous les pas.Mais surtout, il vibre entre nous.Je suis là. Assise. Présente.Pas comme une spectatrice.Pas comme une prêtresse non plus.Mais comme une sœur d’âme, une mémoire vivante du feu qui réclame.Ils dorment encore. Étendus l’un près de l’autre.Pas dans une étreinte.Dans un équilibre. Une tension douce, intacte.Comme deux braises côte à côte, dont la chaleur ne se mêle pas encore, mais dont l’incandescence s’accorde.Mais c’est lui que je regarde.Aleksandr.Sa peau est encore pâle, ses traits tirés, mais quelque chose a changé.Ce n’est pas la guérison.C’est un décalage subtil. Comme un voile qui serait tombé de ses yeux.Et même dans le sommeil, je sen
MaëlysLisbonne , appartement d’Eden matinLa lumière du matin filtrait à travers les volets entrouverts, douce, presque fragile, telle une caresse silencieuse. Elle dansait dans l’air immobile, dessinant des volutes dorées sur les murs défraîchis, caressant le parquet marqué par le temps, comme si chaque grain racontait une histoire oubliée. L’appartement semblait hors du monde, un sanctuaire suspendu entre passé et présent.L’air lui-même portait un mélange subtil d’herbe fraîchement coupée et de résine brûlée, comme un feu qui s’estompe lentement, laissant derrière lui une odeur mêlée d’espoir et de mélancolie.Je restai là, appuyée contre l’encadrement de la porte, mon corps encore endolori, chaque muscle vibrant de la tension accumulée, prêt à lâcher prise mais refusant de céder. La fatigue pesait sur mes paupières lourdes, mais au fond de moi brûlait une flamme fragile, une lumière vacillante qui refusait de s’éteindre.À mes côtés, Aleksandr était immobile, silencieux, comme fi
Maëlys4h08 — Chambre 204, retour d’ombreNous n’avons pas parlé pendant tout le trajet du retour.Le feu derrière nous continuait de brûler quand nous avons quitté les docks.Les sirènes commençaient à hurler, mais elles semblaient lointaines, irréelles.Le monde autour criait, et nous, on n’écoutait plus rien. On ne regardait plus rien.Pas un mot. Pas un regard.Comme si parler aurait cassé quelque chose de fragile, de dangereux.Je suis montée dans la voiture comme on monte dans un cercueil ouvert.J’ai senti le poids du silence entre nous.Pas un silence vide.Un silence plein.Rempli de ce qu’on ne sait pas encore dire. De ce qu’on n’a pas le droit de dire.Pas ce soir.Et maintenant, me voilà ici.La porte de la chambre se referme derrière moi avec un claquement sec.Un son net. Définitif.Aleksandr entre à son tour. Il ne dit rien. Il pose ses clés. Sa veste. Il ne me regarde même pas.Mais je sens son souffle.Sa tension.Son silence.Il retire sa chemise sans hâte. Un bouton