LOGINClaire ravale ses larmes d’un mouvement sec, comme si les sanglots pouvaient la trahir devant eux. Sa gorge est serrée ; un goût amer lui remonte à la bouche. Elle fixe Marc un instant, cherche dans ses yeux une explication, une clarté qui n’est pas là. Au lieu de ça, il fouille à la hâte sur le sol pour ramasser ses vêtements, ses gestes rapides, mécaniques, comme s’il voulait effacer la scène avant qu’elle ait le temps de la voir.
Il enfile sa chemise en douce, évite son regard, puis se dirige vers la porte avec une précipitation maladroite. « — Je… je dois y aller, » bafouille-t-il sans conviction. Son visage est pâle, tendu, mais il n’y a pas de panique seulement la fuite d’un homme pris au piège. Il passe devant Claire sans un mot et sort, la porte claquant derrière lui comme une sentence. Isadora se lève lentement du lit, ses cheveux en désordre, une serviette serrée autour d’elle comme une armure fragile. Elle regarde Marc partir, puis tourne ses yeux vers Claire. Un rictus se dessine sur ses lèvres ; elle a l’air à la fois triomphante et nerveuse. Elle esquisse un pas pour suivre Marc, comme s’il fallait réparer ce qui vient d’être brisé par sa fuite. Claire n’accepte pas qu’on l’abandonne une fois de plus. D’un réflexe qu’elle ne se reconnaît pas, elle saisit le poignet d’Isadora. Sa main se pose sur la peau chaude, et l’instant est chargé d’une volonté nouvelle : elle retient sa sœur, elle ne la laissera pas s’échapper —. « Non, tu restes ici, » dit-elle d’une voix qui tremble mais qui porte. Isadora la regarde, surprise d’abord, puis méprisante. Son sourire se durcit. — « Tu es pathétique, Claire. Toujours la même. Toujours à jouer les grandes patronnes du monde. Idiote. Tu crois que tout t’appartient ? » Sa voix est glaciale ; chaque mot est une lame. Elle parle comme si elle énonçait un verdict, comme si elle déclarait que Claire n’a jamais rien compris à la vie. Les mots percent Claire comme des éclats. La honte et la colère se mêlent ; la pièce tourne autour d’elle. Elle sent la trahison comme une brûlure vive sur la peau. Tout ce qu’elle a construit, sa carrière, son foyer, se dissout en une seconde devant les yeux de sa sœur. Elle pense à Sophie sa fille et la douleur devient insupportable, aiguisée par la crainte de la laisser entre les mains de ces deux-là. La colère devient une force qu’elle n’a pas l’habitude de laisser parler. Elle repousse la petite voix qui l’ordonne d’être raisonnable, respectueuse, de garder le contrôle. Cette fois, il n’y a plus de place pour la retenue. Sans réfléchir, sans calcul, elle lève la main et claque la joue d’Isadora. La gifle résonne sèche, nette comme une vérité violente rendue au visage de celle qui l’a trahie. Isadora chancelle, ses yeux s’emplissent d’une surprise mêlée de rage. Elle bredouille quelque chose d’inintelligible, sa main venant instinctivement frotter sa joue. Le rire qui sort de sa bouche est amer, un mélange de défi et de blessure. « — Tu penses vraiment que me gifler change quelque chose ? » crache-t-elle. « Regarde-toi… tu es ridicule, Claire. Toujours sûre de toi, et voilà où ça te mène. Tu es faible. » Les mots frappent, plus tranchants que la gifle. Claire recule d’un pas, la vision floue, les membres lourds. La pièce semble se rapprocher tout à coup : le lit, le marbre, le cadre de la fenêtre, tout devient brutalement concret. Les insultes d’Isadora résonnent encore quand, sans qu’elle sache pourquoi, Claire avance encore, comme attirée par quelque chose d’invisible. Isadora, sur la défensive, agit par réflexe. Un mouvement rapide, une poussée de colère, et sa main s’abat sur le buste de Claire. Ce n’est pas une injure, pas un mot ; c’est un geste qui se veut éloignement, une tentative de la faire taire, de rompre le contact. Le monde bascule. Claire perd l’équilibre. Le plancher se détache sous ses pieds ; un vertige la saisit. Elle tente de reprendre appui, de trouver quelque chose à quoi se raccrocher, mais ses mains ne touchent que l’air. Elle tombe en arrière, son dos heurte d’abord le bord d’un meuble puis glisse, incontrôlable, vers le sol en marbre qui brille dans la pénombre. La chute est courte. Le bruit de l’impact sourd, définitif remplit la chambre et emplit tout son corps d’un froid qui ne vient pas du sol. Claire voit au-dessus d’elle le visage d’Isadora, figé, paniqué, et celui de Marc se profilant à la porte, où il a hésité puis s’est arrêté. On pourrait croire que tout va ralentir, que le monde va suspendre sa respiration pour un dernier instant de compréhension. Mais le souffle lui manque ; ses oreilles bourdonnent et des taches noires viennent danser aux bords de sa vision. Elle tente de parler, de dire quelque chose une accusation, un nom, un ordre mais les sons se meurent avant d’atteindre ses lèvres. La douleur explose dans sa nuque, puis quelque chose de plus profond, plus grave, la traverse : un voile épais qui arrête tout. Elle sent le sang peut être, un goût métallique ; elle sent aussi l’air qui se raréfie autour d’elle, comme si le monde décidait qu’elle n’a plus sa place. Isadora recule, hystérique maintenant, appelant Marc d’une voix aiguë : —« Marc ! Marc ! » Il accourt, blême, les mains déjà tremblantes. Il se penche au-dessus d’elle, ses doigts cherchent le pouls, mesurent l’absence. Le visage de Marc est une étude de peur et de calcul il sait ce qui vient de se produire. Sophie, étant chez sa grand-mère n’a aucune idée de la tempête qui vient d’éclater. Le silence dans la maison est rompu par les appels d’Isadora et le bruit précipité des pas. La réalité se reconstruit en hâte pour ceux restés debout : un accident, un malaise, un instant tragique qui peut encore être contenu. Claire sent que tout s’éteint autour d’elle. Les couleurs deviennent floues, le son s’amenuise. Une dernière image lui revient : le regard vide d’Isadora, la silhouette de Marc qui se penche et la plaque froide du marbre contre laquelle sa tête a heurté. Puis l’obscurité. Tout devient silence. Tout devient calme.À l’extérieur, Marc quitte le bureau, laissant Isadora avec ses pensées calculatrices. Il sait que son silence et sa complicité lient désormais leurs destins. Le jeu est en marche. Tout est en place pour que la police croie à l’accident et à la culpabilité de la ménagère. Tout est en place pour que Marc atteigne enfin ses objectifs. Mais dans l’ombre de cette machination, Claire, consciente et toujours vivante, commence à observer, à comprendre, à préparer sa revanche silencieuse.La nuit tombe sur la ville, et avec elle, une tension invisible enveloppe l’entreprise, la maison, et la prison où Claire est enfermée. Tout semble calme, mais chaque respiration, chaque mouvement est chargé de secrets et de plans à venir. Personne ne sait que la vérité est cachée derrière ce corps étranger, que Claire Durnel est toujours là, prête à attendre son moment.Dans le silence de sa cellule, Claire se lève, marche lentement, teste l’espace autour d’elle. Chaque geste, chaque mouvement devient un e
Claire comprend une vérité simple mais terrifiante : elle est seule. Personne ne sait qu’elle est encore là, consciente, vivante. Personne ne sait qu’elle est Claire Durnel, même si son corps est celui de Nora. Elle est prisonnière d’une enveloppe étrangère, accusée d’un crime qu’elle n’a pas commis, tandis que la vraie coupable, Isadora, est désormais libre de manipuler la vérité.Alors que les portes de l’ascenseur s’ouvrent, Claire est embarquée, hurlant son innocence. Sa voix, étrangère et tremblante, résonne dans le couloir désert. —« Je n’ai rien fait ! Vous vous trompez ! » Mais personne ne l’écoute. Tout le monde voit seulement la ménagère qu’ils croient coupable. La réalité, sa réalité, reste silencieuse et invisible.Elle sent son esprit bouillir de rage et de confusion, mais quelque part au fond d’elle, une idée commence à germer : observer, comprendre, préparer, frapper. Pour l’instant, elle doit rester silencieuse, contenue, invisible aux yeux de tous. Mais bientôt… b
Isadora est assise dans le petit bureau de la police, les mains croisées sur ses genoux, le visage crispé. Les lampes fluorescentes au-dessus d’elle donnent à la pièce un air glacé et impersonnel. Chaque tic-tac de l’horloge résonne dans son crâne comme un rappel cruel de ce qui vient de se passer. Le policier face à elle la fixe d’un regard dur, inquisiteur. —« Alors, madame… expliquez-nous exactement ce qui s’est passé dans la maison Durnel. »Isadora baisse les yeux, tente un sourire qui ne vient pas. Sa respiration est rapide, irrégulière. Elle joue avec le bord de sa manche, une nervosité visible trahissant sa façade de contrôle. Les minutes s’égrènent, chaque silence pesant comme une condamnation imminente. Puis, finalement, les mots sortent, tranchants et froids. «— J’ai… j’ai vu… » commence-t-elle, la voix tremblante. « J’ai vu la ménagère… elle a poussé Claire. »Le policier prend des notes sans émotion.— « Vous êtes sûre de ce que vous affirmez ? » demande-t-il.Isa
Elle se redresse d’un bond, ignorant les câbles et les moniteurs, ignorant les infirmiers qui se rapprochent pour l’aider. La curiosité et l’incrédulité surpassent toute prudence. Elle quitte précipitamment le lit, ses pieds glissant sur le sol froid de l’hôpital. Chaque pas la rapproche d’un miroir placé à l’entrée de la salle de bain attenante. Ses mains tremblent tandis qu’elle ouvre la porte, le bois froid mordant sous ses doigts crispés.Elle se fige devant le miroir. Une longue inspiration, un souffle tremblant. Son regard se pose sur le reflet. Et… l’horreur.Ce n’est pas elle.Ce n’est pas Claire Durnel qu’elle voit. Les traits sont jeunes, fins, presque innocents, mais pas les siens. Ses yeux s’agrandissent, ses doigts se crispent sur le rebord du lavabo. — Non… non… non… » souffle-t-elle, sa voix étrangère, aiguë, presque enfantine. Les mots semblent la trahir, car ils sortent dans un ton qu’elle ne reconnaît pas.Elle se penche, touche son visage du bout des doigts, com
Les ambulanciers préparent les brancards, installent Claire et Nora avec précaution. Marc et Isadora suivent en silence, le regard fuyant, chacun perdu dans ses pensées, chacun conscient que la situation échappe désormais à tout contrôle. Les sirènes retentissent plus près, et le monde extérieur semble enfin se rappeler à eux, une réalité qui ne peut plus être ignorée.Dans la chambre, le sol reste taché de traces, les draps froissés, le silence à nouveau pesant. Mais cette fois, il n’y a plus d’illusions : la vie a basculé, et chaque décision, chaque geste, aura désormais des conséquences irréversibles.Alors que les ambulanciers emmènent Nora et Claire, Marc jette un dernier regard vers Isadora. Les yeux brillants de peur et de culpabilité, elle comprend que tout est désormais hors de contrôle. Les secrets, les mensonges et les trahisons, qui semblaient à l’abri derrière des murs dorés et des sourires parfaits, commencent à s’effriter, laissant place à une vérité brutale et implaca
Le hurlement d’Isadora perce la maison comme un coup de tonnerre. Son cri est à la fois paniqué et paniquant, vibrant de peur et de colère. Nora, la jeune ménagère, entend le vacarme depuis l’étage inférieur. Son cœur bat déjà à tout rompre, et une panique instinctive la pousse à courir vers la source du bruit. Les pas de ses chaussures frappent le parquet avec urgence, chaque écho renforçant l’angoisse qui la saisit.Elle débouche dans le couloir et s’arrête net. Ses yeux s’écarquillent, son souffle se coupe lorsqu’elle voit sa patronne allongée au sol. Claire, immobile, la tête heurtant le marbre, ses cheveux blonds éparpillés autour d’elle. La scène est figée, terriblement silencieuse malgré le chaos apparent.Nora avance à petits pas, le visage pâle, les mains tremblantes. Elle se penche sur Claire, appelle son nom, mais le son de sa voix lui semble ridicule, inutile. Ses yeux se brouillent de larmes alors qu’elle touche la peau froide, tentant de percevoir un signe de vie. L’hor







