Le silence.
Alex flottait dans un néant étrange. Ni douleur, ni bruit, juste un vide infini. Il avait l’impression de tomber, sans fin, dans une obscurité sans repère. Par instants, il croyait entendre des échos lointains — le fracas de l’accident, les cris, le bruit métallique du camion. Puis plus rien. Est-ce ça, la mort ? pensa-t-il, prisonnier de ce gouffre silencieux. Un éternel néant ? Mais soudain, une lumière éclata. Une chaleur envahit son corps, ses poumons se gonflèrent brutalement, et il inspira comme un noyé qu’on arrache à l’eau. Il ouvrit les yeux. --- Le retour La première chose qu’il vit, ce fut le plafond familier de la chambre de l’hôtel. Non, pas celle où il avait passé ses nuits de noces brisées… Une autre. Celle d’il y a dix ans. Il se redressa brusquement, le cœur battant à tout rompre. Ses mains tremblaient. Il toucha le drap, la table de chevet, tout était tangible, solide. Ce n’était pas un rêve. Il se leva, courut jusqu’au miroir. Ce qu’il vit faillit lui couper le souffle. Un jeune homme. Plus mince, sans rides, sans cernes marqués par dix années de labeur et de désillusions. Ses cheveux étaient plus denses, son visage plus lumineux. Ses yeux… Ses yeux n’étaient plus ternes comme après l’accident, mais vifs, éclatants. Il recula, abasourdi. — Non… Ce n’est pas possible… Il tituba, chercha son téléphone sur la table. Un vieux modèle, celui qu’il avait perdu depuis longtemps. Tremblant, il l’alluma. L’écran indiqua la date. 10 ans plus tôt. Jour de son mariage. Ses jambes fléchirent, et il s’effondra sur le lit. Les larmes roulèrent sur ses joues. — Je suis revenu… souffla-t-il. --- Le doute et la peur Pendant une heure, il resta immobile, le regard perdu. Était-ce une punition ? Une seconde chance ? Ou un délire avant sa mort ? Chaque souvenir de l’accident lui revenait comme une gifle. La trahison d’Isabella, les aveux de Marc, le goût amer de l’injustice. Puis le fracas du camion. Et maintenant je suis ici. Dix ans plus tôt. Comme si rien ne s’était passé. Il serra ses poings. Une rage sourde monta en lui. — Pas cette fois. Pas encore. Jamais plus. --- Le choix On frappa soudain à la porte. Alex sursauta, les nerfs à vif. — Alex ! appela une voix familière. Tu es prêt ? C’était Marc. Le sang d’Alex se glaça. Pendant un instant, il se revit, quelques heures plus tard, embrassant Isabella en secret. Il entendit encore ces mots : Depuis longtemps. Une haine glaciale envahit son cœur. Il se força pourtant à respirer profondément et ouvrit la porte. Marc était là, le même qu’autrefois : jeune, charismatique, sourire éclatant. Le même sourire qui masquait le poison. — Alors, futur marié ? plaisanta-t-il. Tu comptes faire attendre Isabella ? Alex le fixa en silence. Il avait envie de le frapper, de lui hurler dessus, de lui cracher son mépris. Mais non. Pas encore. Il devait jouer intelligemment. Un sourire amer étira ses lèvres. — Pas aujourd’hui, murmura-t-il. Marc arqua un sourcil. — Quoi ? Alex ne répondit pas. Il se détourna et saisit sa veste. Son cœur battait comme un tambour, mais une détermination nouvelle brûlait en lui. --- La confrontation Quelques heures plus tard, tout était prêt. Isabella l’attendait à l’église, vêtue de sa robe blanche. Les invités chuchotaient, impatients. Mais Alex n’avança pas vers l’autel. Il resta figé à l’entrée, ses yeux fixés sur Isabella. Elle était magnifique, comme dans son souvenir. Mais derrière cette beauté, il ne voyait plus qu’un masque. Il savait ce qu’elle lui ferait subir. Il savait la trahison, la douleur, les mensonges. Alors, quand le prêtre lui demanda d’avancer, il fit un pas… puis s’arrêta. Les murmures s’élevèrent dans l’assemblée. Isabella fronça les sourcils. — Alex ? Qu’est-ce que tu fais ? Il inspira profondément, puis leva la main. — Stop. Un silence glacé envahit l’église. — Je ne peux pas, dit-il d’une voix claire. Je ne peux pas t’épouser, Isabella. Un souffle choqué parcourut la salle. Isabella pâlit, ses lèvres tremblantes. — Quoi ? Tu plaisantes… n’est-ce pas ? Alex secoua la tête. Ses yeux brillèrent d’une lueur glaciale. — Non. C’est fini, Isabella. Je ne marcherai pas dans ce piège. Pas cette fois. Marc bondit de son siège, furieux. — Alex, tu es malade ? Tu ne peux pas l’humilier comme ça devant tout le monde ! Alex planta son regard dans le sien. Un sourire amer se dessina sur ses lèvres. — Toi, ferme-la. Marc resta figé, déstabilisé par cette froideur qu’il ne lui connaissait pas. Les invités chuchotaient, choqués, scandalisés. Mais Alex n’en avait rien à faire. Pour la première fois, il se sentait libre. Il tourna les talons, traversa l’allée centrale sous les regards incrédules, et quitta l’église. --- La promesse Dehors, la pluie commençait à tomber. Alex leva les yeux vers le ciel gris. Son cœur battait fort, mais pas de regret, pas de peur. Seulement une résolution implacable. Il murmura : — Cette fois, c’est moi qui écrirai l’histoire. Cette fois, c’est vous qui souffrirez. Il serra les poings, une étincelle sombre dans le regard. Sa vie venait d’être brisée une première fois. Mais aujourd’hui, elle recommençait. Et il allait bâtir sa vengeance.L’air du matin avait cette fraîcheur piquante propre aux débuts de saison, un mélange de renouveau et de tension contenue. Pour Alex, c’était le parfum d’un champ de bataille invisible.Il n’avait pas dormi beaucoup. La nuit précédente, son esprit avait ressassé chaque détail de ses plans : les alliances qu’il devait tisser, les secrets qu’il devait révéler au bon moment, les pièges qu’il devait tendre. Le chemin qu’il avait choisi n’était plus celui de la survie, mais celui de la domination. Désormais, chaque mouvement devait avoir un poids.Assis dans son bureau — une petite pièce qu’il avait transformée en véritable quartier général — il parcourait des dossiers financiers, des notes personnelles et surtout un carnet où il consignait tout ce qu’il savait de l’avenir. Ce carnet était son arme la plus redoutable : prédictions de crises, dates d’événements clés, noms de personnes qui allaient marquer l’histoire.Un sourire amer se dessina sur ses lèvres.— Si seulement vous saviez à qu
Le matin se leva avec une brume légère qui étouffait les bruits de la ville. Alex s’était assis à son bureau avant l’aube, le carnet ouvert, le regard fixé sur les lignes rageuses qu’il avait tracées la veille. Ses yeux brûlaient de fatigue, mais son esprit était aussi clair que l’acier d’une lame fraîchement forgée. La veille, il avait juré que rien ni personne ne l’arrêterait. Ce matin, il devait transformer ce serment en actes. Il avait appris, dans sa première vie, que la vengeance n’était pas une impulsion brutale mais une longue guerre d’usure. Chaque coup devait être préparé, chaque geste mesuré. Et aujourd’hui marquerait la première manœuvre visible. --- Il commença par organiser son capital. Ce qu’il possédait encore était modeste, mais il savait où frapper. Dix ans plus tôt, certaines entreprises considérées comme insignifiantes allaient devenir des géants. Il nota trois noms dans son carnet : une petite société de logiciels, une startup de paiement en ligne, et une
Le matin se leva sur la ville, voilé par un ciel grisâtre. Alex n’avait pas dormi. Pas une seconde. Ses yeux étaient rouges, mais son esprit brillait d’une lucidité glaciale. Il avait passé la nuit à dresser des plans, à revisiter ses souvenirs du futur comme un stratège analysant une guerre déjà vécue. Chaque événement, chaque trahison, chaque opportunité lui revenait avec une précision chirurgicale. Et maintenant, il avait une carte. En bas de son immeuble, il croisa le concierge, un vieil homme qui l’avait toujours regardé comme un gamin sans importance. Mais Alex lui rendit son sourire avec une assurance nouvelle. Ce n’était pas un simple échange banal. C’était un test. Et dans le regard du vieil homme, Alex vit ce qu’il voulait : une pointe de respect, née de l’assurance qu’il dégageait désormais. — Bonjour, monsieur Dupont, dit le concierge. Vous partez tôt aujourd’hui. — Une grande journée commence, répondit Alex en ajustant sa veste. Et il descendit la rue, le pas f
La nuit était tombée depuis longtemps sur la ville. Un silence épais enveloppait les rues désertes, brisé seulement par les aboiements lointains d’un chien errant. Dans son bureau faiblement éclairé, Alex contemplait une feuille blanche posée devant lui. Ses doigts tenaient un stylo, mais il ne bougeait pas. Ses pensées tourbillonnaient, plus sombres que jamais. Dix ans plus tôt, il avait été un homme brisé. Dix ans plus tard, il était mort dans la solitude, trahi, humilié, effacé de sa propre histoire. Mais aujourd’hui, il avait une seconde chance. Une seconde vie. Et il n’avait plus l’intention de la gaspiller. Le miroir de vérité Alex se leva et se dirigea vers la grande glace accrochée au mur. Il s’y regarda longuement. Les traits étaient les mêmes : le visage jeune, les yeux fatigués mais pas encore consumés par la douleur. Pourtant, il se sentait différent. Il approcha son visage du miroir et murmura : — Tu n’es plus Alex Dupont. Tu n’es plus cet homme naïf qu’ils o
Alex passa les jours suivants enfermé dans son bureau, le carnet toujours ouvert devant lui. Le monde extérieur semblait s’effacer : les appels d’Isabella restaient sans réponse, les visites de Marc se heurtaient à un silence glacial. Chaque heure, chaque minute était consacrée à écrire, calculer, prévoir. Il se souvenait parfaitement de certaines dates-clés, de ces événements qui avaient façonné son autre vie : L’ouverture d’une petite entreprise de technologie locale qui, en quelques années, deviendrait un mastodonte. La flambée des prix immobiliers dans un quartier encore méprisé. Le lancement d’un projet minier qui attirerait bientôt les investisseurs étrangers. À l’époque, il n’avait pas su en profiter. Il avait regardé, impuissant, pendant que d’autres s’enrichissaient. Pas cette fois. Le premier pas : un capital de départ Mais la connaissance ne suffisait pas. Il lui fallait de l’argent. Pas grand-chose, mais assez pour placer ses premières pierres. Alex fouilla
Le silence de la maison fut brisé par le claquement sec de la porte d’entrée. Alex releva la tête. Isabella entra, ses talons résonnant sur le parquet, chaque pas trahissant une nervosité contenue. Son visage, impeccablement maquillé malgré la nuit agitée, se crispa à la vue du carnet ouvert sur le bureau. — Tu écris maintenant ? demanda-t-elle d’une voix acide, cherchant à reprendre le dessus. Alex ne répondit pas immédiatement. Il referma calmement le cahier, posa le stylo, puis croisa les bras sur sa poitrine. Son silence pesa lourd, plus douloureux que n’importe quelle réplique cinglante. Isabella s’approcha, ses yeux scrutant les siens, cherchant une faille. Mais elle ne trouva qu’un mur glacé. — Alex… on peut parler ? dit-elle enfin, sa voix se radoucissant. Il esquissa un sourire amer. — Parler ? Comme on le faisait quand tu me disais que j’étais ton unique amour ? Ou comme quand tu passais tes nuits avec Marc ? Le coup fut direct, sans détour. Isabella blêmit, ses