ホーム / Romance / STÉRILITÉ PARTAGÉE / Chapitre 3 : Un calvaire 2

共有

Chapitre 3 : Un calvaire 2

作者: Déesse
last update 最終更新日: 2025-12-07 22:51:18

Leïla

Je me souviens. Je me souviens de la salle d’attente pleine de femmes aux visages empreints de la même angoisse. Je me souviens du regard gêné du médecin lorsque, après m’avoir examinée sous toutes les coutures, j’avais murmuré que le problème… pourrait ne pas venir de moi. Je me souviens du silence de plomb de Youssef dans la voiture au retour.

— Il n’a rien trouvé d’anormal, dis-je d’une voix blanche.

— Rien trouvé ? s’exclame la tante de Youssef, Zahra, installée comme un juge sur le canapé. Mais alors, c’est une question de temps ! Il faut être patiente, Leïla. Il faut surtout prier. Tu pries, ma fille ?

La question est un coup de couteau. La piété, l’ultime recours, l’ultime reproche si cela ne fonctionne pas : tu n’as pas assez prié, Dieu ne t’a pas exaucée.

— Bien sûr que je prie, tante Zahra.

— Parfois, enchaîne Fathia en sirotant son thé bruyamment, il faut savoir se forcer un peu. Ne pas attendre que la lune soit bleue. Un homme, ça a besoin d’être… stimulé. Tu es trop discrète, Leïla. Trop réservée. Il faut de la vie, de la fantaisie dans un couple !

La chaleur me monte aux joues, une brûlure d’humiliation si violente que mes yeux se remplissent d’eau. Je les baisse très vite, fixant le motif du tapis. Parler de cela. Ici. Devant tout le monde. Évoquer la « fantaisie » alors que mon mari ne me touche même pas la main. C’est une torture exquise.

— Maman, s’il te plaît, grogne Youssef, sans conviction.

— Quoi, « maman s’il te plaît » ? Je parle pour votre bien à tous les deux ! Regarde-la, elle dépérit à force d’attendre ! Et toi, tu travailles trop, tu es stressé. C’est mauvais pour… pour la graine.

Je sens le regard de Karim sur moi. Une curiosité, une gêne palpable. Il détourne les yeux, mal à l’aise. Lui au moins.

— Peut-être, hasarde Zahra, qu’une petite cure à la campagne lui ferait du bien ? L’air pur. On connaît une maison à Ifrane…

— Ou peut-être, coupe Fathia, la voix soudain plus acide, que tu devrais essayer d’autres remèdes. Les vraies choses. Pas ces médecins modernes qui ne comprennent rien. Ma cousine Aïcha avait le même problème. Finalement, elle a consulté une vraie guérisseuse, à la campagne. Elle a fait des fumigations, bu des potions… Et neuf mois après, un garçon !

Le sous-entendu est limpide : le problème, c’est moi. Mon corps récalcitrant, mon utérus désertique. Et Youssef, mon mari, mon allié, reste muet. Il laisse les mots, acérés comme des lames, me transpercer. Son silence est une approbation. Sa lâcheté est mon arrêt de mort.

Je ne peux plus. L’étau se resserre autour de ma gorge. Les murs du salon semblent se rapprocher, étouffants. Leurs visages deviennent flous, leurs voix un bourdonnement menaçant.

— Excusez-moi, je… je dois vérifier le tajine.

Je me lève si brusquement que mon verre de thé tinte. Je fuis. Je fuis vers la cuisine, mon seul réduit. Derrière moi, un silence lourd, puis le chuchotement repris de plus belle. Ils parlent de moi. Ils dissèquent mon infertilité, mon attitude, mon manque de foi. Je m’accroche au bord de l’évier, les doigts crispés sur la céramique froide. Je regarde par la fenêtre la cour intérieure, un carré de ciel bleu implacable. Des larmes chaudes et silencieuses coulent enfin sur mes joues. Elles sont salées, amères, et ne soulagent rien. Rien du tout.

Je suis prise au piège. Prisonière d’un secret qui n’est pas le mien, d’un corps qu’on accuse à tort, d’un désir qui pourrit sur place. Et le pire, c’est l’homme de l’autre côté de la porte, celui qui est censé me protéger, et qui me livre pieds et poings liés aux juges. La colère monte enfin, mêlée à un désespoir si noir qu’il me coupe le souffle.

Combien de temps ? Combien de temps encore vais-je pouvoir tenir avant de crier la vérité, avant que ce sourire forcé ne se fissure pour de bon et ne laisse voir l’abîme de rage et de chagrin qu’il cache ?

この本を無料で読み続ける
コードをスキャンしてアプリをダウンロード

最新チャプター

  • STÉRILITÉ PARTAGÉE    Chapitre 13 : Le Poids de l'Aube 1

    LeïlaLe jour s’impose, brutal et gris, derrière les vitres. Je me suis préparée comme un automate. Douche trop chaude qui brûle la peau, habits choisis sans voir : un pantalon beige, un pull sobre. Une armure de coton. Dans le miroir de la salle de bains, une étrangère me regarde, les yeux cernés d’un bleu violacé, la bouche trop pâle. Je passe du fond de teint pour masquer les stigmates de la nuit, une poudre qui étouffe tout. Je mets du rouge à lèvres, une couleur neutre. C’est le masque de Leïla, l’épouse. Je le fixe avec un mépris glacial.La cuisine sent le café. Une odeur normale, rassurante, qui me donne la nausée. Youssef est déjà là, assis à la table, le journal ouvert devant lui. Il ne lit pas. Il fixe une page, les épaules légèrement voûtées. Il sent ma présence, lève les yeux. Son regard, rapide, inquiet, balaie mon visage à la recherche d’indices. Je lui tends un visage lisse, poli comme une pierre tombale.— Tu as dormi ? demande-t-il. Sa voix est rauque, matinale.— No

  • STÉRILITÉ PARTAGÉE    Chapitre 12 : Nuit Blanche 

    LeïlaLa nuit est un mur de pierre contre lequel je me cogne, encore et encore. Les larmes séchées sur ma peau me picotent, une carapace salée. À côté de moi, Youssef respire, un rythme régulier et profond qui ressemble à de l’indifférence, même dans le sommeil. Mon esprit est une roue en feu, tournant sans cesse autour des mêmes images : le visage effondré de Youssef lors de la lune de miel, les sourires en coin de sa mère, le poids des regards dans le salon familial, et… les bras de Karim sur la terrasse.Cette étreinte. Ce n’était rien, et c’était tout. Un geste humain dans une maison devenue inhumaine. Mais dans ma peau affamée, dans mon cœur vidé, ce geste a pris la dimension d’un séisme. La chaleur de ses mains à travers le tissu de mon peignoir, le battement calme de son cœur contre mon oreille, l’odeur de sommeil et de propreté. Des détails infimes qui se sont gravés en moi avec la force d’une révélation.Je me retourne brutalement, tirant les draps. La colère revient, mordant

  • STÉRILITÉ PARTAGÉE    Chapitre 11 : L'effondrement et le réconfort 2

    Leïla Il a bondi, instinctif, et ses bras se sont refermés autour de moi avant que je ne m’écroule sur le sol froid.Ce ne fut pas un geste calculé, pas une séduction. Ce fut un sauvetage. Un réflexe humain devant une détresse évidente. Et moi, dans ce naufrage, je me suis accrochée à lui comme à la seule bouée en vue. J’ai enfoui mon visage dans son t-shirt, respirant son odeur d’homme endormi, de coton propre et de sécurité simple. Les sanglots sont revenus, violents, incontrôlables, secouant tout mon corps. Je pleurais toutes les larmes que je n’avais jamais osé verser devant quiconque.— Chut… a-t-il murmuré contre mes cheveux, ses mains traçant de lents cercles apaisants sur mon dos. Chut, Leïla. Laisse couler. Tu es en sécurité ici.En sécurité. Ces mots. Dans les bras du frère de mon mari. L’ironie était si amère qu’elle aurait dû me faire rire. Mais je n’avais plus la force de l’ironie. J’avais seulement la force de pleurer. Et de sentir, pour la première fois depuis une éter

  • STÉRILITÉ PARTAGÉE    Chapitre 10 : L'effondrement et le réconfort 1

    Leïla La nuit était épaisse, un linceul étouffant posé sur la maison endormie. Le silence entre Youssef et moi n’était plus seulement un vide, c’était une entité palpable, lourde des aveux non-dits et des récriminations gelées. Les murs eux-mêmes semblaient avoir absorbé notre poison et le renvoyaient en ondes silencieuses.Je ne pouvais pas rester allongée à côté de lui. Sa respiration régulière, signe d’un sommeil que je ne connaissais plus, était une insulte. Je me suis glissée hors du lit, pieds nus sur le sol froid, et j’ai traversé l’appartement obscur comme une ombre. La chambre d’amis, avec son lit toujours fait, ressemblait à une cellule. Je ne la supportais pas non plus.Je me suis dirigée vers la petite terrasse, cet espace de béton suspendu dans le noir, ouvert sur le ciel et les lumières lointaines de la ville. Là, au moins, l’air n’était pas vicié par notre mensonge.La porte-fenêtre a coulissé sans un bruit. L’air nocturne, frais et léger, a caressé mon visage brûlant.

  • STÉRILITÉ PARTAGÉE    Chapitre 9 : Mensonge 3

    LeïlaIl s’était tourné vers moi alors. Dans la pénombre, je voyais la lueur humide de ses yeux.— Il y a des traitements. Des médecins. On essayera. Sinon… il y a d’autres moyens. La science avance.C’était flou, vague, désespéré. C’était son plan : l’espoir et le secret. Me prendre dans son naufrage et m’ordonner de ramer en souriant.Je m’étais levée, en proie à une crise de nerfs silencieuse. J’avais arpenté la chambre, serrant mon peignoir autour de moi comme une armure.— Je veux rentrer. Je ne peux pas rester ici.— Leïla, s’il te plaît… Ne fais pas de scandale. Pense à nos familles. À la honte.LA HONTE. Déjà, ce mot. Son leitmotiv. Sa prison. Et il voulait m’y enfermer avec lui.— C’est toi qui devrais avoir honte ! De m’avoir piégée !La suite de la lune de miel avait été un cauchemar éveillé. Deux spectres se croisant dans un décor de carte postale. Je pleurais en cachette. Lui se renfermait, buvait, évitait mon regard. Le mensonge était scellé. Et avec lui, ma condamnation

  • STÉRILITÉ PARTAGÉE    Chapitre 8 : Mensonge 2

    LeïlaPuis vint la nuit de noces. Dans une suite luxueuse d’un hôtel de la ville. Je tremblais, d’excitation, de peur, de désir contenu. J’attendais. Lui était étrangement silencieux. Il avait bu un whisky, puis un autre. Il tournait dans la pièce, évitant mon regard.— Tu es fatiguée ? avais-je fini par demander, la voix mal assurée.— Un peu, oui. C’était… éprouvant, ces jours de fête.Il était venu s’asseoir près de moi sur le lit. Il avait pris ma main. Ses doigts étaient glacés.— Leïla, il y a quelque chose… Je ne suis pas… très expérimenté.J’avais souri, rassurée. Moi non plus. C’était normal.— Ça ne fait rien. On apprendra ensemble.Il avait hoché la tête, l’air sinistre. Puis il avait tenté de m’embrasser. Un baiser maladroit, fuyant. Ses mains sur mes épaules étaient rigides. Il avait éteint la lumière. Dans le noir, ses gestes étaient hésitants, presque craintifs. Il se concentrait, je le sentais. Trop. Il retenait son souffle. Rien ne se passait. Rien. Après de longues,

続きを読む
無料で面白い小説を探して読んでみましょう
GoodNovel アプリで人気小説に無料で!お好きな本をダウンロードして、いつでもどこでも読みましょう!
アプリで無料で本を読む
コードをスキャンしてアプリで読む
DMCA.com Protection Status