LOGINCarla, restauratrice perfectionniste et célibataire endurcie, organise un dîner test crucial pour obtenir une étoile au guide gastronomique. Le seul critique disponible à la dernière minute est Mathis, célèbre pour ses papiers mordants… et son excentricité légendaire. Le dîner vire au fiasco burlesque : le sommelier se prend pour un danseur de tango, le soufflé s’effondre dramatiquement et Mathis semble plus intéressé par la coupe de cheveux du commis que par le homard. Furieuse et désespérée, Carla décide de le prendre à part dans l’office pour le… convaincre autrement. S’ensuit une joute verbale électrique, un baiser qui les surprend autant qu’un soufflé qui monte, et des ébats aussi passionnés qu’improbables parmi les sacs de farine et les casseroles, sous l’œil scandalisé d’un portrait de grand-mère. Le lendemain, la critique paraît : « Un restaurant où l’on mange avec les doigts… et le reste. Une expérience sensorielle inoubliable. » Et en PS : « La chef est libre samedi soir ? »
View MoreCARLA
La pointe de mon couteau d’office s’enfonce dans le citron avec un petit schlick satisfaisant. Acide. Net. Comme l’état d’esprit requis pour survivre à ce soir. Je jette un œil au miroir sans tain qui sépare ma cuisine de la salle. Un calme trompeur y règne. Nappes blanches impeccables, argenterie étincelante, bougies déjà allumées pour créer cette ambiance feutrée et chaleureuse dont raffolent les guides. Tout est parfait. Et c’est précisément ce qui me terrifie. Le parfait, c’est comme un soufflé : ça peut s’effondrer d’un seul souffle.
— Chef ? Le vin pour l’amuse-bouche est en temp’, annonce Antoine, mon second, d’une voix qu’il voudrait posée mais que je perçois tendue comme la peau d’un tambour.
Je hoche la tête, sans cesser de ciseler la ciboulette en brunoise si fine qu’elle en devient vapeur verte entre mes doigts. Mon regard revient à l’horloge au-dessus de la porte. 19h48. Dans douze minutes, il sera là. Mathis Lambert. Le critique le plus craint et le plus adulé de la région. Celui dont la plume peut vous graver dans le marbre d’un éloge mythique ou vous transpercer le cœur d’une métaphore assassine. Il a choisi mon restaurant, L’Éclat, pour son prochain papier. L’étoile Michelin frôle mes doigts, je la sens. Mais elle pourrait tout aussi bien se transformer en lame de rasoir.
19h55. La porte d’entrée s’ouvre dans un léger carillon. Mon estomac se serre, devient un nœud de tension pure. Je m’essuie les mains sur mon tablier, prends une profonde inspiration, et franchis la porte battante.
Il est déjà assis. Pas à la table que je lui avais réservée, au centre, sous la meilleure lumière. Non. Il s’est installé dans un coin, le dos à la majeure partie de la salle, près de la sortie des toilettes. Stratège. Ou simplement sadique. Je m’approche, un sourire professionnel figé sur les lèvres.
— Monsieur Lambert, bienvenue à L’Éclat. C’est un honneur.
Je le regarde. Vraiment. Et ma première pensée est : ce n’est pas possible. Sur les photos, il a toujours l’air d’un intellectuel sec, empesé. L’homme devant moi porte un costume trois-pièces… en velours bordeaux. Sa chemise est ouverte d’un bouton de trop, révélant une chaîne en argent avec un pendentif qui a la forme d’une petite fourchette. Ses cheveux, d’un châtain désordonné, semblent avoir été coiffés par un vent contraire. Mais ses yeux… Ses yeux sont d’un gris acier perçant, et ils me parcourent des pieds à la tête avec une lenteur délibérée, comme s’il évaluait la qualité de ma tenue de chef, la résistance de mon tablier, la fermeté de…
— Carla. Enchanté. L’honneur est partagé, murmure-t-il. Sa voix est plus grave que je ne l’imaginais, avec une rondeur presque caressante qui contredit totalement la sécheresse de ses écrits.
Il ne me lâche pas du regard. Un frisson me parcourt l’échine. De colère ? D’autre chose ? Je ne sais pas.
— J’espère que le menu dégustation saura vous plaire. Nous avons…
— La carte, l’interrompt-il avec un sourire en coin. Je préfère choisir. Me surprendre, vous surprendre. L’alchimie, vous voyez ?
L’alchimie. Je vois surtout mon planning de service minutieux s’envoler en fumée. Je garde le sourire, les muscles de mes mâchoires douloureux.
— Bien sûr. Antoine vous l’apportera.
Le service commence. Et avec lui, la descente aux enfers burlesque.
Premier acte : Antoine, mon sommelier, en présentant le bourgogne aligoté, se met à faire des moulinets avec le verre de dégustation comme s’il s’agissait d’un partenaire de tango. Je le vois, pétrifiée derrière ma vitre, incapable d’intervenir. Mathis Lambert l’observe, l’air fasciné, un sourcil imperceptiblement levé. Il goûte le vin, hoche la tête d’un air entendu, puis murmure quelque chose qui fait pâlir Antoine. Je n’entends pas, mais je devine.
Acte deux : le soufflé au fromage de chèvre et aux herbes fraîches. Mon orgueil. Ma signature. Je le sors du four, il est magnifique, doré, gonflé à la perfection. Je le pose sur le passe, le cœur battant. C’est à ce moment-là que le nouveau commis, Pierre, pressé de m’impressionner, fonce vers la salle en trébuchant sur un torchon mal rangé. Il ne tombe pas. Mais son bras, dans un mouvement de balancier épique, frôle le plat. Le soufflé oscille. Lentement, tragiquement, il s’affaisse sur lui-même avec un petit soupir mou, se transformant en une flaque digne et jaunâtre.
MATHISFinalement, à l'aube, épuisé, hanté par son visage entre extase et fureur, j'écris la seule vérité qui me reste. Celle qui est née avant même de la toucher, quand je l'ai vue marcher vers ma table, droite, déterminée, magnétique dans sa colère.L'article est court. Brut. Il ne parle presque pas de nourriture. Il parle d'une femme, d'un restaurant, d'une expérience qui dépasse l'assiette. Je l'envoie à mon rédacteur en chef sans même le relire.Puis je m'effondre sur mon lit, les draps froids. Et je rêve de sacs de farine qui respirent, de soufflés qui se relèvent, et de doigts couverts de fromage traçant des chemins sur une peau chaude.---CARLA---Le service est terminé. Le dernier client est parti. La cuisine est silencieuse, propre, métallique. Une cathédrale vide après l'orage. Mes mains, habituellement infatigables, tremblent légèrement en essuyant le dernier plan de travail. Le silence est pire que le bruit. Il laisse de la place aux pensées.Antoine range les verres en
MATHISJe regagne ma table comme on sort d'un naufrage. Les jambes molles, le souffle encore court, la tête bourdonnante du vacarme intérieur laissé par cette tempête. Le velours de mon costume est fripé, ma chemise sent la farine et son parfum - un mélange de savon à l'herbe et de transpiration salée. Carla. Partout.Je m'effondre sur la chaise, les doigts serrant le bord de la nappe blanche comme une bouée. La salle semble avoir pivoté d'un degré pendant mon absence. Les murmures des autres convives me parviennent étouffés, comme à travers de l'eau. La bougie a coulé, formant une cascade figée de cire sur le bougeoir. Réalité.Qu'est-ce que tu viens de faire, Lambert ?La question tonne en moi, mais étrangement, elle ne porte pas le poids de la culpabilité. Plutôt l'écho étourdissant d'un séisme. J'ai passé ma vie à disséquer les expériences, à les mettre en mots. À contrôler le récit. Là, dans cette réserve puante, il n'y a eu aucun récit. Seulement des sensations brutes, incontrôl
CARLAMa chute le précipite. Il enfouit son visage dans mon cou, étouffant son propre grondement de bête contre ma peau. Je sens son corps se raidir, puis être parcouru de tremblements convulsifs. La chaleur qui m’inonde achève de me consumer de l’intérieur.Pendant un long moment, il n’y a plus que le son de notre respiration haletante qui se calme peu à peu, mêlée au clignotement obstiné du néon. Le poids de son corps contre le mien est écrasant, réel, ancré. La folie se retire, laissant place à une lourde torpeur et à la conscience aiguë, glaciale, de l’endroit où nous sommes et de ce que nous venons de faire.Il se redresse le premier, ses mains se posant de chaque côté de ma tête contre le sac de farine. Son regard parcourt mon visage, mes cheveux en désordre, mes lèvres gonflées, avec une intensité nouvelle, presque contemplative.— Eh bien, dit-il enfin, sa voix encore empreinte de rauque. Voilà un dessert qui n’était pas sur la carte.Le choc de ses mots, le retour à la réalit
CARLALe temps s’est détraqué. Il ne coule plus, il pulse au rythme saccadé de mon cœur contre sa poitrine. Chaque battement est un coup de tambour sourd dans la pénombre poussiéreuse de la réserve. Le néon clignotant scande notre folie en stroboscope, gelant des images furtives : ses mains sur ma peau, l’arc de mon dos, l’éclat fiévreux de son regard gris.Il a fait glisser mon pantalon de chef, le lourd tissu coton tombant en tas autour de mes chevilles. L’air frais de la pièce me cingle les cuisses. Puis ses mains sont là, chaudes, fermes, remontant le long de mes mollets, de l’intérieur de mes genoux, pour s’arrêter, doigts enfouis dans la dentelle de ma culotte. Un gémissement rauque m’échappe, que j’étouffe en mordant ma propre lèvre. Je sens le sourire contre mon cou.— Silence, Chef, murmure-t-il, ses lèvres vibrantes contre mon lobe. Les murs ont des oreilles… et votre équipe, des yeux.L’idée qu’on puisse nous entendre, nous voir, devrait me glacer, me ramener à la raison. A


















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