เข้าสู่ระบบDepuis ce matin, tout semblait suspendu dans un silence étrange.
La mer, d’ordinaire agitée, restait lisse comme un miroir. Les rues de Valmère, habituellement animées, étaient presque désertes. Même le vent semblait retenir son souffle. Je n’arrivais pas à me concentrer sur autre chose que cette phrase, celle écrite par Gabriel dans son carnet : “À minuit, la mer rendra ce qu’elle a pris.” Chaque fois que je la relisais, une angoisse nouvelle s’emparait de moi. Et si Gabriel avait prévu quelque chose ? Et si, cette fois encore, la mer devait engloutir plus que des souvenirs ? Je passai la journée à errer dans ma chambre, incapable de trouver le repos. À chaque tic-tac de l’horloge, je sentais la tension grandir. J’essayai d’appeler le dispensaire, la police du port, même l’entreprise navale… personne ne semblait savoir où se trouvait Gabriel. Comme s’il s’était évaporé. En fin d’après-midi, je décidai d’aller jusqu’à la falaise. De là-haut, on voyait toute la baie, et la jetée où tout avait commencé. Le soleil déclinait lentement derrière les nuages, teintant la mer d’une lueur cuivre et or. Je me sentis étrangement apaisée, pour la première fois depuis des jours. J’étais sur le point de repartir quand une ombre bougea au loin, sur la jetée. Quelqu’un était là. Je sortis mes jumelles — vestige de mon père, que je gardais toujours dans mon sac. Et mon cœur fit un bond. Gabriel. Je n’en croyais pas mes yeux. Il marchait lentement, comme s’il mesurait chaque pas, un sac à la main. Je le suivis du regard jusqu’à ce qu’il disparaisse derrière les rochers. Sans réfléchir, je courus jusqu’à ma voiture. Quelques minutes plus tard, j’étais au port. La nuit tombait. L’air sentait la pluie et le sel. Je descendis de la voiture, claquai la portière, et m’élançai sur le quai. Le vent s’était levé, froid, coupant. Au loin, j’aperçus la silhouette de Gabriel, penché au-dessus de l’eau. Je m’approchai en silence, le cœur battant à tout rompre. — Gabriel ! Il se retourna brusquement. Son visage était pâle, ses vêtements trempés. Mais ses yeux… ses yeux brillaient d’une lueur étrange, presque déterminée. — Tu n’aurais pas dû venir, Éléna. — Tu crois vraiment que j’allais rester là sans rien faire ? Il serra le sac contre lui, nerveux. — Il y a des choses que tu ne comprends pas encore. — Alors explique-moi ! Il détourna le regard, fixant la mer. — Cette ville… tout ce qu’elle cache… ton père, moi, l’accident… Ce n’était pas un simple sabotage. — Quoi ? Il inspira profondément. — C’était une couverture. On a fait croire à un effondrement, mais ce qu’ils voulaient détruire, c’était les registres. Les plans. Les preuves. — Les preuves de quoi ? — D’un trafic, Éléna. D’argent sale, de contrats truqués, de matériaux dangereux. Ton père a voulu tout dénoncer, mais il a compris trop tard qu’il était déjà surveillé. Je sentis mes jambes vaciller. — Tu dis que mon père… savait ? — Oui. Et il a choisi de se taire pour te protéger. Je reculai d’un pas. Tout mon corps tremblait. — Et toi ? — Moi, j’ai fui. Parce que j’étais complice malgré moi. Le vent redoubla. Les vagues frappaient les rochers en contrebas. Je voulais crier, mais aucun son ne sortit. Il fit un pas vers moi, tendant la main. — Éléna, je ne suis pas revenu pour fuir encore. Ce soir, la mer rendra ce qu’elle a pris… les preuves. Il ouvrit le sac. À l’intérieur, des dossiers, des disques durs, des papiers scellés dans du plastique. — Tout ce qu’ils avaient essayé de faire disparaître. J’ai tout retrouvé au fond du port. Je le fixai, abasourdie. — Et maintenant ? — Maintenant, je vais tout remettre à la presse. À minuit. Un éclair illumina le ciel. Le tonnerre gronda aussitôt, tout proche. La pluie se remit à tomber, violente, froide. Je voulus l’arrêter, lui dire d’attendre, de réfléchir, mais il se pencha déjà pour fermer le sac. Soudain, un bruit derrière nous. Un claquement sec, métallique. Je me retournai. Un homme se tenait à l’entrée de la jetée, une arme à la main. — Vous ne remettrez rien du tout, Fournier. Je reconnus aussitôt la voix. Celle du mystérieux inconnu du chantier. Gabriel se plaça instinctivement devant moi. — Éléna, recule. Le vent hurlait, la pluie fouettait nos visages. L’homme fit un pas, puis un autre, jusqu’à ce que je distingue enfin son visage. Je sentis le sang se glacer dans mes veines. — Non… ce n’est pas possible… C’était le maire de Valmère. L’ami de mon père. Celui qui avait organisé la cérémonie en son honneur. — Vous auriez dû rester loin de tout ça, dit-il calmement, comme s’il me grondait. Votre père savait tenir sa langue. Gabriel serra les poings. — Il a tenu sa langue parce que vous l’avez obligé ! L’homme leva son arme. — Et je ferai de même avec toi. Tout se passa très vite. Un coup de feu. Un cri. La pluie éclata sur le bois de la jetée. Je tombai à genoux, le cœur au bord de l’explosion. Devant moi, Gabriel chancela, une main sur son épaule ensanglantée. Le sac glissa de ses doigts et tomba dans l’eau. — Non ! criai-je. Je me précipitai, mais il me repoussa faiblement. — Fuis, Éléna… pars maintenant. Je refusai de bouger. — Pas sans toi ! L’homme avançait, lentement, l’arme toujours levée. Je reculai, tirant Gabriel vers moi, mais mes mains tremblaient trop. Puis, soudain, la mer se souleva. Une vague immense, venue de nulle part, frappa la jetée avec une force terrifiante. Tout bascula. Je sentis l’eau glacée m’engloutir, le cri de Gabriel se mêler au grondement des vagues, et puis… plus rien. Silence. Quand j’ouvris les yeux, je n’étais plus sur la jetée. J’étais sur le sable, trempée, les cheveux collés au visage. La tempête avait cessé. La mer, à nouveau, semblait calme. Je me redressai lentement, cherchant Gabriel du regard. Personne. Seulement une forme sombre, à moitié enfouie dans le sable : le sac. Je m’en approchai, tremblante. Il était ouvert. À l’intérieur, un seul dossier restait intact, scellé dans un plastique transparent. Sur la couverture, quelques mots tracés à la main : “Pour Éléna – quand viendra minuit.” Je levai les yeux vers l’horizon. L’horloge du phare indiquait 23 h 59. Et dans le souffle du vent, j’entendis à nouveau cette voix familière, presque irréelle : “Ne laisse plus personne t’empêcher de savoir.” Le dernier battement de l’horloge sonna minuit. Et quelque part, au large, une lumière s’alluma sur l’eau…Le monde avait changé.Et pourtant, rien n’avait vraiment bougé.Les pierres étaient toujours là.Les ruelles, les places, les visages familiers.Mais tout semblait… respirer. Lentement, paisiblement, comme si la terre elle-même dormait sous un drap de vent.Lysandre errait dans Valmère, les yeux ouverts mais absents.Il ne parlait plus à personne.Les gens le saluaient, le regard doux, presque reconnaissant, sans comprendre pourquoi.Ils le sentaient — ils savaient, confusément, qu’à travers lui, quelque chose de sacré avait passé.Il s’arrêtait souvent sur la place centrale, là où la silhouette d’Éléna s’était dissipée.Le matin, une brume légère s’y formait toujours, dessinant parfois les contours d’un visage.Mais jamais assez net pour qu’il puisse y croire.Parfois, il murmurait :— Éléna, si tu es là… donne-moi un signe.Et le vent soufflait un peu plus fort.Toujours.Mais il ne savait plus si c’était une réponse… ou un souvenir.Chaque nuit, il rêvait d’elle.Pas de son corps,
Au matin, Valmère se réveilla dans une lumière étrange.Les toits miroitaient comme sous un voile de rosée.Mais ce n’était pas de l’eau.C’était de la brume.Une brume tiède, respirante, qui s’infiltrait partout.Les habitants disaient sentir une présence dans l’air — pas hostile, mais intime, presque bienveillante.Certains pleuraient sans savoir pourquoi.D’autres riaient soudain, pris d’une joie inexplicable.La ville entière semblait rêver éveillée.Lysandre, lui, ne dormait plus.Il errait dans les rues, pieds nus, la peau nue au vent.Chaque pas, chaque respiration, faisait vibrer le monde autour de lui.Le souffle d’Éléna était là, dans chaque fibre, chaque battement. Tu sens ? murmurait-elle en lui. Ils respirent comme nous maintenant.— Oui. Mais est-ce bien ? C’est la suite. Ce que nous avons créé n’appartient plus qu’à nous.Il leva les yeux.Le ciel semblait descendre, lentement, vers la terre.Les nuages touchaient presque les tours.On aurait dit que le monde entier v
Depuis plusieurs jours, le vent ne dormait plus.Il murmurait sans cesse, même la nuit, même dans les rêves.Il entrait par les fenêtres, s’enroulait autour des visages, s’attardait sur les lèvres.Et parfois, dans ce souffle sans fin, la voix d’Éléna s’effilochait. Lysandre… est-ce que tu m’entends encore ?Toujours.Mais sa voix devenait plus ténue, comme si elle parlait à travers mille échos.— Éléna, reste avec moi. J’essaie. Mais le vent m’emporte. Chaque jour un peu plus.Il sentit une douleur familière dans sa poitrine, une brûlure lente.Depuis qu’elle s’était fondue en lui, son souffle n’était plus tout à fait le sien.Parfois, il avait l’impression qu’ils respiraient à contretemps — qu’elle inspirait quand il expirait, et inversement.Comme deux âmes qui cherchent à se rejoindre sans jamais s’accorder.Il marcha dans la ville silencieuse.Les rues étaient redevenues vivantes, mais quelque chose manquait : les rires, la chaleur humaine.Valmère respirait, oui… mais d’un sou
Le matin revint, mais il n’avait plus la même odeur. Ni celle de la pierre, ni celle du sel. C’était un air neuf, plus dense, presque vivant. Chaque respiration semblait avoir un poids, une mémoire. Lysandre ouvrit les yeux au pied du clocher. Le ciel était pâle, lavé de tout orage. Le corps d’Éléna n’était plus là. Seule sa robe, pliée contre la pierre, flottait doucement sous la brise. Il tendit la main, effleura le tissu. Un frisson le traversa — la sensation d’une chaleur humaine, fugitive. Et puis, une voix. Pas extérieure. Intérieure. Lysandre… respire doucement. Je suis là. Il sursauta, porta la main à sa poitrine. Son cœur battait vite. — Éléna ? Oui. Ou ce qu’il en reste. — Que t’es-tu fait ? Rien. Je suis devenue ton souffle. Tu m’as retenue, et le vent m’a suivie. Nous partageons le même air, maintenant. Il ferma les yeux, la gorge nouée. Chaque inspiration était emplie d’elle : sa voix, son parfum, sa présence. C’était doux, mais insupportable. Com
Le vent retomba, aussi soudainement qu’il s’était levé.Le silence s’abattit sur Valmère, pesant comme une couverture de plomb.Lysandre courut vers Éléna, étendue sur les pavés, son corps irradiant une lueur dorée vacillante, pareille à une flamme mourante.— Éléna ! cria-t-il en se jetant à genoux.Elle ouvrit les yeux, mais ne le voyait pas vraiment.Ses pupilles se dilataient et se contractaient, comme si deux mondes s’y affrontaient.— Il… il est en moi, murmura-t-elle. Le vent… il cherche à se souvenir.Lysandre prit sa main.Elle était glacée, presque transparente sous la lumière.Il sentait le souffle frémir dans sa peau, battre à un rythme différent du sien.— Tiens bon, Éléna. Écoute-moi. Reste ici, avec moi.— Si je reste… il me tuera. Si je pars… tu m’oublieras.Son cœur se serra.Autour d’eux, la ville endormie vibrait doucement, comme si chaque pierre respirait au même tempo qu’elle.Le vent tournoyait à peine, mais chaque brise murmurait son nom. Éléna… Éléna… Éléna…I
Le monde semblait tenir son souffle.Valmère, figée sous une lumière immobile, paraissait coupée du temps.Et dans cette immobilité parfaite, Lysandre regardait la femme devant lui —celle qu’il avait tant aimée, tant pleurée, tant cherchée dans les murmures du vent.Éléna.Ou ce qui semblait être elle.Ses yeux d’or luisaient d’une clarté douce, presque irréelle.Sa peau, diaphane, laissait deviner comme un frémissement intérieur, un mouvement de lumière sous l’épiderme.Mais quand elle sourit, ce fut le même sourire.Celui qu’il connaissait mieux que le sien.— Tu es revenue, souffla-t-il, incapable de croire à la réalité.— Ai-je jamais vraiment quitté ce monde ? répondit-elle.Sa voix était une caresse, un mélange de vent et de chair, d’écho et de chaleur.Elle approcha d’un pas, tendit la main, et ses doigts effleurèrent la joue de Lysandre.Une chaleur douce le traversa, suivie d’un fris







