เข้าสู่ระบบLe vent hurlait comme un animal blessé.
La route menant au phare était à moitié ensevelie sous les débris de la nuit : des branches brisées, des flaques boueuses, des morceaux d’ardoise arrachés aux toits. Chaque pas que je faisais semblait me rapprocher un peu plus de quelque chose d’interdit — une vérité enfouie dans les pierres, ou peut-être dans ma propre mémoire. La lumière du phare clignotait par intervalles, comme un battement de cœur irrégulier. Une fois, deux fois… puis l’obscurité. Et à chaque retour de la lueur, j’avais l’impression qu’elle me fixait, qu’elle m’appelait. Le portail métallique était entrouvert, grinçant à chaque rafale. J’hésitai un instant. Une voix en moi me suppliait de faire demi-tour, de rentrer à la maison, de laisser ce dossier pour la police ou pour Sofia. Mais je savais que je ne pourrais pas. Tant que je ne saurais pas ce que Gabriel avait voulu me dire, je ne trouverais ni repos, ni paix. Je poussai la grille. Elle gémit comme une plainte humaine. L’escalier de pierre menant à l’entrée principale était couvert d’algues sèches et de sable. Je montai lentement, les doigts crispés sur la rambarde glacée. Chaque pas résonnait dans la nuit, amplifié par le silence autour. Devant la porte, un cadenas pendait, brisé. Quelqu’un était déjà entré. Je sortis mon téléphone pour éclairer l’intérieur. La lampe vacillait, révélant des murs humides, des traces d’eau, et au sol, des papiers éparpillés comme des feuilles mortes. Une odeur de sel, de métal et de moisissure emplissait l’air. Je refermai la porte derrière moi. Le bruit du vent s’atténua aussitôt, remplacé par le craquement du bois et le bourdonnement sourd du générateur. Le phare était vivant — ou plutôt, il respirait encore à travers ses murs fissurés. Sur la table, un carnet était ouvert. Des lignes griffonnées à la hâte, illisibles par endroits : “Minuit. Si elle lit ça, c’est qu’ils m’ont trouvé. Ne fais confiance à personne.” “La clé est sous la marche.” Je sentis mon souffle s’arrêter. Je baissai les yeux vers l’escalier en colimaçon. Sous la troisième marche, un morceau de bois semblait légèrement décollé. Je m’agenouillai, le cœur battant. Mes doigts tremblaient tandis que je soulevais la planche. Un petit étui métallique apparut. À l’intérieur : une clé USB. Et une feuille pliée en quatre. “Éléna, si tu lis ces mots, c’est que j’ai échoué à tout te dire en personne. Le dossier n’est qu’un leurre. Ce qu’ils cachent va bien au-delà. Rejoins le phare à minuit, seule. Tu comprendras.” Mon cœur se serra. C’était bien son écriture. Gabriel. Mais il y avait autre chose. Une tache brunâtre sur le papier. Du sang ? Je me redressai brusquement, les sens en alerte. Un craquement retentit à l’étage. Je levai les yeux. La lumière du téléphone trembla dans ma main. — Il y a quelqu’un ? Aucune réponse. Seulement le sifflement du vent filtrant par une fissure. Je montai lentement l’escalier, chaque marche grinçant sous mon poids. La lumière du phare, projetée par la lentille tournante, balayait parfois la pièce, m’éblouissant, puis disparaissait à nouveau. Mon ombre dansait sur les murs comme une présence étrangère. Au sommet, la salle circulaire du phare s’étendait devant moi. Le sol était couvert de feuilles, de papiers, de câbles. Au centre, la grande lentille tournait paresseusement, projetant son faisceau sur la mer déchaînée. Et là, sur le rebord de la rambarde, une silhouette. Je sursautai. L’homme était immobile, dos tourné, un manteau sombre battu par le vent. Son visage restait dissimulé dans l’ombre. — Qui êtes-vous ? criai-je, la gorge sèche. Aucune réponse. Je fis un pas en avant, puis un autre. La silhouette tourna lentement la tête vers moi. Un éclair zébra le ciel, illuminant la pièce une seconde — assez pour que je distingue un visage à moitié dissimulé par une cicatrice. — Vous n’auriez jamais dû venir ici, dit-il d’une voix grave. Je reculai instinctivement. — Où est Gabriel ?! Il ne répondit pas tout de suite. Ses yeux, d’un gris presque translucide, me fixaient avec une intensité dérangeante. Puis il glissa la main dans sa poche et sortit un objet : un téléphone cassé, recouvert de sel. — C’est tout ce que nous avons retrouvé, dit-il en me le tendant. Je reconnus aussitôt la coque — bleue, éraflée — celle de Gabriel. — Il est vivant ? demandai-je, la voix tremblante. — Je ne peux pas répondre à ça. Mais s’il t’a laissée venir jusqu’ici, c’est qu’il avait confiance en toi. Et qu’il savait qu’ils te surveilleraient. Je fronçai les sourcils. — Qui “ils” ? Un sourire sans joie étira ses lèvres. — Ceux qui possèdent la mer. Ceux qui décident de ce que Valmère doit oublier. Je ne comprenais plus rien. — Pourquoi moi ? — Parce que ton père a voulu dénoncer ce qu’ils faisaient. Parce qu’il a refusé de se taire. Et parce que Gabriel a repris le flambeau. Je sentis mes jambes se dérober. — Mon père… il savait ? L’homme s’approcha lentement, tendant la main vers moi. — Prends ça. Et garde-la en sécurité. Il déposa dans ma paume une petite carte mémoire, minuscule, presque insignifiante. — Ce que tu trouveras dessus… changera tout. Avant que je puisse répondre, il fit un pas en arrière, puis un autre. — Attendez ! Qui êtes-vous ? Mais il ne répondit pas. Il se fondit dans l’ombre de l’escalier, et quand je descendis à mon tour, il avait disparu. Dehors, la tempête reprenait force. Je regagnai ma voiture, trempée, les mains glacées autour de la clé USB et de la carte mémoire. J’avais envie de hurler, de tout arrêter, mais quelque chose en moi — un instinct ancien, presque animal — me disait que reculer maintenant serait signer ma perte. Je mis le contact. La voiture démarra dans un grondement rauque. Le phare, derrière moi, lançait encore sa lumière intermittente, comme un œil géant qui refusait de se fermer. De retour chez moi, j’allumai l’ordinateur. L’écran mit un temps infini à s’ouvrir, comme s’il savait lui aussi ce que j’étais sur le point de découvrir. Je branchai la clé USB. Un dossier unique apparut : “VLM_CONFIDENTIEL_2023”. Je cliquai. Des dizaines de fichiers, de vidéos, de rapports internes. Des photos d’entrepôts, de camions, de fûts marqués du symbole toxique. Des plans du port, avec des zones rouges entourées à la main. Et puis… une vidéo. Datée de la veille. Je la lançai, le souffle coupé. Gabriel apparaissait à l’écran, filmé de près. Son visage était tendu, ses yeux brûlaient d’une fièvre étrange. — Si tu vois ça, Éléna, c’est qu’ils m’ont trouvé avant que je puisse partir. Le dossier que je t’ai laissé n’est qu’un appât. La vérité est ici. Sur la mer. Va au vieux hangar. Celui qui porte encore les initiales de ton père. Et surtout… fais vite. Ils arrivent. L’image se coupa brutalement. Un grésillement. Puis l’écran devint noir. Je restai figée devant l’ordinateur. Mon reflet tremblait sur la vitre. Le silence de la maison semblait soudain trop lourd, trop conscient. Et alors, un bruit. Un clic sec, juste derrière moi. Je me retournai d’un bond. La porte d’entrée venait de s’ouvrir lentement, sans que je ne l’aie touchée. Une silhouette sombre se t enait sur le seuil, immobile. — Bonsoir, Éléna, dit une voix que je reconnus aussitôt. Une voix que je croyais perdue à jamais. Je reculai d’un pas, incapable de respirer. — Gabriel ?Le monde avait changé.Et pourtant, rien n’avait vraiment bougé.Les pierres étaient toujours là.Les ruelles, les places, les visages familiers.Mais tout semblait… respirer. Lentement, paisiblement, comme si la terre elle-même dormait sous un drap de vent.Lysandre errait dans Valmère, les yeux ouverts mais absents.Il ne parlait plus à personne.Les gens le saluaient, le regard doux, presque reconnaissant, sans comprendre pourquoi.Ils le sentaient — ils savaient, confusément, qu’à travers lui, quelque chose de sacré avait passé.Il s’arrêtait souvent sur la place centrale, là où la silhouette d’Éléna s’était dissipée.Le matin, une brume légère s’y formait toujours, dessinant parfois les contours d’un visage.Mais jamais assez net pour qu’il puisse y croire.Parfois, il murmurait :— Éléna, si tu es là… donne-moi un signe.Et le vent soufflait un peu plus fort.Toujours.Mais il ne savait plus si c’était une réponse… ou un souvenir.Chaque nuit, il rêvait d’elle.Pas de son corps,
Au matin, Valmère se réveilla dans une lumière étrange.Les toits miroitaient comme sous un voile de rosée.Mais ce n’était pas de l’eau.C’était de la brume.Une brume tiède, respirante, qui s’infiltrait partout.Les habitants disaient sentir une présence dans l’air — pas hostile, mais intime, presque bienveillante.Certains pleuraient sans savoir pourquoi.D’autres riaient soudain, pris d’une joie inexplicable.La ville entière semblait rêver éveillée.Lysandre, lui, ne dormait plus.Il errait dans les rues, pieds nus, la peau nue au vent.Chaque pas, chaque respiration, faisait vibrer le monde autour de lui.Le souffle d’Éléna était là, dans chaque fibre, chaque battement. Tu sens ? murmurait-elle en lui. Ils respirent comme nous maintenant.— Oui. Mais est-ce bien ? C’est la suite. Ce que nous avons créé n’appartient plus qu’à nous.Il leva les yeux.Le ciel semblait descendre, lentement, vers la terre.Les nuages touchaient presque les tours.On aurait dit que le monde entier v
Depuis plusieurs jours, le vent ne dormait plus.Il murmurait sans cesse, même la nuit, même dans les rêves.Il entrait par les fenêtres, s’enroulait autour des visages, s’attardait sur les lèvres.Et parfois, dans ce souffle sans fin, la voix d’Éléna s’effilochait. Lysandre… est-ce que tu m’entends encore ?Toujours.Mais sa voix devenait plus ténue, comme si elle parlait à travers mille échos.— Éléna, reste avec moi. J’essaie. Mais le vent m’emporte. Chaque jour un peu plus.Il sentit une douleur familière dans sa poitrine, une brûlure lente.Depuis qu’elle s’était fondue en lui, son souffle n’était plus tout à fait le sien.Parfois, il avait l’impression qu’ils respiraient à contretemps — qu’elle inspirait quand il expirait, et inversement.Comme deux âmes qui cherchent à se rejoindre sans jamais s’accorder.Il marcha dans la ville silencieuse.Les rues étaient redevenues vivantes, mais quelque chose manquait : les rires, la chaleur humaine.Valmère respirait, oui… mais d’un sou
Le matin revint, mais il n’avait plus la même odeur. Ni celle de la pierre, ni celle du sel. C’était un air neuf, plus dense, presque vivant. Chaque respiration semblait avoir un poids, une mémoire. Lysandre ouvrit les yeux au pied du clocher. Le ciel était pâle, lavé de tout orage. Le corps d’Éléna n’était plus là. Seule sa robe, pliée contre la pierre, flottait doucement sous la brise. Il tendit la main, effleura le tissu. Un frisson le traversa — la sensation d’une chaleur humaine, fugitive. Et puis, une voix. Pas extérieure. Intérieure. Lysandre… respire doucement. Je suis là. Il sursauta, porta la main à sa poitrine. Son cœur battait vite. — Éléna ? Oui. Ou ce qu’il en reste. — Que t’es-tu fait ? Rien. Je suis devenue ton souffle. Tu m’as retenue, et le vent m’a suivie. Nous partageons le même air, maintenant. Il ferma les yeux, la gorge nouée. Chaque inspiration était emplie d’elle : sa voix, son parfum, sa présence. C’était doux, mais insupportable. Com
Le vent retomba, aussi soudainement qu’il s’était levé.Le silence s’abattit sur Valmère, pesant comme une couverture de plomb.Lysandre courut vers Éléna, étendue sur les pavés, son corps irradiant une lueur dorée vacillante, pareille à une flamme mourante.— Éléna ! cria-t-il en se jetant à genoux.Elle ouvrit les yeux, mais ne le voyait pas vraiment.Ses pupilles se dilataient et se contractaient, comme si deux mondes s’y affrontaient.— Il… il est en moi, murmura-t-elle. Le vent… il cherche à se souvenir.Lysandre prit sa main.Elle était glacée, presque transparente sous la lumière.Il sentait le souffle frémir dans sa peau, battre à un rythme différent du sien.— Tiens bon, Éléna. Écoute-moi. Reste ici, avec moi.— Si je reste… il me tuera. Si je pars… tu m’oublieras.Son cœur se serra.Autour d’eux, la ville endormie vibrait doucement, comme si chaque pierre respirait au même tempo qu’elle.Le vent tournoyait à peine, mais chaque brise murmurait son nom. Éléna… Éléna… Éléna…I
Le monde semblait tenir son souffle.Valmère, figée sous une lumière immobile, paraissait coupée du temps.Et dans cette immobilité parfaite, Lysandre regardait la femme devant lui —celle qu’il avait tant aimée, tant pleurée, tant cherchée dans les murmures du vent.Éléna.Ou ce qui semblait être elle.Ses yeux d’or luisaient d’une clarté douce, presque irréelle.Sa peau, diaphane, laissait deviner comme un frémissement intérieur, un mouvement de lumière sous l’épiderme.Mais quand elle sourit, ce fut le même sourire.Celui qu’il connaissait mieux que le sien.— Tu es revenue, souffla-t-il, incapable de croire à la réalité.— Ai-je jamais vraiment quitté ce monde ? répondit-elle.Sa voix était une caresse, un mélange de vent et de chair, d’écho et de chaleur.Elle approcha d’un pas, tendit la main, et ses doigts effleurèrent la joue de Lysandre.Une chaleur douce le traversa, suivie d’un fris







