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Chapitre 2: L'homme dans l'ombre

Author: TCm
last update Last Updated: 2025-06-30 03:53:07

Alba

Je me réveille en sursaut.

Un bruit. Léger. Comme un froissement de tissu. Ou peut-être… un souffle. Il fait encore nuit, mais une lueur pâle filtre par la fenêtre, dessinant des ombres mouvantes sur les murs. Mon cœur cogne. Il cogne comme si quelque chose venait d’entrer.

Je tends l’oreille. Rien. Juste le silence, épais comme une couverture humide.

Ce manoir est vivant. Il respire. Il écoute. Il attend.

Je me lève. Mes pieds nus glissent sur le parquet glacé. J’ouvre la porte en silence. Dans le couloir, une autre servante, Delia, passe furtivement, une lampe à la main.

— Delia ?

Elle sursaute, la lampe vacille.

— Tu m’as fait peur, souffle-t-elle.

— Tu as entendu quelque chose cette nuit ?

Elle hésite. Puis hoche la tête.

— Oui. Une voix. Une plainte… venue du mur derrière ma chambre.

— Tu crois que c’était… une illusion ?

Elle se penche, plus proche :

— Ici, il y a des choses qu’on ne nomme pas. Les plus anciennes filles t’en parleront jamais, mais… tout le monde entend.

Elle s’éloigne vite, sans un mot de plus.

Je retourne me coucher. Mais je ne dors pas. Je n’ose plus.

Le lendemain, les visages sont plus fermés que d’habitude. Même Liana, la plus jeune servante du manoir, ne me sourit pas. Au déjeuner, les chuchotements reprennent : La porte de la bibliothèque a été retrouvée entrouverte. Une silhouette noire sur la verrière.

Rael est posté à l’entrée du bureau de Luca.

Je m’approche de lui, sans réfléchir.

— Cette nuit…

Il m’interrompt d’un regard.

— Il y a des choses que tu ne dois pas chercher à comprendre.

— Et la porte ? Celle qui reste toujours fermée ?

Un éclair traverse son regard.

— Ne l’approche plus, Alba. Ce qui s’y trouve ne te laissera pas indemne.

— Alors dis-moi ce que c’est !

Il s’avance, tout près. Sa voix est presque un murmure :

— Parce que je sais ce que tu deviendras si tu vas trop loin.

Je le fixe. Quelque chose en lui se fissure. Une douleur ancienne, peut-être.

Plus tard, une des anciennes, Marika, m’attrape par le bras dans l’escalier de service.

— Ne lui parle pas trop, me glisse-t-elle en parlant de Rael.

— Pourquoi ?

— Il était comme toi, un jour. Curieux. Trop curieux. Puis Luca l’a marqué. Maintenant, il est à lui.

Je frissonne. Elle lâche mon bras et disparaît dans l’ombre du couloir.

En début de soirée, on vient me chercher. On me conduit au bureau de Luca Ferrelli.

Deux battants noirs. Poignées d’argent froid.

Je franchis le seuil.

Il est là. Parfaitement calme, assis derrière un bureau de marbre sombre. Le feu dans la cheminée danse, projetant des reflets rouges sur son visage.

— Alba, dit-il. Viens.

Je m’approche. Sur le bureau, un plateau de lettres, de documents, de verres à demi remplis. Il m’ordonne de tout trier. Je m’exécute.

— Tu n’as pas peur de moi, murmure-t-il, presque surpris.

Je ne réponds pas.

— Tu as grandi dans un orphelinat, oui ?

— Oui. Dans le nord.

— Aucun lien ? Aucune attache ?

— Non.

Son regard s’éclaire. Pas d’émotion. Juste un intérêt glacial.

— Tu vas rester ici. Ce manoir est à la fois ta prison… et ton salut.

Je relève les yeux.

— Pourquoi ?

Il se lève. Son ombre avale la lumière. Il marche vers moi, lentement.

— Tu crois que tu es ici par hasard ?

Ses doigts frôlent ma joue.

— Ce que j’ai convoqué ici m’appartient.

Je retiens mon souffle. Il recule, me laisse partir. Mais je sens que c’était un avertissement. Pas une rencontre.

Plus tard, je monte dans l’aile est. Une tâche confiée par Rael, ou peut-être une épreuve.

Les couloirs sont couverts de poussière, les portraits ici semblent me suivre du regard. Une atmosphère plus dense. Lointaine.

J’aperçois Mila, une autre servante, accroupie devant une porte entrouverte.

— Qu’est-ce que tu fais ? je chuchote.

Elle sursaute, recule :

— J’ai entendu une voix… Elle appelait quelqu’un. Un nom… Le tien, je crois.

Mon sang se glace.

Je m’approche. Le silence. Un silence troué. Comme si quelque chose avait disparu du monde.

— Alba…

Ce murmure me transperce.

On se fige. Puis Mila recule, attrape mon bras :

— On ne devrait pas rester ici.

On s’enfuit sans se retourner.

En revenant vers ma chambre, Rael m’attend. Adossé au mur, les bras croisés.

— Je t’avais dit de ne pas t’approcher.

— C’est toi qui m’as envoyée là-haut.

Il soupire. Longuement.

— C’était un test. Tu l’as entendu, n’est-ce pas ?

Je hoche la tête.

— Alors il est trop tard.

— Trop tard pour quoi ?

Il se redresse.

— Il t’a choisie.

Un silence tombe entre nous.

— Tu peux encore fuir. Par la serre. Ce soir. Une voiture t’attendra au-delà des bois.

Je le fixe.

— Pourquoi tu m’aides ?

— Parce que je t’ai vue… avant lui. Avant qu’il ne pose ses yeux sur toi.

Je tremble.

— Et si je reste ?

Ses yeux se durcissent.

— Alors… tu deviens l’une des siennes.

Je le dépasse. Je rentre. Je claque la porte derrière moi.

Et cette nuit-là, je rêve d’une cage. D’un loup aux yeux d’argent.

Et d’une voix qui murmure : Tu n’as jamais été libre.

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