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Chapitre 1

ผู้เขียน: nolwennfcr
last update ปรับปรุงล่าสุด: 2025-05-19 14:47:59

Catalina

Je sens encore la sueur de la nuit dans mon dos quand je pousse la porte du café.

C'est toujours la même odeur qui m'arrache une grimace : vieille graisse rance, serpillière humide et haleines de clients trop bavards. Même l'air ici pue la défaite.

Il est 6h42. Je suis en avance de dix minutes. Comme tous les matins. Pas parce que je veux bien faire. Mais parce que je sais ce qui m'attend si j'arrive pile à l'heure.

Mario.

Il est déjà là, accoudé au comptoir, clope au bec, tee-shirt trop serré sur sa panse de porc. Il me reluque dès que j'entre, comme si j'étais un morceau de viande mal emballé qu'il comptait ouvrir de force.

- Ah bah voilà l'étoile du jour. J'ai cru que t'avais crevé dans ton lit, princesse, me balance-t-il avec son sourire de hyène.

Je serre les dents.

- Bonjour Mario.

Il souffle sa fumée dans ma direction. Lentement. Délibérément. Comme s'il marquait son territoire.

- Fait froid dehors, non ? T'as les tétons qui pointent à travers ton pull. T'es pas un peu cochonne de sortir comme ça ?

Je ne réponds pas. Si je dis un mot, il enchaîne. Si je reste silencieuse, il jubile. Y'a pas d'issue. Juste des variantes d'humiliation.

Je passe derrière le comptoir. J'enfile mon tablier qui pue le café froid et la vieille friture. Il me colle à la peau comme une malédiction.

Il m'observe. Je le sens. Il mate mes fesses pendant que je range les gobelets. Il le fait tous les matins. Parfois, il "se cogne accidentellement" à moi. Parfois, il me murmure des trucs sales quand les clients sont pas là. Aujourd'hui, il décide d'en rajouter.

- Dis, Cata, tu sais que je t'ai rêvée cette nuit ? T'étais à quatre pattes sur le comptoir. Et tu criais mon nom.

Je me retourne. Lentement. Les yeux vides. Mon visage de marbre.

- Tu veux un café, Mario ?

Il éclate de rire. Il croit que c'est drôle. Il croit qu'il me domine.

Peut-être qu'il a raison.

Peut-être que je suis vraiment piégée ici, avec lui, avec ses regards qui traînent et ses mots qui salissent tout. J'ai besoin de ce taf. De cet argent. Même minable. Même sale.

Je serre les dents. Je serre les poings. Je serre tout ce qui me reste.

Le premier client entre. Un vieux type avec une casquette graisseuse et des mains tremblantes. Il commande son allongé comme chaque jour, sans un mot de plus. Lui, au moins, il me fout la paix.

Les suivants, moins.

Un type me demande si je suis "au menu". Un autre me glisse un billet dans le soutien-gorge en riant. Je le jette par terre. Mario l'a vu. Il me fusille du regard.

- On n'est pas en position de faire la difficile, Velásquez. Tu crois que ton cul mérite mieux, peut-être ?

Je me retourne brusquement.

- J'fais pas le trottoir. J'serre des cafés.

Il s'approche. Trop près. L'odeur de tabac froid et de sueur me file la gerbe.

- Dommage. Tu ferais fortune.

Et il repart, hilare.

Je me sens sale. Pas parce que j'ai fait quelque chose. Mais parce qu'on m'oblige à exister dans le regard des porcs. Parce qu'ici, on me regarde jamais pour ce que je suis. Seulement pour ce que je pourrais donner, ouvrir, offrir, malgré moi.

Midi arrive. Je fume une clope derrière la porte du stock. Cinq minutes. Cinq putains de minutes de silence, de solitude. Mon sweat est tâché de lait, mes cheveux sentent le gras. Je regarde mes mains. J'ai plus de vernis, plus de bague, plus rien. Juste les ongles rongés et les doigts abîmés.

Mario arrive sans prévenir. Il pousse la porte du stock et s'invite dans mon seul espace.

- C'est pas l'heure de pause, princesse.

Je recule d'un pas. Il est encore plus près. Je suis coincée entre lui et les étagères.

- Deux minutes, Mario. Je reprends.

Il sourit. Il aime quand j'ai peur. Il le sent. Comme les chiens sentent le sang.

- Tu pourrais me remercier, tu sais. Je te garde malgré ton sale caractère. Malgré ta grande gueule. D'autres, j'les aurais foutues dehors depuis longtemps.

Je ne dis rien. Il s'approche encore. Il tend la main, touche une mèche de mes cheveux.

- T'as des beaux cheveux, tu sais ça ?

Je ne bouge pas. J'ai envie de vomir.

Sa main descend. Je recule. Il sourit encore.

- Ce soir, tu fermes avec moi.

Ce n'est pas une question. C'est un ordre.

Je le regarde.

- Non je peux pas se soir.

Il rit.

- Et moi j'ai une envie de t'avoir pour moi toute seule ce soir. Tu veux garder ton poste, oui ou non ?

Il s'éloigne, satisfait. Comme un roi qui vient d'imposer son droit de cuissage.

Je m'effondre sur les cartons dès qu'il sort. Je retiens mes larmes. Pas parce que je suis forte. Mais parce que je ne veux pas qu'il les ait, lui.

La journée passe. Lentement. Comme un mauvais goût qui s'accroche au palais.

Le bruit, la sueur, les remarques, les gestes. Tout me colle à la peau.

Je regarde l'horloge toutes les cinq minutes. Elle me nargue.

16h17. 16h44. 17h02.

Mario me jette des regards réguliers, comme un prédateur qui attend l'instant parfait pour frapper. Je le sens impatient. Il fait mine de ranger, de passer l'aspirateur dans l'arrière-salle - ce qu'il fait jamais d'habitude. Il se prépare. À quoi ? J'ose pas imaginer.

À 18h, on ferme les portes aux clients. Le rideau de fer descend à moitié. Le genre d'ambiance qui t'enferme plus qu'elle ne protège.

Je suis seule avec lui. Seule.

Je commence à essuyer les tables. Il me regarde, accoudé au bar. Il boit une bière, les jambes écartées, son ventre déborde un peu de sa ceinture. Il sourit.

- T'as pas idée du nombre de fois où j't'ai imaginée à quatre pattes sur cette table, me balance-t-il.

Je serre le chiffon jusqu'à en blanchir les phalanges.

- T'sais quoi ? T'as beau faire ta dure, ta muette... j'suis sûr que t'as besoin d'un vrai mec. Pas de ces gamins qui mouillent leur caleçon rien qu'en te regardant.

Je continue d'essuyer. Je dis rien.

- T'en as déjà eu un vrai ? Hein, Cata ? T'as déjà eu quelqu'un qui t'a vraiment tenue ? Vraiment fait jouir ?

Je me retourne. Mon regard le fusille. Mais il s'en fout. Il rit.

- Putain t'as des yeux de feu, j'adore ça.

Il descend de son tabouret et s'approche.

- C'est pas un rencard, hein. J'te demande pas en mariage. J'te propose... un arrangement. Tu restes sage, tu fermes bien, t'es gentille... et moi je te file un bonus. Un vrai. De quoi t'acheter autre chose que des fringues de clodo.

Il pose sa main sur ma hanche. Je recule d'un coup sec. Il m'attrape le poignet.

- Joue pas à ça. Tu veux ce boulot ? Tu veux pas retourner nourrir ta droguée de tante à la petite cuillère dans votre cloaque de merde ?

Il serre plus fort.

Je me débats. Je me libère. J'ai la gorge nouée, mais mes yeux restent secs.

- Je vais nettoyer l'arrière-salle, je dis, d'une voix blanche.

Il me suit pas. Il rit.

- Vas-y. Garde ton petit cul bien au chaud. Mais on reparle de tout ça, princesse. J'te laisse digérer l'idée...

Je m'éloigne. Je claque la porte du fond derrière moi. Je m'écroule au sol.

Je tremble.

Je sais que c'est pas fini. Il va revenir. Peut-être pas ce soir. Peut-être demain. Mais il a mis un pied dedans. Et moi, j'ai plus de sortie de secours.

Il est 20h passées quand je sors du café.

J'ai nettoyé les tables, vidé les poubelles, récuré les chiottes. Tout ça en silence. Lui, il sifflotait en m'observant. Il m'a rien dit d'autre. Il a juste souri.

Ce genre de sourire qui colle à la peau pendant des heures.

L'air dehors est glacé. Je serre mon sweat contre moi. Mes doigts sont gelés. J'ai pas mangé depuis la veille. Mais j'ai plus faim. Juste mal. Partout.

Je rentre à pied. Les rues sont désertes. Les lampadaires clignotent. Un chien aboie au loin. Une sirène. Toujours elle. Encore. Ça ne s'arrête jamais.

Quand j'arrive, ma tante est étalée sur le canapé. Une seringue pas loin. Elle respire, à peine. Je la recouvre d'une couverture sale et je file dans ma chambre.

Je m'écroule sur le matelas. Habillée. Défaite. Brisée.

Je fixe le plafond. Il s'effrite. Comme moi.

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