Kayden
Je claque la portière de la Bentley toute neuve, trop brillante .
Et je reste là.
Sous cette foutue pluie battante qui noie Los Angeles comme si le ciel avait envie de chialer à ma place.
Derrière moi, Dev, mon agent, hurle quelque chose à travers la vitre entrouverte. Je l’ignore. Il parle trop. Et ce soir, je n'ai pas envie de l’entendre me répéter combien je suis précieux pour les sponsors, combien ma réputation est fragile, combien je dois « faire profil bas » après ce “petit débordement” avec l’autre actrice de télé-réalité en manque de buzz.
Qu’ils aillent tous se faire foutre.
Mon cœur cogne encore de la bagarre d’hier. J’ai ce goût de sang dans la bouche, mais ça n’a rien à voir avec mon adversaire. C’est moi. Mon poison , mon trop-plein.
Je suis en manque de quelque chose que je ne sais même pas nommer.
Je ferme les yeux et c’est là que je la revois.
La fille du fast-food.
Son regard tranchant , insolent. Impénétrable.
Putain, elle ne savait même pas qui j’étais . Ou alors elle s’en foutait royalement. C’est presque pire.
Une fille qui te regarde comme un homme, pas comme une star.
Je me suis repassé la scène toute la nuit . Ses doigts tachés de graisse sur son tablier. Sa voix grave, légèrement rauque, fatiguée. Et ce petit sourire en coin, quand elle m’a dit : "Et moi je suis Beyoncé, enchantée."
Je n’ai pas ri .
Mais mon cœur, lui, a fait un pas.
Je ne sais pas pourquoi j’y retourne. Ce fast-food est une blague, le genre de boui-boui que mes coéquipiers ne regarderaient même pas en passant à 100 à l’heure. Mais moi, j’y vais. Parce qu’elle y est.
Et que je veux comprendre.
Je traverse la rue. L’odeur de friture me gifle, familière, dégueulasse, réconfortante. J’ouvre la porte. La clochette tinte.
Elle est là.
Derrière le comptoir avec le dos tourné, concentrée sur une friteuse en train de crépiter.
Ses cheveux sont attachés à l’arrache. Des mèches s’en échappent, collent à sa nuque.
Putain. Même dans cet uniforme moche, elle dégage un truc. Un truc brut. Sans maquillage. Sans filtre.
Elle se retourne et me voit.
Et lève un sourcil.
— Encore vous ?
Pas un sourire ni une chaleur hypocrite. Juste cette voix, lasse, presque agacée.
Je m’approche.
— Kayden, je dis. Tu n'as pas demandé mon nom, hier.
Elle penche légèrement la tête. Puis hausse les épaules.
— J’ai pas demandé ton menu non plus.
Je ris. Court. Sincère.
— Tu es toujours comme ça ?
— Comme quoi ?
— Insolente , franche et piquante.
— Juste occupée, superstar.
Superstar , le mot claque. Avec du mépris dedans. Mais je l’aime bien, son mépris.
Je m’assieds. Là, sur le tabouret en face du comptoir. Comme un type ordinaire.
— Tu ne t’assieds pas. Tu commandes ou tu pars. On n’est pas un salon de thé ici.
Je m’accoude , mes avant-bras mouillés laissent des traces sur le comptoir plastique.
— Je prendrai ce que toi tu prends, je dis.
Elle me fixe un long moment pas du tout intimidée ni charmée juste intriguée.
— Tu veux un sandwich au thon rassis avec trop de moutarde et pas assez d’amour ?
— Exactement ça.
Et elle éclate de rire , un vrai rire , râpeux , magnétique.
Un frisson me parcourt.
Elle me le prépare lentement , très lentement. Elle me tourne le dos, mais je la regarde bouger. Et y a ce détail : elle mordille l’intérieur de sa joue quand elle se concentre. Et sa main tremble à peine quand elle saisit le pain.
Elle a l’air forte , mais y a des failles.
Et moi, je sens ce besoin étrange de les percer.
Je croque dans le sandwich immonde. Je fais une grimace.
— Tu m’as pas menti. Il est dégueulasse.
— Je t’avais prévenu.
— Tu travailles souvent seule, ici ?
— Trop.
— Tu fais quoi quand tu bosses pas ?
— Je survis.
Je reste là. En silence. À la regarder essuyer une tache d’huile sur le comptoir.
Et je me surprends à penser : Je veux l’aider.
Pas par pitié ni par envie de “sauver la pauvre fille”. Non !
Je veux la connaître. La faire rire encore. Voir jusqu’où elle peut me résister. Sentir sa peau contre la mienne. Entendre son souffle se couper sous mes mains.
Je veux la faire vibrer.
Et je sais déjà que ce n’est pas une fille pour un soir.
C’est une tempête.
Et moi, je suis prêt à plonger dedans, même si elle me brûle tout entier.
KAYDENLe soleil frappe les vitres de notre appartement, dessinant des ombres douces sur le parquet. La ville est réveillée, mais ici, à l’intérieur, le temps semble respirer. La guerre est terminée. Samantha est derrière les barreaux. La menace s’éteint comme une bougie consumée.Je regarde Léa. Ses traits sont apaisés, encore marqués par les semaines de tension, mais la peur qui l’habitait s’estompe peu à peu. Ses doigts glissent dans les miens, chauds, vivants.— On a tenu, murmurai-je. Ensemble.Elle sourit, un peu fragile, mais sincère. La reconstruction sera longue, mais le plus dur est derrière nous.LÉAJe respire profondément. Autour de moi, chaque détail me paraît plus lumineux : la chaleur du soleil, le parfum du café sur la table, la voix douce de Kayden. Le chaos médiatique, les manipulations de Samantha, les nuits blanches… tout cela s’efface comme un cauchemar dont on retrouve enfin le matin paisible.Mais il y a une présence qui rend ce moment encore plus précieux : Li
KAYDENLes pièces sont en place. Chaque document, chaque transaction, chaque témoignage , tout converge vers un constat simple : Samantha a menti sur toute la ligne. Pas de place pour l’ombre, pas de place pour le doute.— Nils, dis-je, regarde ça. Chaque paiement, chaque compte. Les flux se recoupent. Preuve irréfutable.Nils, mon bras droit, parcourt les fichiers sur l’écran. Ses yeux s’écarquillent, puis se durcissent.— C’est parfait, murmure-t-il. Elle n’a laissé aucune sortie.Je sens Léa derrière moi, serrant ma veste. Elle respire encore vite, mais je perçois enfin un soulagement qui s’immisce dans sa peur.— On publie tout, j’ordonne. Pas de demi-mesure. La vérité doit frapper, mais proprement. Chaque image, chaque relevé, chaque mail, tout doit être présenté sans faille.Le monde extérieur attend, mais nous avons l’avantage. Chaque mouvement de Samantha a été anticipé, chaque mensonge identifié, chaque boucle fermée.LÉAJe regarde les fichiers, les preuves. Mon corps est en
KAYDENL’écran éclaire ma joue comme une lame. Les titres veulent tuer. Pas de panique. Un plan. Samantha a allumé la mèche ; j’éteins en déclenchant une explosion contrôlée.Je déverrouille. Appel à Marc. Ligne sécurisée.— Trouve la faille, dis-je. Prépare une narration qui les étouffe. On n’énonce pas ; on démontre.À l’autre bout, le souffle de Marc s’accélère.— Compris. J’active la cellule. Donne-moi dix minutes.Les clics de clavier claquent dans mon oreille. La mécanique s’amorce.Une notification : piste bancaire confirmée , transaction récurrente vers compte écran.Je souris, dur. Samantha a laissé une trace.Un froissement derrière moi. Léa s’approche, fragile comme une aile mouillée. Sa main tremble dans la mienne.— Kayden…, souffle-t-elle.Je serre sa main mais mes yeux restent rivés à l’écran. La stratégie prime. Toujours.LÉATout se liquéfie. Le sol m’avale. Mon corps réagit sans moi : mains moites, gorge serrée, jambes de coton. Je tombe sur le fauteuil, étranglée pa
LÉALe silence s’installe enfin. Un silence étrange, dense, presque lourd, qui me donne l’impression d’avoir traversé une tempête pour déboucher dans un espace où l’air est encore saturé d’électricité. Les écrans, tous éteints, laissent flotter un parfum de fin de guerre — mais ce n’est qu’une impression. Les murs eux-mêmes paraissent plus pâles, comme s’ils avaient absorbé la lumière des projecteurs.Je m’allonge doucement sur le canapé, mes jambes ramenées contre moi, et pose ma tête sur les genoux de Kayden. Il n’hésite pas, il m’accueille, sa main glisse dans mes cheveux comme si ce geste avait été répété mille fois. Ses doigts se meuvent avec une lenteur calculée, presque hypnotique, comme s’il cherchait à réparer, à lisser chacune des fractures qui sillonnent mon esprit.Ses caresses me bercent. Dans ce contact, il y a une normalité trompeuse, fragile. Comme si nous étions ailleurs. Pas les visages harcelés par les caméras, pas les cibles de hashtags vénéneux. Juste deux êtres d
LÉALa nuit tombe, mais mes nerfs refusent le repos. La pièce est silencieuse, si ce n’est les bourdonnements lointains de la ville qui filtre par les vitres. Les écrans se sont éteints un à un, laissant sur les murs des reflets froids, comme des braises qui meurent sans vraiment disparaître. Ce n’est pas la paix. C’est une accalmie qui ressemble trop à une attente.Mes tempes battent encore, douloureusement, au rythme des flashs et des cris qui m’ont poursuivie toute la journée. Chaque question hurlée par les journalistes résonne encore dans ma tête, comme si la salle entière n’avait pas quitté mes oreilles. Je sens les muscles de ma nuque tendus à l’extrême, comme si je portais encore sur mes épaules le poids de tous ces regards accusateurs.Kayden marche de long en large, silhouette sombre, téléphone à la main. Sa voix grave roule comme un orage étouffé quand il parle à ses conseillers à voix basse. Même quand je ne comprends pas ses mots, j’entends la tension dans chacun d’eux. Il
KAYDENLe soleil décline, mais l’ombre de la tempête médiatique persiste. Chaque flux d’information est un fil tendu, chaque notification un rappel que la bataille n’est pas terminée. Les chaînes analysent, décortiquent, confrontent. Mais cette fois, nous avons l’avantage.— Préparez la mise à jour, murmure mon conseiller. Les journalistes demandent des précisions.Je dicte chaque mot avec précision chirurgicale, anticipant les angles, neutralisant les interprétations biaisées. Mon téléphone vibre sans cesse, mais je ne décroche pas. Ma concentration est totale : protéger Léa, affirmer la vérité, écraser la manipulation.Je remarque Léa derrière le rideau, ses yeux fixant l’écran comme si sa vie en dépendait. Sa main se glisse dans la mienne, et je sens sa tension, sa peur. Mon pouce effleure ses doigts, un geste minuscule, mais chargé de promesse : tu n’es pas seule.— Bientôt, murmuré-je, tout sera clair. La vérité a toujours le dernier mot.Je parcours les flux d’images en direct.