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Le Retour des Loups

Autor: Seth
last update Última actualización: 2025-11-12 23:56:34

La rumeur se répandit dans le village avant même que le soleil ne se couche.

Les anciens s’étaient réunis sur la grande place, sous le grand fromager sacré.

Les tambours s’étaient tus, les marchés fermés, et même les chiens ne criaient plus.

Un silence lourd s’était abattu sur Kofima, comme si le vent lui-même retenait son souffle.

Les sages parlaient à voix basse, les visages graves.

Le plus vieux d’entre eux, Bassa, prit la parole d’une voix rauque :

— Ce que nous voyons n’est pas nouveau. Il y a cinq cents ans, le même mal a traversé Kofima.

— Le mal des loups ? demanda un autre.

— Non… le mal derrière les loups, répondit Bassa. Celui qui prend la nuit en plein jour.

Tous se turent. Dans leurs mémoires, un nom refaisait surface : Grec.

Un ancien guerrier du village, disparu depuis des années, vivant désormais au fond de la forêt. On disait qu’il connaissait les secrets du feu, des plantes, et des esprits. Certains l’appelaient magicien. D’autres, anti-sorcier.

Alors, sans perdre de temps, les parents décidèrent.

Les enfants devaient partir.

Les plus jeunes d’abord, puis les autres.

Les mères préparaient des sacs, mettaient dans les mains de leurs fils et filles des bracelets de protection, des calebasses d’eau bénite, des amulettes faites de racines et de coquillages.

Le soleil disparaissait déjà derrière la colline quand les hommes du village se regroupèrent.

Les pères, silencieux, accompagnaient leurs enfants sur le chemin du sud, celui qui menait vers la maison de Grec.

Jacques marchait entre son père et Jenevieve. Il n’osait pas parler. Autour d’eux, les bruits du soir devenaient étranges : les grillons chantaient faux, les oiseaux volaient à reculons, et le vent sentait la terre brûlée.

Arrivés à quelques mètres du grand arbre des Loups — une clairière interdite que personne ne traversait la nuit — les pères s’arrêtèrent.

Là, les enfants devaient continuer seuls.

Le père de Jacques posa la main sur son épaule.

— N’aie pas peur, mon fils. Va chez Grec. Il saura quoi faire.

— Et toi, papa ?

L’homme esquissa un sourire triste.

— Moi, je dois rester ici. Protéger le village.

Mais avant qu’ils ne puissent se dire au revoir, un hurlement glaçant fendit la nuit.

Un loup. Puis deux. Puis dix.

Des yeux rouges apparurent dans l’obscurité, tout autour d’eux.

Les enfants se serrèrent les uns contre les autres.

Les pères dégainèrent leurs machettes, leurs lances, leurs torches.

Le père de Jacques, ancien chasseur, s’avança le premier. Son regard s’embrasa d’une lueur étrange.

— Vous n’êtes pas les bienvenus ici, murmura-t-il.

À ce moment-là, un vent violent balaya la clairière.

Les loups surgirent.

Mais les hommes ne reculèrent pas.

Certains disaient qu’ils se transformèrent, le visage déformé par la rage et la lumière du feu, leurs bras devenant plus forts, leurs cris plus sauvages.

On ne savait plus qui était homme, qui était bête.

Les lames brillaient, les crocs mordaient, et la forêt tout entière résonnait de hurlements et de coups.

Jenevieve tira Jacques par la main.

— Viens ! On doit partir maintenant !

Ils coururent à perdre haleine, guidés par la lune à moitié cachée.

Derrière eux, la bataille faisait rage.

Devant eux, la forêt s’ouvrait comme un tunnel d’ombres.

Ils marchèrent pendant des heures, trébuchant sur les racines, le souffle court.

Enfin, au loin, une faible lumière apparut. Une cabane, perchée sur une petite colline.

Ils frappèrent à la porte.

Un vieil homme ouvrit lentement, une torche à la main. Ses yeux, d’un vert profond, semblaient voir à travers eux.

Il les observa sans un mot, puis dit simplement :

— Entrez. Je vous attendais.

Les enfants échangèrent des regards terrifiés.

— Vous… vous saviez qu’on allait venir ? demanda Jenevieve.

Le vieil homme hocha la tête.

— Le mal est revenu, murmura-t-il. Et cette fois, il ne s’arrêtera pas aux portes du village.

La cabane de Grec se dressait à la lisière de la forêt, entourée de pierres gravées de symboles étranges.

Une odeur d’encens et de feuilles brûlées flottait dans l’air.

Les enfants, épuisés par leur fuite, se laissèrent tomber sur le sol en soupirant.

— Vous pouvez dormir ici cette nuit, dit Grec d’une voix calme.

Il avait le dos courbé, la barbe grise, les yeux d’un vert presque lumineux.

— Demain, je vous expliquerai tout.

Jacques le regardait avec méfiance. Il y avait quelque chose dans son regard, quelque chose d’indéfinissable, comme une lueur de connaissance trop ancienne.

Mais la fatigue était plus forte que la peur. Les enfants s’endormirent, serrés les uns contre les autres.

Dans la nuit, un bruit sourd les réveilla.

Un grincement. Puis un souffle.

Quand Jacques ouvrit les yeux, il remarqua que la lumière de la torche avait changé de couleur. La flamme n’était plus jaune, mais verte.

Il se redressa brusquement.

— Grec ? appela-t-il.

Pas de réponse.

Puis, soudain, la porte se referma violemment derrière eux, d’elle-même.

Les murs de la cabane se mirent à vibrer.

Sur le sol, les symboles gravés commencèrent à briller.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?! cria Jenevieve.

Un cercle rouge apparut sous leurs pieds. La terre se mit à trembler, et un rire se fit entendre — un rire vieux, rauque, presque inhumain.

Grec entra, tenant dans sa main un crâne d’animal entouré de fils rouges.

— Vous croyez vraiment que j’allais vous sauver ? souffla-t-il.

— Mais… les sages du village… ils ont dit que vous étiez un anti-sorcier ! s’écria Benoît.

— Oui, il y a cinq cents ans… et c’est moi qu’ils ont trahi ! répondit Grec, les yeux flamboyants.

Sa voix résonnait dans la pièce comme un écho d’un autre temps.

— Le mal que j’ai combattu m’a laissé une marque… un don. Aujourd’hui, c’est à votre tour de payer pour leurs fautes.

Le sol se fendit. Des mains sombres, faites d’ombre et de cendre, surgirent du cercle rouge et agrippèrent les enfants.

Ils crièrent, tirant de toutes leurs forces.

— Courez ! hurla Jenevieve.

Mais trop tard.

Deux filles furent happées les premières, leurs cris étouffés par la terre.

Puis deux garçons, entraînés à leur tour, leurs corps se tordant dans la lumière écarlate.

Le sol se referma lentement, avalant leurs voix.

Il ne restait plus que Jacques, Jenevieve et trois autres, tremblants, couverts de poussière et de larmes.

Grec leva la main, et le silence retomba d’un coup.

— Vous, murmura-t-il, vous portez le sang des premiers enfants de Kofima. C’est par vous que la prophétie s’accomplira.

— Quelle prophétie ? cria Jacques.

— Celle de la nuit éternelle… celle où les enfants survivants deviendront les gardiens du mal.

Mais avant qu’il ne puisse prononcer un mot de plus, un bruit fracassant retentit au dehors.

Des flammes jaillirent du sol, et un hurlement monstrueux se fit entendre — ni humain ni animal.

La cabane trembla. Une partie du toit s’effondra.

Profitant du chaos, Jenevieve attrapa Jacques par la main et l’entraîna vers la sortie.

Ils coururent à travers la forêt, le souffle court, pendant que derrière eux, la maison de Grec s’effondrait dans un nuage de poussière et de feu.

Les rires du vieil homme résonnaient encore, portés par le vent :

> « Vous ne pouvez pas fuir ce qui coule déjà dans vos veines ! »

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