Dante ValentiDante Je devrais être en paix. Je devrais me convaincre que c'était pour son bien, qu'elle est mieux sans moi, loin des ombres qui nous poursuivent, loin des mensonges et des pièges que j'ai tissés autour de nous. Mais la vérité me ronge, comme un poison lent, qui m’envahit de l’intérieur. Je l’ai laissée partir. Je l’ai laissée s’éloigner sans rien dire, sans me battre. Et chaque seconde qui passe me fait comprendre que je ne lui ai pas offert ce qu’elle méritait : un avenir.Je suis seul dans cette pièce. La lumière du matin me frappe de plein fouet, mais ça ne change rien. Le vide est toujours là, là où elle se tenait, là où elle aurait dû être. Je n'entends plus sa voix, plus ses rires, plus ses reproches ou ses silences. Il n'y a plus rien. Juste le creux d'un vide que j'ai créé, que j'ai autorisé à grandir entre nous. La culpabilité est une présence constante, un spectre que je porte comme une seconde peau. Elle ne me lâche pas, elle me dévore, me déstabilise, me p
Dante ValentiJe traverse les rues comme un fantôme. Le monde autour de moi continue de tourner, les gens s’affairent, se croisent, mais moi, je suis ailleurs. Dans mes pensées, je suis prisonnier de cette décision que j’ai prise, de ce que j’ai permis. Tout le reste n’a plus d’importance. Les affaires, les intrigues, les menaces, tout cela n’est qu’un bruit lointain, une cacophonie que je n’entends plus vraiment. Ce qui compte, c’est Elena. Ce qui comptait, c’était elle.Je m’arrête devant un café, son visage me frappant une nouvelle fois, me rappelant la douceur de ses traits, la chaleur de sa voix. Mais tout cela semble appartenir à un autre temps, à un autre monde, un monde où nous étions libres, où l’amour n’était pas un fardeau, où nos rêves pouvaient encore exister. Aujourd’hui, tout cela n’est plus qu’une illusion.J’entre dans le café. Le parfum du café fraîchement moulu, la chaleur de la pièce, tout cela me semble si étranger, si lointain. Je commande une tasse, sans même y
ElenaJe suis encore là. Debout. Silencieuse. Comme il le voulait. Comme il l’a toujours voulu. Le dos droit, les lèvres closes, le regard vidé de sa lumière. Il pense m’avoir pliée. Il pense que la guerre est terminée. Mais il ignore ce qu’il a créé en me brisant.Ce n’est pas une fille docile qu’il a façonnée. C’est une arme. Et j’apprends encore à l’aiguiser.Mon cœur bat, lourd, lent, douloureux. Chaque pulsation résonne comme un cri dans mon crâne. Dante. Je l'entends encore. Son rire. Sa voix au creux de mon cou. Sa main dans la mienne alors que nous courions à travers la nuit, persuadés que l'amour nous sauverait. Il croyait à la fuite. Moi, à l’embrasement. Giovanni pense que l'amour est une faiblesse. Il ne sait pas que c’est aussi une force. Une force obscure. Une force brûlante. Une force qui, lorsqu’elle n’a plus d’issue, devient incendie.Je me suis tue. Pas par soumission. Par stratégie. Parce que les mots mal employés sont des armes retournées contre soi. Parce que le s
ElenaLa couronne ne brille pas. Elle pèse. Chaque perle, chaque éclat d’or est une goutte de sang figée. Le sang des femmes avant moi. Le sang que je verserai. Le sang qu’on attend de moi.On l’a faite pour enfermer. Pas pour élever.On m’habille sans un mot. Sœur Agnese tire sur les lacets de ma robe, trop fort, comme pour m’arracher l’air. Je sens le tissu mordre mes côtes. Je ne dis rien. Elle le fait exprès. Pour me briser. Pour me faire plier.Mais je tiens. Plus droite. Plus raide.Violetta, la gouvernante, fixe mes cheveux. Ses doigts tremblent à peine. Elle murmure des prières en italien, des phrases anciennes apprises dans l’ombre des catacombes. Elle pense, peut-être, que le ciel m’entendra. Que le ciel a encore quelque chose à voir avec tout ça. Elle m’offre un rosaire en argent. Je ne tends pas la main.Je me tiens debout, les bras ballants, la nuque raide. Je suis une mariée. Une martyre. Une bombe.ElenaGiovanni n’est pas venu. Il ne vient jamais. Il délègue. Il survei
ElenaJe n’ai pas dormi.Pas vraiment. Mon corps a obéi à l’apparence — allongé, immobile sous les draps de soie, dans ce lit immense qui n’est pas le mien. Mais à l’intérieur, tout est resté tendu. Mon esprit a marché. Furtif. Inlassable. Il a exploré les contours invisibles de cette cage dorée. Il a arpenté les couloirs du manoir, les interstices des portes closes, les regards qui s’évitent, les silences trop longs.Il a compté les pas.Les voix.Les caméras.Je suis une mariée.Mais surtout une arme.ElenaLorenzo respire lourdement à côté de moi. Une respiration paisible, profonde, d’homme qui croit être en sécurité. Il rêve. Peut-être de moi. Peut-être de pouvoir.Il est jeune. Trop. Pas assez pour cette guerre.Mais il pense l’avoir gagnée.Il se trompe.Je me lève. Pieds nus. Les planches du sol craquent à peine sous mon poids.J’attrape mon carnet, mon stylo. Complice de mes pensées. J’y note tout. L’angle des caméras, la durée exacte des rotations de surveillance, les zones d
ElenaLe matin se lève sur une lumière pâle. Un jour de plus. Un jour de moins.Je ne sais plus. Je ne compte plus que les secondes utiles.Celles où j’avance.Celles où je frappe sans qu’ils le voient.Le reste n’existe pas. C’est un décor flou, un murmure d’illusions.ElenaJe me lève avant Lorenzo. Comme toujours.Il dort, abandonné au mensonge d’une paix qu’il croit acquise.Je l’observe. Longtemps.Ses paupières qui tremblent. Sa bouche entrouverte. La main posée sur le drap, comme celle d’un enfant.Il est amoureux. De moi ou de l’idée qu’il se fait de moi.Ça n’a aucune importance.Il est un pion. Et je suis celle qui déplace les pièces.Mais parfois…Parfois, je le regarde trop longtemps.Et je me demande s’il verrait le couteau avant qu’il le sente.ElenaInès frappe. Trois coups brefs. Notre signal.Je l’ouvre. Elle entre.Aujourd’hui, elle ne tremble pas.Elle a attaché ses cheveux. Porté ses bottes les plus discrètes.Elle me tend une bague. Fine. En or. Une minuscule pier
ElenaLe lendemain, l'air sent déjà la cendre.Tout est plus lourd, plus lent.Même le vent semble hésiter à souffler.Je me lève. J'enfile une robe noire simple, sans bijoux. Pas de chaînes inutiles. Aujourd'hui, je suis l'ombre.ElenaInès m'attend dans le couloir.Ses yeux brillent. Pas d'excitation. Pas de peur.La certitude, froide et vive.Elle porte une veste légère, doublée de lames fines comme des éclats d'hiver.À sa ceinture : une seringue. Remplie de quelque chose de rapide. Silencieux.Inès« Prête ? »ElenaJe souris. Ce n'est pas une question.C'est un serment.ElenaNous descendons sans bruit.Chaque marche craque à peine sous nos pas.Le manoir est un cadavre en sursis.Giovanni croit que la fête qu'il a ordonnée pour ce soir va cimenter son pouvoir.Il ignore que ses fondations sont déjà rongées par nos dents.ElenaÀ la cave, Silvano nous attend.Il a changé. Plus maigre. Plus nerveux. Plus dangereux.Un animal blessé qui a cessé de croire en la rédemption.Il tend
ElenaLa nuit tombe.Le domaine tout entier s'agite d’une nervosité moite.Ils sentent que quelque chose a changé.Sans savoir quoi.L'air est trop lourd. Chaque respiration est une lutte.Chaque pas résonne comme une annonce funèbre.ElenaGiovanni hurle sur ses conseillers.Il accuse. Il menace.Il cherche un coupable, un traître, un fantôme.Il ne comprend pas que c’est trop tard.Que le poison n’est plus dans le verre.Il est dans son sang.Il est dans ses os.Il est dans chaque regard qui ose enfin ne plus baisser les yeux.ElenaJe reste en retrait.Je regarde les murs vibrer sous ses cris.Je compte les secondes.Les respirations.Les battements de cœur.Le pouvoir meurt rarement d’un coup d’épée.Il meurt de mille coupures invisibles.Giovanni« Qui a osé ?! QUI ?! »ElenaNous tous, Père.Nous tous.Tu as semé la peur.Nous avons semé la fin.ElenaSilvano me glisse un billet.Un seul mot griffonné : Minuit.Un lieu : l’orangerie.Une promesse silencieuse.ElenaJe sais ce qu
ElenaLa terre sent le sang. L’odeur de poudre brûlée colle à la gorge, griffe les narines. Le silence après le carnage est plus fort que les cris. Il résonne. Il pèse.Je marche entre les carcasses noircies, les pneus fondus, les corps disloqués, les mains encore crispées sur des armes inutiles.Je ne détourne pas les yeux. Plus maintenant.Ce n’est pas de l’insensibilité. C’est une promesse. Une manière de dire : je vous ai vus mourir, et je ne vous oublierai pas.Je glisse la main dans la poche intérieure de ma veste. Le papier y est toujours. Froissé. Humide.C’est la lettre de ma mère.Elle ne l’a jamais terminée. Juste quelques mots, comme un murmure arraché à l’oubli : Ne te rends jamais.Je ferme les yeux. Un instant.Puis je les ouvre sur Dante.Il surveille l’horizon. Une main sur son arme. Une autre sur mon dos.Toujours là. Solide. Entier. Implacable.Et moi, malgré le sang sur mes bottes, malgré la douleur dans mes côtes, je me tiens droite.Parce que lui est debout.Dant
ElenaLa route s’étire devant nous comme une promesse arrachée aux ténèbres. Les cailloux crissent sous nos semelles, la rosée accroche nos jambes, les feuilles tremblent mais ne tombent pas. Le monde retient son souffle. Et moi aussi.Il y a quelque chose dans l’air. Une vibration. Comme si la terre savait. Comme si elle s’apprêtait à boire le sang d’un nouveau sacrifice.Je marche. Le dos droit. Le regard fixé devant. Le cœur tambourinant dans ma poitrine. Pas de peur. C’est terminé, ça. Il ne reste que la tension brute, l’impatience d’un fauve.Je tourne la tête vers Dante. Il est là. Toujours. Son ombre épouse la mienne. Il ne m’a jamais quittée depuis ce matin-là. Et je crois que quelque part, depuis cette nuit où tout a brûlé, il n’est plus question de fuite. Seulement de combat.Je l’observe. Son visage est dur, presque figé. Mais ses yeux... Ses yeux disent autre chose. Ils parlent de tout ce qu’on ne s’est pas dit. Tout ce qu’on n’a pas eu le temps de se promettre.Je veux su
ElenaLa porte claque derrière nous, le bruit résonne dans l’air humide de la nuit. Le vieux relais gémit sous le vent qui hurle, mais à l’intérieur, il fait chaud. Pas à cause du feu qui crépite dans l’âtre. Pas seulement à cause de la chaleur de l’instant. Mais à cause de nous. De ce qui est inévitable entre nous. Cette tension, électrifiée, qui pulse entre nos corps depuis des heures. Des jours. Des années, peut-être. Depuis ce premier regard, celui où je l’ai vu sans armure, où lui m’a vue sans masque, sans faux-semblants. Depuis ce premier souffle partagé dans la folie de nos choix, de nos combats. Depuis que la guerre a fait de nous ce que nous sommes : deux âmes perdues mais liées par une promesse plus grande que la vie elle-même.DanteJe la déshabille sans hâte. Ses vêtements tombent sur le sol comme des ombres qui s’effacent. Chaque bouton défait est une victoire. Une victoire contre la peur, contre les cicatrices du passé, contre la violence du monde. Il n’y a plus de place
ElenaL’aube ne vient pas.Pas encore.Le ciel hésite.Comme nous.Suspendus entre chute et ascension.Entre les restes d’un empire et les cendres d’un rêve.Le silence pèse sur les toits, glisse entre les pierres froides, ronge le cœur.Même les oiseaux se taisent.Comme si le monde retenait son souffle.ElenaLe palais dort d’un sommeil empoisonné.Les tentures frissonnent au moindre courant d’air, comme si elles pleuraient des secrets.Les gardes, épuisés, marchent à l’aveugle.Leur fidélité n’est plus qu’une habitude, un réflexe.Ils ne savent plus qui ils protègent.Les couloirs résonnent des pas qui fuient, des voix qui murmurent.La peur a changé de camp.Elle s’est retournée contre ses maîtres.Et nous, nous marchons dans ce silence.Droits.Déterminés.Mais pas indemnes.Inès« Il faut partir avant que le soleil se lève. La lumière rend les traîtres visibles. »ElenaJe la regarde.Elle n’a jamais tremblé.Même maintenant, dans cet entre-deux fragile, elle tient droit.Comme
ElenaLa nuit tombe.Le domaine tout entier s'agite d’une nervosité moite.Ils sentent que quelque chose a changé.Sans savoir quoi.L'air est trop lourd. Chaque respiration est une lutte.Chaque pas résonne comme une annonce funèbre.ElenaGiovanni hurle sur ses conseillers.Il accuse. Il menace.Il cherche un coupable, un traître, un fantôme.Il ne comprend pas que c’est trop tard.Que le poison n’est plus dans le verre.Il est dans son sang.Il est dans ses os.Il est dans chaque regard qui ose enfin ne plus baisser les yeux.ElenaJe reste en retrait.Je regarde les murs vibrer sous ses cris.Je compte les secondes.Les respirations.Les battements de cœur.Le pouvoir meurt rarement d’un coup d’épée.Il meurt de mille coupures invisibles.Giovanni« Qui a osé ?! QUI ?! »ElenaNous tous, Père.Nous tous.Tu as semé la peur.Nous avons semé la fin.ElenaSilvano me glisse un billet.Un seul mot griffonné : Minuit.Un lieu : l’orangerie.Une promesse silencieuse.ElenaJe sais ce qu
ElenaLe lendemain, l'air sent déjà la cendre.Tout est plus lourd, plus lent.Même le vent semble hésiter à souffler.Je me lève. J'enfile une robe noire simple, sans bijoux. Pas de chaînes inutiles. Aujourd'hui, je suis l'ombre.ElenaInès m'attend dans le couloir.Ses yeux brillent. Pas d'excitation. Pas de peur.La certitude, froide et vive.Elle porte une veste légère, doublée de lames fines comme des éclats d'hiver.À sa ceinture : une seringue. Remplie de quelque chose de rapide. Silencieux.Inès« Prête ? »ElenaJe souris. Ce n'est pas une question.C'est un serment.ElenaNous descendons sans bruit.Chaque marche craque à peine sous nos pas.Le manoir est un cadavre en sursis.Giovanni croit que la fête qu'il a ordonnée pour ce soir va cimenter son pouvoir.Il ignore que ses fondations sont déjà rongées par nos dents.ElenaÀ la cave, Silvano nous attend.Il a changé. Plus maigre. Plus nerveux. Plus dangereux.Un animal blessé qui a cessé de croire en la rédemption.Il tend
ElenaLe matin se lève sur une lumière pâle. Un jour de plus. Un jour de moins.Je ne sais plus. Je ne compte plus que les secondes utiles.Celles où j’avance.Celles où je frappe sans qu’ils le voient.Le reste n’existe pas. C’est un décor flou, un murmure d’illusions.ElenaJe me lève avant Lorenzo. Comme toujours.Il dort, abandonné au mensonge d’une paix qu’il croit acquise.Je l’observe. Longtemps.Ses paupières qui tremblent. Sa bouche entrouverte. La main posée sur le drap, comme celle d’un enfant.Il est amoureux. De moi ou de l’idée qu’il se fait de moi.Ça n’a aucune importance.Il est un pion. Et je suis celle qui déplace les pièces.Mais parfois…Parfois, je le regarde trop longtemps.Et je me demande s’il verrait le couteau avant qu’il le sente.ElenaInès frappe. Trois coups brefs. Notre signal.Je l’ouvre. Elle entre.Aujourd’hui, elle ne tremble pas.Elle a attaché ses cheveux. Porté ses bottes les plus discrètes.Elle me tend une bague. Fine. En or. Une minuscule pier
ElenaJe n’ai pas dormi.Pas vraiment. Mon corps a obéi à l’apparence — allongé, immobile sous les draps de soie, dans ce lit immense qui n’est pas le mien. Mais à l’intérieur, tout est resté tendu. Mon esprit a marché. Furtif. Inlassable. Il a exploré les contours invisibles de cette cage dorée. Il a arpenté les couloirs du manoir, les interstices des portes closes, les regards qui s’évitent, les silences trop longs.Il a compté les pas.Les voix.Les caméras.Je suis une mariée.Mais surtout une arme.ElenaLorenzo respire lourdement à côté de moi. Une respiration paisible, profonde, d’homme qui croit être en sécurité. Il rêve. Peut-être de moi. Peut-être de pouvoir.Il est jeune. Trop. Pas assez pour cette guerre.Mais il pense l’avoir gagnée.Il se trompe.Je me lève. Pieds nus. Les planches du sol craquent à peine sous mon poids.J’attrape mon carnet, mon stylo. Complice de mes pensées. J’y note tout. L’angle des caméras, la durée exacte des rotations de surveillance, les zones d
ElenaLa couronne ne brille pas. Elle pèse. Chaque perle, chaque éclat d’or est une goutte de sang figée. Le sang des femmes avant moi. Le sang que je verserai. Le sang qu’on attend de moi.On l’a faite pour enfermer. Pas pour élever.On m’habille sans un mot. Sœur Agnese tire sur les lacets de ma robe, trop fort, comme pour m’arracher l’air. Je sens le tissu mordre mes côtes. Je ne dis rien. Elle le fait exprès. Pour me briser. Pour me faire plier.Mais je tiens. Plus droite. Plus raide.Violetta, la gouvernante, fixe mes cheveux. Ses doigts tremblent à peine. Elle murmure des prières en italien, des phrases anciennes apprises dans l’ombre des catacombes. Elle pense, peut-être, que le ciel m’entendra. Que le ciel a encore quelque chose à voir avec tout ça. Elle m’offre un rosaire en argent. Je ne tends pas la main.Je me tiens debout, les bras ballants, la nuque raide. Je suis une mariée. Une martyre. Une bombe.ElenaGiovanni n’est pas venu. Il ne vient jamais. Il délègue. Il survei