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Chapitre 17 — Jeux d’ombres et de peau

Author: L'invincible
last update Last Updated: 2025-05-28 18:14:00

Éva

La nuit a déjà enveloppé la ville d’un voile obscur quand je franchis les lourdes portes du bâtiment désert. Le dossier Venturi pèse dans mon sac, mais c’est une autre charge qui m’écrase : celle des secrets enfouis, des mensonges qui pullulent comme des ombres invisibles, menaçantes. Chaque pas que je fais dans ces couloirs silencieux résonne comme un avertissement, un écho sourd de ce que je refuse d’admettre : je m’avance sans filet, dans un piège dont je ne maîtrise ni les règles ni l’enjeu.

J’atteins enfin le bureau de Belmont. La porte est entrouverte, laissant filtrer la faible lueur d’une lampe tamisée. Il est là, immobile, silhouette sculptée dans la pénombre, le regard dur, insondable. Quand il me voit, un sourire presque cruel glisse sur ses lèvres. Ce sourire que je redoute, celui qui mêle défi et promesse d’extase, celui qui parle d’ombres plus profondes que celles de la nuit elle-même.

Sans un mot, il ferme la porte derrière moi, m’enfermant dans ce piège dont je ne
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    Éva Le claquement de la porte résonna longtemps après son départ. Un écho qui se cognait aux murs nus, qui faisait trembler l’air même. Vis, Éva. Même sans moi. Les mots creusaient, déchiraient. La douleur n’était plus une émotion, c’était un état. Une chape de plomb qui alourdissait chaque parcelle de mon être.Je restais à genoux sur le parquet glacé, les doigts enfouis dans la texture rugueuse du bois. La chaleur de son corps sur ma joue était déjà un souvenir qui s’estompait, remplacé par le froid mordant de la réalité. Il était parti. Il avait choisi de respirer sans moi. Et dans le sillage de son absence, une vérité atroce germait : il avait eu peur de l’ombre en moi, sans savoir que cette ombre, on me l’avait greffée.Une colère nouvelle naquit, lente et radicale. Elle me donna la force de me relever. Mes jambes flageolaient, mais une résolution de granit durcissait mon âme. Je ne pouvais pas le laisser partir avec ce mensonge empoisonné. Je devais lui offrir la vérité, même s

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    ÉVALe jour s’est levé sans couleur, une clarté grise qui se répand dans la pièce comme une brume sans chaleur.Belmont s’est levé avant moi, il a remis du bois dans la cheminée sans allumer le feu, juste pour s’occuper les mains, pour éviter de me regarder.Je sens qu’il s’éloigne déjà, même si ses pas ne bougent pas vraiment.L’air entre nous est devenu lourd, presque solide, comme si chaque souffle menaçait de tout briser.Je m’approche, pieds nus, le parquet froid sous ma peau.Il se fige quand j’arrive derrière lui.Je voudrais qu’il me prenne dans ses bras, qu’il dise que tout va s’arranger, mais il reste droit, rigide, enfermé dans un silence qui me déchire.— Belmont, murmuré-je, ne me tourne pas le dos.Il ne répond pas.Je contourne la table, le force à me regarder.Ses yeux sont sombres, lavés par une nuit sans sommeil, et pourtant je vois dedans quelque chose que je n’avais jamais vu avant : de la peur.Pas la peur pour moi.La peur de moi.— Je ne peux plus, dit-il enfin.

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    ÉVAQuand j’ouvre les yeux, la lumière est différente, presque douce, presque fausse.Il y a ce silence suspendu, cette impression d’être revenue d’un lieu trop loin pour en parler.Le feu s’est éteint, les braises fument à peine, et l’air a cette odeur de cendre et de laine chaude.Je sens son bras autour de moi, lourd, immobile, comme s’il n’avait pas bougé depuis des heures.Son souffle effleure ma nuque, régulier, mais tendu, retenu.Je ne sais pas si je dois parler, s’il dort, s’il fait semblant.Je reste là, à écouter le battement de son cœur contre mon dos, cette cadence trop calme pour être paisible.Je ferme les yeux à nouveau.Je voudrais pleurer, mais les larmes se sont figées quelque part en moi, comme le reste.Son bras bouge enfin.Il se dégage lentement, sans brusquerie.Je sens le vide tout de suite.Je me retourne, il est déjà assis au bord du canapé, les coudes sur les genoux, les mains jointes.Son visage est fermé, presque froid, mais ses yeux me trahissent ils brû

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    BELMONTJe ne sais pas quand la nuit a commencé à se dissoudre, peut-être quand le vent a cessé de gémir sous les tuiles, ou quand la lampe s’est éteinte d’elle-même, ou peut-être quand mon corps a enfin cessé de lutter contre le sommeil.Je suis resté là, assis contre la porte, les bras croisés sur mes genoux, le menton posé sur mes poignets, à écouter son silence à elle, ce silence qui s’étirait, s’épaississait, prenait la forme d’un pressentiment.Je sens quelque chose changer , pas un bruit, pas un cri, juste une absence qui devient trop grande.Je me redresse d’un coup, j’écoute, je tends l’oreille, je colle ma joue contre le bois.Rien.Pas un souffle.Pas un frôlement.Le cœur me monte à la gorge.Je me lève, j’appuie mes paumes contre la porte, je frappe doucement.— Éva…Le vent me répond.Je sens le froid de l’extérieur à travers les interstices, un froid lourd, coupant, presque métallique.Je tourne la poignée.Elle résiste d’abord, puis cède dans un craquement sec.Et le m

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    ÉVALe bois froid contre mon front, mes paumes plaquées sur la porte comme sur un torse, je sens encore sa chaleur derrière, je la respire, je la bois, mais elle se retire déjà, il ne reste que la fibre rugueuse du bois sous mes doigts, j’ai le cœur en charpie, la respiration brisée, je me fais toute petite contre le battant comme une enfant punie qui attend qu’on l’appelle, mes cheveux collés par les larmes, mes genoux remontés contre ma poitrine, le vent s’infiltre dans mes vêtements, mord mes chevilles nues, je tremble, je murmure son nom encore et encore jusqu’à ce qu’il devienne un souffle sans voyelles .— Belmont… ouvre-moi… je t’en supplie…Ma voix se perd dans la nuit comme un fil qui se rompt, je gratte doucement le bois du bout des ongles, j’ai mal aux doigts mais je continue, c’est comme caresser une plaie, je sais qu’il est là derrière, je le sens, son ombre pèse contre moi, son silence est trop lourd pour qu’il soit parti, il est là, je le sais, et moi je suis dehors com

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