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Chapitre 6 — L’acte de rester 

Author: Déesse
last update Last Updated: 2025-07-25 19:31:00

 Jade 

Je ne dis plus rien.

Il y a un moment où le silence devient un langage. Un souffle plus fort que les mots. Et ce qu’il m’a confié, ce qu’il m’a jeté au visage comme on jette un cri… ce n’est pas une confidence. C’est une déchirure.

Et cette déchirure, je la sens encore vibrer contre ma peau nue.

Je ne bouge pas tout de suite.

Je reste là, immobile, mes yeux ouverts dans l’obscurité, collée à lui. Le battement de son cœur cogne contre ma tempe, irrégulier, fébrile. Il est tendu sous moi, presque douloureux à force de retenue.

Il respire à peine.

Il attend , comme on attend une sentence.

Et moi, je prends une décision.

Je me redresse lentement, sans le quitter des yeux. La lumière tamisée dessine l’ombre de sa mâchoire tendue, la ligne nerveuse de ses bras posés contre le matelas. Il me regarde avec une sorte d’alerte dans les yeux. Une alerte animale. Il est prêt à être quitté. Il est prêt à voir s’effondrer ce moment qu’il n’aurait jamais dû vivre.

Mais je reste.

Et je fais plus que rester.

Je le touche.

Lentement. Avec toute la patience du monde.

Comme s’il était quelque chose de précieux , de fragile.

Comme s’il n’était pas un homme dangereux mais un être qu’on n’a jamais appris à consoler.

Mes doigts remontent le long de son torse, effleurent les cicatrices invisibles, les souvenirs imprimés dans sa chair. Sa peau est chaude. Vivante. Et pourtant, il frissonne sous ma paume.

— Tu sais ce que tu viens de faire, Caleb ? Tu as cessé de te cacher .

Je murmure ces mots contre lui, ma bouche frôlant sa clavicule, puis le creux de son épaule. Je l’embrasse là, avec lenteur. Je ne cherche rien. Je donne. J’offre.

Je m’installe au-dessus de lui, mes cuisses l’encadrant, et je le regarde de haut. Non pas pour dominer. Mais pour le voir , le regarder vraiment.

— Regarde-moi, Caleb.

Il obéit.

Ses yeux accrochent les miens comme s’il s’y suspendait. Il est à bout. À nu. Et il ne sait pas quoi faire de cette nudité-là.

Alors je décide de lui montrer.

Je défais lentement sa chemise, le tissu glissant sur sa peau comme un abandon. Sous mes doigts, je sens ses muscles se tendre, résister, puis céder peu à peu. Il ne dit rien. Il me laisse faire. Et c’est un miracle en soi.

Je le touche partout. Je passe mes mains sur son torse, son ventre, ses flancs. Je découvre chaque centimètre comme un territoire oublié, abandonné trop longtemps.

Je le regarde avec tendresse, mais aussi avec ce feu au ventre que je ne contrôle plus.

Parce que Caleb, ce n’est pas juste un homme.

C’est un cri enfermé.

Une promesse abîmée.

Une tempête dans un corps trop calme.

Et je veux lui dire, avec chaque geste, chaque baiser, que je le vois. Que je l’entends.

Je descends, explorant sa peau avec ma langue, ma bouche, mes mains. Lentement. Délicatement. Comme si je recousais un corps fendu de l’intérieur. Je sens son souffle qui s’accélère, sa main qui se crispe sur les draps.

Quand je le prends en bouche, je le fais sans brutalité avec révérence .

Parce que je veux qu’il se sente digne d’être aimé , digne d’être touché.

Et il vacille.

Il bascule dans une forme de transe muette. Sa main dans mes cheveux tremble. Il gémit, étouffé, comme s’il n’avait plus l’habitude qu’on lui offre quelque chose sans contrepartie.

Je remonte lentement vers lui. Nos regards se croisent.

Il est perdu.

Alors je me glisse contre lui, sans attendre. Ma peau contre la sienne. Mon ventre contre son souffle. Mes seins contre son torse.

Et je le prends en moi.

Tout doucement. Comme on accueille. Comme on promet.

Pas une promesse de rester pour toujours.

Mais celle d’être là maintenant. De ne pas fuir. Pas ce soir.

Je bouge lentement. Mon corps ondule contre lui avec tendresse. Chaque mouvement est une parole. Un mot que je ne sais pas dire.

Je suis là.

Tu existes.

Tu mérites.

Tu n’es pas seul.

Il serre les dents, les yeux ouverts sur moi. Il tente de résister. Mais je le vois. Il craque. Il se laisse faire. Il me laisse lui faire du bien. Et je sens quelque chose en lui se briser. Ou peut-être que ce n’est pas une cassure.

Peut-être que c’est un seuil.

Il murmure mon prénom dans un souffle.

Pas un appel.

Un remerciement.

Je l’embrasse. Longtemps. Profondément. Pas pour posséder. Pour rester. Pour enraciner ce qu’il croit encore irréel.

Quand le plaisir monte, ce n’est pas une explosion. C’est une vague lente, large, qui nous enveloppe, nous submerge, nous fait fondre. Il jouit dans un râle rauque, la tête enfouie dans mon cou, son cœur battant à toute allure. Et moi, je suis là, contre lui, haletante, les larmes aux yeux sans comprendre pourquoi.

Peut-être parce que je sens enfin son âme.

Peut-être parce qu’il m’a offert quelque chose de rare :

la confiance d’un homme blessé.

Je reste là. Allongée sur lui. Le souffle court. Les muscles encore tremblants.

Il me serre. Fort.

Pas avec désir.

Avec reconnaissance.

Et c’est là que je comprends : ce que nous venons de faire n’a rien de sexuel.

C’était un serment silencieux.

Il ne bouge pas. Il m’entoure. Comme s’il avait peur que je m’évapore.

Puis il murmure, presque dans un soupir :

— Tu vas me faire croire que je peux encore être sauvé.

Je ferme les yeux. Mes lèvres frôlent sa gorge, là où son cœur bat plus vite.

— Je ne suis pas là pour te sauver, Caleb. Je suis là pour ne pas te fuir.

Et c’est vrai.

Parce qu’aimer, ce n’est pas réparer.

C’est rester.

Même quand ça fait peur.

Même quand l’autre est un champ de ruines.

Même quand on n’est pas sûre de s’en sortir entière.

Ses bras se referment plus fort autour de moi.

Et dans ce silence épuisé, battu par le souffle de nos cœurs,

je sens quelque chose changer.

Pas en lui.

En moi.

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