LE POINT DE VUE DE CHRISTINE
Je m’éloigne. Mon cœur bat encore fort dans ma poitrine. De retour au bar, je saisis mon verre et le vide d’un trait sans réfléchir. L’alcool me brûle la gorge, mais j’ai besoin de cette chaleur pour prolonger l’euphorie.
— Chris, t’étais incendiaire à l’instant ! hurle Amanda, surexcitée, en tapant dans ses mains.
— J’ai failli te sauter dessus pour t’embrasser moi aussi, lance Noémie en éclatant de rire.
Je hausse les épaules, faussement modeste, mais mon sourire me trahit. J’aime ça. Provoquer. Faire parler. Ce soir, je règne. Ce soir, je suis invincible.
Mais soudain… tout bascule.
Un vertige me saisit sans prévenir. Ma vision se brouille. Les lumières se mélangent, deviennent pâteuses. Je veux poser ma main sur le comptoir, mais mes doigts glissent. Une chaleur désagréable remonte lentement de mon ventre à ma gorge. J’ai la nausée. Je tremble. Le monde devient sourd, étouffé, comme si je sombrais sous l’eau.
Je me redresse tant bien que mal, refusant de paniquer.
"C’est rien, juste l’alcool. Trop vite. Trop fort." Je tente de me rassurer.
Je m’éloigne, chancelante, direction les toilettes. L’eau froide, voilà ce qu’il me faut. Juste un peu d’eau sur le visage. Personne ne remarque mon malaise. Amanda et Noémie sont déjà absorbées par d’autres bras. Personne ne voit mon regard vaciller. Personne ne voit mon corps vaciller.
Et puis il surgit.
Lui. L’homme au costume bordeaux. Le lourd, celui aux bijoux vulgaires. Celui que j’ai repoussé sans ménagement plus tôt. Il s’approche, son regard chargé de rancune.
— Bébé, souffle-t-il en m’attrapant brutalement par la taille, ce soir tu vas découvrir ce que c’est, un vrai homme.
Je veux le repousser. Je veux hurler. Mais mon corps me trahit. Il est lourd, engourdi. Ma langue est sèche. Mes mots s’étranglent.
— Dégage… ne me touche pas…
Mais c’est trop tard.
Il me traîne à travers un couloir désert, entre les cabines. Mon dos cogne contre une poignée métallique. Une porte claque derrière moi. L’obscurité m’engloutit.
Je tente de crier. Rien ne sort.
Mes jambes cèdent. Il me soutient à peine. Puis me jette sur un lit au matelas dur. L’impact me coupe le souffle. Tout tourne. Ma robe glisse de mon épaule quand il tire dessus.
— Petite garce arrogante… Tu vas supplier à genoux, grince-t-il, les yeux injectés de rage.
Dans un dernier sursaut, je roule sur le côté. Je me traîne vers la porte, je cherche la poignée. Mes doigts la trouvent… mais je n’ai pas le temps de tourner.
Une gifle fracassante m’écrase contre le sol.
Ma tête heurte la moquette. Une douleur vive explose dans ma tempe. Tout devient flou. Il se jette sur moi, prêt à commettre un acte barbare
Boum.
Un bruit sec. Violent. Comme un coup de tonnerre dans une pièce trop étroite.
L’homme s’effondre.
Dans l’encadrement de la porte, je le vois.
Le serveur.
Il tient un extincteur entre les mains, le souffle court.
— Toi… pourquoi… tu es là ? balbutié-je, à moitié inconsciente.
Il ne répond pas. Il me soulève comme si je ne pesais rien. Je me blottis contre lui, incapable de lutter contre les vertiges. Il est chaud. Fort. Son parfum discret me ramène à la réalité. Je m’accroche à ce moment. À lui.
— Où est ta cabine ? demande-t-il, la voix grave, calme.
— 135… le code, c’est… XXX…
Il hoche la tête. Il marche vite. Il entre le code d’une main sûre. La porte s’ouvre. Le silence de la cabine m’apaise aussitôt.
Il me dépose sur le lit avec une infinie délicatesse. Comme si j’étais fragile. Brisée.
Il se redresse, prêt à partir.
Mais je le retiens.
Ma main attrape la sienne, désespérée.
— Ne pars pas… reste avec moi…
Il s’immobilise. Lentement, il se tourne vers moi. Son regard croise le mien, embué, vulnérable. J’ai besoin de lui. De sa présence. De ce qu’il représente : un repère, une chaleur, un refuge.
Il retire sa veste. Puis s’assoit au bord du lit.
— Tu es sûre ? murmure-t-il.
Je hoche la tête. Mes doigts glissent contre sa chemise, s’y accrochent.
Je veux sentir quelque chose de vrai. Quelque chose qui efface ce cauchemar.
Il se penche.
Le premier baiser est doux. Simple. Une caresse. Mais j’y réponds avec une urgence que je ne comprends même pas. Mes lèvres cherchent les siennes. Elles le trouvent. L’embrassent avec une ardeur nouvelle. Nos bouches s’ouvrent, se pressent, se dévorent.
Chaque frisson me fait haleter. Je sens ses mains glisser contre ma peau nue. Je ferme les yeux. Son souffle contre mon cou. Sa main sur ma cuisse. La soie de ma robe se froisse sous nos mouvements.
— Tu trembles, murmure-t-il contre ma clavicule.
— J’ai eu peur… mais plus maintenant…
Je suis à la fois forte et brisée. Insolente et nue. Et il me touche comme si j’étais précieuse.
Il fait glisser les bretelles de ma robe. Je frissonne. J’ouvre les yeux.
— Ne me regarde pas comme si j’étais cassée…
Il pose son front contre le mien.
— Je te regarde comme si tu étais la chose la plus réelle que j’ai jamais touchée.
Je l’attire contre moi.
Il s’avance, lentement. Une mèche de cheveux tombe sur son front. Je la fixe. Nos visages sont à quelques centimètres. Son souffle effleure ma joue. Il hésite, lève une main, puis frôle ma peau.
Un frisson me parcourt.
Je ferme les yeux. Sa main glisse dans mes cheveux, contre ma nuque. Je frémis. Mon corps réclame plus.
— Que je m’arrête ? me demande-t-il.
J’ouvre les yeux.
— Non… ne t’arrête pas.
Je glisse ma main sous sa chemise. Sa peau est chaude et tendue . Lui aussi retient son souffle. Il soupire quand ses doigts glissent sur mon bras, s’attardent sur mon poignet.
Il m’attire doucement à lui. Peau contre peau. Presque.
Nos respirations s’accélèrent. Il penche la tête, embrasse mon front, ma joue, mes lèvres. Sa main sur mon dos, sa bouche sur mon épaule. Chaque baiser fait vibrer quelque chose de profond en moi.
Je m’arque doucement, les yeux mi-clos, haletante. Ses mains me découvrent sans hâte.
— Ne t’arrête pas… soufflé-je.
— Jamais, répond-il.
Ses doigts dessinent mes hanches, mon ventre, mes côtes. Il dépose un baiser partout où il passe.
Quand il se glisse enfin en moi, c’est lent. Profond. Intime. Il est vraiment énorme et je sens que c'est ce genre de pénétration qu'il me faut.
Je retiens mes gémissements, mais je ne retiens rien de ce que je ressens. Mes ongles s’accrochent à lui. Il murmure à mon oreille.
Je respire contre sa peau, l’odeur de sa nuque, la chaleur de son corps contre le mien. Je me laisse aller à lui. Entièrement.
Je le fais basculer doucement sur le lit, son dos s’enfonce dans les draps froissés, et je me glisse sur lui, mes cuisses de part et d’autre de ses hanches. Son souffle est déjà plus chaud, plus irrégulier. Mes mains effleurent son torse nu, mes paumes savourent la chaleur de sa peau, la tension sous ses muscles. Il m’observe sans un mot, ses yeux brillants d’un désir contenu.
Je commence à onduler lentement, mes mouvements sont lents, presque paresseux. Mon bassin se balance avec une précision calculée, assez pour faire grimper la température sans tout révéler. Je sens son corps réagir sous moi, ses hanches qui frémissent, son souffle qui se bloque une seconde à chaque va-et-vient.
Je me cambre un peu plus, mes mains glissent le long de ses bras pour venir attraper ses poignets et les poser de chaque côté de sa tête. Mon buste effleure à peine le sien, ma peau frôle la sienne. Je ferme les yeux un instant pour savourer cette sensation : la chaleur de son torse contre ma poitrine, la tension électrique dans l’air, le rythme de nos corps qui commence à s’accorder.
Ses mains se posent sur mes hanches, fermes, possessives. Il m’aide à accélérer, à plonger plus profondément dans la cadence. Un frisson me traverse la colonne vertébrale, je sens chaque mouvement vibrer jusqu’au creux de mon ventre.
Je me penche alors vers lui, mes cheveux retombent autour de nos visages. Nos lèvres se frôlent avant de se sceller dans un baiser brûlant. Mon cœur bat contre ma cage thoracique, chaque battement résonne dans mes oreilles . Son souffle se mêle au mien, sa langue caresse la mienne avec une douceur féroce.
Ses doigts s’enfoncent un peu plus dans ma chair, ses hanches montent à ma rencontre,
et je sens les vertige dans ma tête . J’ai chaud. J’ai faim. Je le veux tout entier.
Chapitre 62 LE POINT DE VUE DE DAMIEN J’étais encore dans la chambre, le téléphone à la main, les nerfs tendus comme un arc. Quand j’ai appelé Selena, ma voix n’était qu’un ordre sec :— Localise la voiture de Christine. Tout de suite.Elle a soupiré, comme toujours quand je lui demande quelque chose dans l’urgence, mais je savais qu’elle s’exécuterait. Une poignée de secondes plus tard, je reçois l’adresse. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine.L’hôpital. Celui où le détective est hospitalisé.Je serre les dents. Qu’est-ce qu’elle fout là-bas ? Pourquoi elle ne m’a rien dit ?Normalement, Christine me dit tout. Même ses colères, même ses doutes. Mais là… elle est partie seule, en cachette, et en plus pour voir le détective ?Selena, à l’autre bout du fil, balance calmement :— Peut-être qu’elle n’a plus envie de te mêler à sa vengeance. Peut-être qu’elle veut régler ça seule.— Non, c’est pas vrai, je rétorque aussitôt, ma voix grondant. Christine m’aurait dit où elle allait. Ell
CHAPITRE 61LE POINT DE VUE DE CHRISTINEJ’entrai dans la chambre du détective à pas mesurés, le cœur battant à tout rompre. L’odeur d’hôpital, froide et métallique, me fit grimacer. Il était là, allongé, les traits tirés, le visage marqué par la douleur mais ses yeux, eux, brillaient d’une lucidité glaciale.— C’est bien que vous soyez venue, dit-il d’une voix encore rauque.Je serrai mon sac contre moi et hochai la tête.— J’espère… j’espère que vous vous trompez. Que Damien n’a rien à voir dans tout ça.Ses lèvres esquissèrent un sourire fatigué.— On le saura d’ici peu.Mes doigts tremblaient quand je sortis l’ordinateur de mon père et le posai sur ses genoux. Il se redressa lentement, étouffant un gémissement de douleur, puis l’ouvrit. L’écran s’illumina et il posa ses mains abîmées sur le clavier.— Je peux vérifier si quelqu’un a forcé un accès.Je fronçai les sourcils.— Mais… comment vous pouvez savoir ça ?Son regard vif se posa sur moi.— Les systèmes laissent toujours des
Chapitre 60LE POINT DE VUE DE CHRISTINELe matin, Damien dormait encore profondément, son souffle régulier emplissant la chambre. Moi, j’étais éveillée depuis longtemps déjà, le cœur battant d’un rythme trop pressé. J’avais pris ma décision durant la nuit, entre deux insomnies. Aujourd’hui, je devais agir.Je sortis du lit sur la pointe des pieds, retenant même ma respiration pour ne pas troubler la sienne. Mon téléphone, glissé discrètement dans la poche de mon peignoir, me paraissait peser une tonne. Je traversai le couloir, chaque craquement du parquet me donnant l’impression de hurler dans le silence. Puis je poussai la porte du bureau.Un frisson m’envahit aussitôt. L’air y avait cette odeur de vieux papier et de cuir qui ne m’avait jamais quittée. Ce bureau… c’était l’endroit où mon père m’avait appris à écrire mes premiers mots, où il me racontait ses projets d’affaires, ses rêves, mais aussi ses inquiétudes. J’entendis presque son rire résonner entre les murs, et un instant j
CHAPITRE 59LE POINT DE VUE DE CHRISTINE Je serrais le téléphone si fort que mes jointures en devinrent blanches. Mes mains tremblaient, mes pensées s’entrechoquaient comme des vagues en pleine tempête. Faut que je sache. Je dois savoir ce qu’il se passe vraiment. Mais comment ? Devrais-je en parler à Damien ? Lui répéter ce que le détective vient de me dire ? Non… ce serait insensé, suicidaire même. Quelle femme saine d’esprit accuserait l’homme qui a tout fait pour la protéger, sans preuve tangible ?Depuis qu’il est entré dans ma vie, Damien a été une épaule solide, un roc sur lequel je pouvais m’appuyer. Jamais il n’a donné le moindre signe d’ombre, jamais une faille qui aurait pu me faire croire qu’il était lié de près ou de loin aux tragédies qui ont ravagé ma famille. Au contraire… il m’a sauvée. Il a été là quand je m’effondrais, il a tenu ma main dans la douleur, il m’a relevée quand tout me semblait perdu.Et aujourd’hui… on voudrait me faire croire qu’il est l’auteur de to
Chapitre 58LE POINT DE VUE DE SELENAJe laissai un silence s’installer, volontaire, pour que sa menace résonne entre nous. Puis je me mis à sourire, lentement, presque avec douceur.— Tu sais quoi, Damien ? murmurai-je, en penchant légèrement la tête sur le côté. Tu crois toujours que tu peux me dicter ma conduite. Que tes choix sont légitimes, mais pas les miens. Tu crois que je vais plier parce que tu fronces les sourcils et que tu joues les grands seigneurs. Mais… je ne suis plus la petite sœur docile que tu pouvais protéger en me tenant par la main.Je fis un pas vers lui, réduisant encore l’espace. Son parfum, son souffle… je le sentais, tout près, mais je n’avais pas peur.— Tu veux que j’arrête de voir Roland ? poursuivis-je, la voix plus ferme. Alors toi, arrête de voir Christine. Parce que c’est la même chose. Tu crois que ta croisade pour la sauver ne nous met pas en danger ? Tu crois que coucher dans son lit ne t’attache pas encore plus à son destin, à ses ennemis ? Tu cro
Chapitre 57LE POINT DE VUE DE DAMIEN Je posai ma serviette sur la table, le sourire de façade toujours vissé sur mes lèvres, et dis doucement à Christine :— Je vais juste aux toilettes, je reviens.Elle hocha distraitement la tête, encore perdue dans ses pensées. Parfait.Je me levai, chaque pas mesuré, comme si je n’avais aucune urgence. Pourtant, à l’intérieur, mon cœur battait vite, trop vite. Mon regard balaya la salle, et je l’aperçus. Selena. Ou plutôt Victoria, comme elle s’amusait à se faire appeler ce soir. Elle riait légèrement à une blague de Roland, mais je savais que ce n’était qu’une couverture. Ses yeux, un instant, croisèrent les miens. Un éclat froid. Elle avait compris.Sans un mot, je passai à côté de leur table. Je ralentis à peine, juste assez pour qu’elle sache que je voulais lui parler. Son sourire ne bougea pas, mais je sentis son regard me suivre jusqu’au couloir qui menait aux toilettes.La porte battante claqua derrière moi. J’inspirai profondément, m’app