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Chapitre 5 — Là où l’ombre attend

작가: L'invincible
last update 최신 업데이트: 2025-07-27 22:01:15

SERENA

— Promets-moi juste que tu gardes l’esprit ouvert. Pas de sarcasme ni de ricanements.

Léa ne me quitte pas des yeux. Son visage est tendu, ses sourcils froncés. Mais elle hoche la tête, et je vois dans ses pupilles qu’elle a déjà peur, même si elle ne le dira jamais à voix haute.

La nuit est tombée comme une chape. Lourde. Lourde d’intentions et de silence. Le manoir, en contrebas, semble exhaler une brume qui n’appartient à aucun nuage. Une brume vivante, rampante. Comme un souffle venu des entrailles d’autre chose.

— Tu veux que je garde l’esprit ouvert… dans un manoir qui a l’air tout droit sorti d’un film d’horreur. Très bien, je suis toute ouïe, dit-elle en essayant de sourire.

Mais ce sourire est une façade. Elle serre plus fort sa parka autour de ses bras, comme si elle pouvait empêcher l’air de la toucher.

Nous passons le portail. Il gémit longuement, comme un râle arraché à un corps endormi. Chaque pas sur les graviers résonne d’un écho creux, comme si la maison attendait.

Elle attend, oui.

Elle le sait : je ne suis pas seule ce soir.

Le perron craque sous nos pieds. Je déverrouille la porte avec la clé d’origine, celle de fer forgé, noire et froide, trouvée dans une cachette sous la pierre du seuil. Rien que ce détail donne déjà l’impression d’entrer dans une légende. Ou un piège.

La porte s’ouvre lentement, dans un souffle humide, et l’air tiède nous enveloppe aussitôt. Ce n’est pas la tiédeur naturelle d’un espace chauffé. Non. C’est la chaleur d’une présence. Une attente charnelle.

— Tu sens ça ? murmure Léa, sa voix un peu tremblante.

— Il sait que tu es là. Il est curieux. Il se demande pourquoi je ne suis pas seule.

Léa ne répond pas. Mais ses gestes changent. Elle marche plus lentement. Ses yeux vont de tableau en tableau, du vieux lustre au grand miroir éteint. Le bois des escaliers semble respirer, comme si chaque planche était vivante, palpitante.

Je referme la porte derrière nous. Le bruit sourd du verrou est une sentence.

Nous avançons dans le salon. Je l’éclaire faiblement d’une lampe posée sur la console. Les ombres s’étirent comme des doigts. Les murs avalent le son. Le feu de la cheminée jette des reflets orangés sur la tapisserie fanée. La maison se referme sur nous.

— Tu veux qu’on attende ici, c’est ça ?

— C’est ici qu’il vient. Toujours ici.

Je lui tends une couverture. Elle l’attrape d’un geste brusque, presque nerveux. Elle s’assied dans le grand fauteuil, face au canapé où je prends place. Le silence revient. Épais, humide. Il s’impose comme un troisième souffle entre nous.

Le temps passe. Je ne regarde pas l’horloge. Elle ne marche plus, de toute façon. Depuis le premier soir.

— Dis-moi tout, souffle Léa. Depuis le début. Comment t’as su que ce manoir… qu’il n’était pas vide.

Je respire longuement. Mon cœur bat plus fort. Rien qu’en parler, c’est déjà l’inviter.

— Il est venu doucement. Par les rêves d’abord. Des murmures. Des images que je n’osais pas nommer. Des sensations... sensuelles. Troublantes. Je croyais que c’était mon imagination. Le manque. Le stress. Mais ensuite… c’est devenu physique. Réel.

Je marque une pause.

— Il est entré dans mon lit. Pas avec des pas. Avec une intention. Avec de la chaleur. Avec… une sorte de désir palpable. Comme si ma peau l’appelait. Comme s’il me connaissait de l’intérieur.

Léa serre la couverture autour de ses genoux.

— Tu parles de lui comme s’il était humain.

— Il ne l’est pas. Pas vraiment. Mais il a une conscience. Une volonté. Et une faim.

Un craquement, sec, vient du plafond. Léa sursaute.

— Qu’est-ce que c’était ?

— Il descend.

Elle se lève d’un bond. Sa voix tremble.

— Dis-moi que c’est une souris. Une tuile qui travaille. Quelque chose de rationnel.

— Il ne supporte pas qu’on doute. Il veut qu’on le sente. Qu’on le reconnaisse.

Elle recule d’un pas. Je me lève et lui prends la main.

— Si tu veux qu’il se montre… ne résiste pas. C’est quand on résiste qu’il devient… brutal.

Léa tente de garder son calme, mais son regard est déjà paniqué. Et soudain, il est là. Le froid. Celui qui ne vient pas de l’hiver. Celui qui entre sous la peau, qui touche l’âme.

Une vibration traverse le plancher. Puis une voix. Grave. Distordue. Mêlée de feu et de glace.

— Tu n’es pas seule, ce soir.

Léa pousse un cri. Un cri d’animal traqué. Elle trébuche, recule, cogne la table basse. La lampe tombe. L’ampoule éclate. L’obscurité se referme. Le feu de la cheminée vacille.

Une ombre glisse sur le mur. Elle n’a pas de forme, mais elle pulse. Elle vibre. Elle regarde.

— Serena ! hurle Léa. Pars d’ici ! Viens avec moi ! Viens !

Mais je ne bouge pas.

Je suis là, dans l’œil du cyclone. Je le sens. Il me touche. Pas avec des doigts. Avec de la volonté. Avec cette force invisible qui me fait trembler, gémir, fondre. Il me connaît. Il me veut. Et moi… je ne lutte plus.

Léa s’enfuit, en courant, en heurtant les murs. Je l’entends crier mon nom depuis l’entrée, puis la porte claque. Le silence retombe aussitôt , moite , parfumé. Électrique.

Il est là.

Tout entier.

Pour moi.

Je ferme les yeux.

Et je m’abandonne.

Parce qu’au creux de la peur… il y a ce vertige. Ce plaisir interdit. Ce feu qui me consume et que je n’ai plus la force d’éteindre.

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  • POSSESSION    CHAPITRE 41 — LA MARQUE ET LA MORSURE

    JuneLa porte claque derrière lui. Le son résonne dans la maison vide, un point final brutal à notre scène. Je reste immobile, adossée au chambranle, la serviette humide collée à ma peau qui frémit encore. Le parfum d'Ashar flotte dans l'air mêlé à celui de notre transpiration, un mélange enivrant de sel, de peau chaude et de trahison.Mon rire s'éteint dans ma gorge.Le silence qui suit est plus lourd, plus dense que tout ce qui a précédé. Il est à moi. Seulement à moi.Je laisse glisser la serviette.Le tissu éponge tombe en un tas mou sur le carrelage encore humide. L'air frais caresse ma peau nue, fait dresser les poils sur mes bras, mes cuisses. Je frissonne, non de froid, mais d'excitation. La vision d'Ashar, paniqué, courant comme un chien battu après cette petite chose larmoyante... C'était délicieux. Mais ce n'était qu'un apéritif.Mon regard se pose sur la grande glace au-dessus des lavabos. La buée commence à se dissiper, révelant par plaques mon reflet. Une femme aux cheve

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  • POSSESSION    CHAPITRE 39 — LA SOIF ET L'EAU

    Ashar La vapeur s’élève, un brouillard chaud et spectral qui voile les carreaux, dissout les contours et adoucit les angles cruels du monde. Sous le jet brûlant, je ferme les yeux. L’eau coule sur ma peau en ruisseaux compulsifs, ruisselle sur les muscles tendus à se rompre, lave la poussière abrasive de la vallée et l’odeur tenace de la cendre qui imprègne mes poumons, mes souvenirs, mon âme. C’est un moment de suspension, rare et précaire, où je ne suis plus qu’un corps animal, une enveloppe de chair et de nerfs. Où le poids écrasant des noms, des terres promises et des regards de femmes , pleins d’attente, de reproche, d’espoir, s’écoule, lentement, avec l’eau sale, dans le drain obscur.Mais le silence, ici, n’est qu’une illusion, un fragile armistice avec le chaos.La porte de la salle de bains s’ouvre dans un souffle, sans un bruit, sans un claquement. Je ne me retourne pas. Je connais cette présence. Je l’ai sentie rôder, affamée et vibrante, de l’autre côté du bois, une ombre

  • POSSESSION    Chapitre 38 — Le Souffle et la Cendre

    ASHARL’aube s’étire sur la vallée comme un soupir. La lumière glisse sur les pierres encore fumantes, caresse les murs de la maison, s’invite dans les plis de mes pensées. J’ai à peine dormi. June et Serena non plus. Le silence de la nuit a été plus bruyant que mille tempêtes.Elles dorment maintenant, chacune dans une pièce différente. Je marche lentement dans le couloir, les pieds nus sur le sol froid, le corps encore habité de leur présence, de leur chaleur, de leurs blessures. J’ai pris une décision, ou du moins, une tentative de décision : je ne peux pas les laisser se consumer dans cette rivalité. Si l’amour est un brasier, alors il doit nous brûler tous les trois, pas nous séparer.Mais le monde m’attend.Mon nom, mes terres, ma cité , tout ce que j’ai bâti avant de disparaître. Les murmures courent déjà : Ashar est vivant. Certains doutent, d’autres espèrent, d’autres encore tremblent. Et moi, je ne peux pas rester dans l’ombre éternellement.Je sors. L’air du matin me frappe

  • POSSESSION    Chapitre 37 — Les cendres et les serments

    ASHARLe silence m’étouffe, plus lourd que n’importe quelle tempête. Je reste assis entre elles, incapable de respirer sans sentir la brûlure de leurs regards rivés sur moi. June ne bouge pas, droite comme un glaçon poli, son regard défiant, impossible à pénétrer. Serena, elle, tremble à peine, mais je sens la tension sous sa peau, ce feu contenu qu’elle refuse de laisser éclater.— Vous pouvez parler, dis-je enfin, la voix étranglée par l’émotion. Je ne peux plus rester dans ce silence.June détourne à peine la tête.— Je n’ai pas l’intention de partager, dit-elle, chaque mot tranchant comme une lame.Serena ferme les yeux, respire profondément, mais son souffle trahit la tempête qui gronde en elle.— Et moi, je n’ai pas l’intention de fuir.Le choc de leurs affirmations simultanées me fait basculer en arrière, le cœur battant trop vite. Leurs corps, leurs esprits, me réclament, me déchirent, mais aucune ne cède. Je sens la chaleur et le froid s’opposer, et mon désir pour elles devie

  • POSSESSION    Chapitre 36 — Les vérités du feu et de la glace

    ASHARLe jour s’étire lentement sur les ruines du sanctuaire, pâle et froid, comme une main qui ne sait plus caresser.Je reste longtemps debout près de la fenêtre, à écouter leurs respirations dans la chambre d’en haut, deux souffles lointains, dissonants, qui se répondent sans jamais s’unir.Le monde dehors se remet à vivre, mais ici, tout demeure suspendu.Je n’ai plus le droit au silence.Plus le droit de fuir.Quand je monte, elles sont encore allongées, séparées par ce drap taché qui garde la trace du combat.Elles ouvrent les yeux presque en même temps, et dans leurs regards encore perdus, je vois la même chose : la peur.Pas celle de mourir. Celle de comprendre.— Vous devez vous lever, dis-je doucement.Elles se redressent, sans protester.Leurs gestes sont lents, douloureux, mais dociles.Je désigne les portes opposées.— Il y a de l’eau. Des chambres. Allez vous laver. Prenez le temps qu’il faut. Ensuite, venez me rejoindre dans la cuisine. On doit parler.Aucune ne répond.

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