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Chapitre 8 — Le Serment du Feu

ผู้เขียน: Darkness
last update ปรับปรุงล่าสุด: 2025-10-28 19:56:58

Giulia Ferrelli

Le matin ne se lève pas. Il rampe.

Un voile de cendres semble recouvrir le ciel, comme si le monde retenait son souffle. Les couloirs du palais résonnent d’un silence pesant, traversés par des ombres furtives et des pas dissimulés. Tout semble suspendu dans une attente étouffante. Je le sens. Quelque chose va céder.

Mon reflet me fixe avec défiance. Le pendentif noir repose contre ma peau comme une flamme glacée, et chaque battement de mon cœur y résonne avec une intensité nouvelle. Je n’ai pas dormi. L’image d’Elena à genoux, la voix brisée par la peur, hante mes pensées. Le Conseil des Ombres m’a désignée. Je suis désormais une cible vivante.

Mais ce n’est pas la peur qui me brûle le ventre.

C’est l’adrénaline. La rage. La détermination.

Je rassemble mes cheveux en une tresse haute, nouée d’un ruban rouge une couleur que l’on évite dans cette aile du palais. Trop provocante, trop vive, trop… vivante. Et pourtant, aujourd’hui, j’en fais mon étendard.

Dans la grande salle de guerre, le cercle des stratèges m’attend. Les visages sont tendus, les voix basses, et les regards échappent le mien comme s’ils craignaient que je lise leurs doutes. Je m’avance, droite, le menton haut, le silence pour armure.

— Le Conseil a bougé, annoncé Lorenzo d’une voix grave. Ils manipulent les factions du Nord. Deux bastions sont déjà tombés cette nuit.

— Des pertes ? demandé-je, sans ciller.

— Lourdes, murmure-t-il. Et… ciblées. Tous ceux qui t’étaient liés de près ou de loin.

Je ferme les yeux une seconde. Le deuil viendra plus tard. Pour l’instant, il faut agir. Frapper avant d’être anéantie.

— Nous ne sommes plus dans une guerre d’influence, dis-je. C’est une purge. Ils veulent effacer ma trace. Ma voix. Mon nom. Et ça, je ne le permettrai pas.

Un murmure s’élève dans la pièce. L’ancienne Giulia aurait attendu, tenté de négocier, de temporiser. Mais celle qui se dresse devant eux aujourd’hui porte le sceau du chaos à son cou, et la certitude d’une nécessité brutale dans le regard.

— Il est temps de convoquer les Feux Libres, murmure Elena derrière moi. Sa voix tremble encore, mais ses yeux brillent d’une lueur résolue.

Un silence glacé s’abat dans la salle.

Les Feux Libres. Ces mages bannis, ces seigneurs sans trône, ces créatures à la loyauté incertaine. Une ressource ultime. Un risque presque suicidaire.

— Ils ne servent personne, objecte un conseiller, blême. Ce sont des dévoreurs d’équilibres, des monstres vêtus d’apparences humaines.

Je le regarde, impassible.

— Parfait. Alors ils seront exactement ce dont nous avons besoin.

Dans les profondeurs du palais, un escalier interdit s’enfonce dans la terre comme une blessure oubliée. Seuls quelques anciens en connaissent encore le chemin. Rafael m’attend au pied des marches, appuyé contre un pilier de pierre, son regard presque lumineux dans l’obscurité.

— Tu mènes un jeu dangereux, souffle-t-il.

— Tu l’as dit toi-même, répliqué-je. La loyauté est un luxe. Et moi, je n’ai plus les moyens du luxe.

Il esquisse un sourire, ce pli léger à la commissure des lèvres, entre moquerie et admiration.

— Les Feux Libres n’obéissent qu’à ceux qui saignent pour eux. Tu le sais ?

Je hoche la tête. Le rituel est connu. Il faut offrir une part de soi. Un serment scellé par la douleur. Une brûlure qui ne s’efface jamais.

— Alors viens, dit-il. Tu veux leur feu ? Prépare-toi à te brûler.

---

Le sanctuaire est une caverne noire, vivante, respirante. L’air y est lourd, chargé de soufre et d’échos anciens. Des fresques rongées par le temps courent sur les parois, représentant des silhouettes embrasées, hurlant leur liberté.

Rafael m’indique le cercle. Je m’y avance, seule, le cœur battant contre mes côtes comme un tambour de guerre.

— Parle, dit-il.

Je m’agenouille. Le froid de la pierre transperce mes genoux.

— Je suis Giulia Ferrelli. Je n’ai ni trône, ni lignée sacrée. Mais j’ai la rage. Et une guerre à mener. À ceux qui entendent, à ceux qui brûlent dans l’ombre : je vous invoque.

Le silence se brise en un grondement sourd. La pierre vibre. Une chaleur étrange monte du sol. Et puis, une voix. Multiple. Déformée.

— Qui es-tu… pour nous appeler ?

Je ferme les yeux. Je sens ma chair s’embraser sous ma peau. Un feu mental, qui consume sans tuer.

— Je suis celle qu’on traque. Celle qu’on veut faire taire. Mais je suis aussi celle qui ne cédera pas. Si vous cherchez un pacte… je vous offre le mien.

Je tranche ma paume. Le sang coule lentement sur le sol. Une lumière jaillit. Les fresques s’animent.

Et les Feux Libres répondent.

---

Quand je ressors du sanctuaire, les bras brûlés de l’intérieur par le sceau de l’alliance, Rafael me regarde longuement.

— Tu viens de lier ta vie à des créatures qui ne connaissent ni pardon ni oubli.

— Et toi ? demandé-je. Qu’as-tu lié, Rafael ? Ta loyauté à moi… ou à leur pouvoir ?

Il s’approche, très près. Sa main se pose sur ma joue, presque tendrement.

— Je ne suis loyal qu’à ce que je ne peux dominer. Et toi, Giulia… tu deviens indomptable.

Ses mots me troublent plus que je ne l’admets.

Mais je n’ai pas le luxe des émotions. Pas ce soir.

---

Dans la nuit noire, le ciel s’enflamme. Des éclairs rouges zèbrent l’horizon. Les Feux Libres sont là. Ils marchent dans l’ombre, silencieux, leurs visages recouverts de masques de cendre. À leur passage, les murs suintent et l’air devient irrespirable.

Les hommes du Conseil le sentiront. Le vent a tourné.

Désormais, je ne suis plus une figure fragile. Je suis le feu sous la glace, la tempête sous le voile.

Et je n’attendrai plus qu’on me laisse la place.

Je la prendrai.

Avec Rafael… ou contre lui.

Avec le sang… ou la lumière.

À l’aube, la guerre aura un nouveau nom. Et ce nom, c’est le mien.

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