Livia fixait le bureau massif devant elle, le bois sombre impeccablement poli reflétant son visage crispé. Elle sentait son cœur cogner contre sa poitrine alors que Raphaël Valcourt la détaillait de son regard sombre et insondable, assis derrière le bureau comme un roi sur son trône. L’atmosphère pesait, saturée d’un parfum subtil de cuir et d’ambre qui lui appartenait.
— Voici votre contrat, dit-il en tapotant un dossier épais du bout des doigts. Prenez le temps de le lire. Chaque ligne a son importance.
Elle attrapa le document, ses mains légèrement moites. Les mots dansaient devant ses yeux tandis qu’elle parcourait rapidement les conditions :
Disponibilité totale, incluant soirs et week-ends.
Confidentialité absolue exigée.
Interdiction formelle de relations personnelles avec les cadres supérieurs.
Elle serra les dents. C’est draconien.
— C’est… très strict, réussit-elle à murmurer.
— C’est le prix à payer pour travailler à mes côtés, répliqua Raphaël, sa voix tranchante comme une lame. Si cela vous effraie, il est encore temps de partir.
Elle releva la tête, affrontant son regard avec un courage qu’elle ne se connaissait pas.
— Je tiendrai, dit-elle simplement.
Un léger sourire passa sur ses lèvres, mais il disparut aussitôt.
— Bien. Dans ce cas, tenez ceci.
Il sortit de sa poche une clé USB argentée et la déposa devant elle.
— Qu’y a-t-il dessus ? demanda Livia en la prenant avec prudence.
— Des dossiers sensibles. Ne la perdez pas, et surtout, n’en parlez à personne. Pas même à votre oreiller.
Elle acquiesça, la gorge nouée. Pourquoi ai-je l’impression de tenir une bombe entre mes doigts ?
La porte s’ouvrit brusquement, et Céline, élégante dans son tailleur crème, entra sans frapper, un dossier à la main.
— Monsieur Valcourt, toutes les invitations pour la soirée de ce soir sont prêtes.
— Parfait, répondit-il sans détourner le regard de Livia. Ajoutez Mademoiselle Moreau à la liste des participants. Elle m’accompagnera.
Céline marqua un temps d’arrêt, ses yeux verts s’élargissant légèrement.
— Comme… accompagnatrice ?
— Comme mon assistante, rectifia Raphaël, son ton coupant. Cela pose-t-il un problème ?
— Non, monsieur, dit-elle en reprenant son masque professionnel, bien qu’une lueur d’irritation ait traversé son regard.
Livia sentit la température de la pièce chuter. À peine la porte fut-elle refermée derrière elle qu’elle perçut des murmures émanant des bureaux adjacents.
— Elle ? À une soirée de ce niveau ?
— Elle vient d’arriver, pour qui elle se prend ?
— C’est évident qu’elle ne tiendra pas longtemps…
Un poids se forma dans sa poitrine. Mais elle releva la tête, bien décidée à ne pas donner raison à ces langues vipérines.
Le soir même, dans un hôtel particulier somptueux du XVIᵉ arrondissement, Livia descendit de la voiture de fonction, ses talons résonnant légèrement sur les pavés. Sa robe noire simple mais élégante contrastait avec les toilettes scintillantes des invitées, mais elle se tenait droite, fière, refusant de laisser ses insécurités la trahir.
Raphaël, à ses côtés, imposait le silence rien que par sa présence. Les flashs crépitaient, capturant son visage impassible.
À peine entrés dans la salle baignée de lumières chaudes, un journaliste se précipita, le micro tendu.
— Monsieur Valcourt ! Un mot sur les rumeurs concernant l’effondrement de la filiale italienne ?
Raphaël s’immobilisa. Livia sentit une tension nouvelle l’envahir.
— Aucune déclaration pour le moment, répliqua-t-il, son ton glacial suffisant à faire reculer le journaliste.
Mais l’homme insista :
— Est-il vrai que votre famille est directement impliquée dans un scandale financier ?
Avant que Raphaël n’ait le temps de répondre, Livia s’interposa légèrement, son sourire poli masquant la nervosité qui l’envahissait.
— Je suis navrée, mais ce sujet n’est pas à l’ordre du jour. Si vous avez des questions, nous vous invitons à les adresser au service communication. Monsieur Valcourt préfère consacrer son énergie à l’expansion prometteuse de Valcourt Industries.
Un murmure traversa la salle. Raphaël arqua un sourcil, manifestement surpris par l’audace de sa jeune assistante.
Lorsqu’ils s’éloignèrent, il laissa échapper un léger rire sans joie.
— Bien joué… et terriblement imprudent.
Livia se détendit à peine, consciente qu’elle venait peut-être de franchir une ligne.
— Désolée. Je pensais seulement vous aider.
— Vous n’auriez jamais dû faire ça, murmura-t-il en se penchant vers elle. Sa voix, basse et vibrante, fit naître un frisson qui remonta la colonne de Livia.
— Maintenant, vous êtes liée à moi.
Son cœur se serra. Avait-elle sauvé la situation… ou venait-elle de sceller un pacte qu’elle regretterait ?
Livia poussa la porte de son appartement avec la sensation qu’elle basculait au bord d’un gouffre invisible. Les murs, jadis familiers, semblaient se refermer sur elle, étouffant les souvenirs heureux d’une vie qui s’étiolait. Elle déposa son sac avec un soupir lourd, laissant échapper un éclair de fatigue pure. Les volets étaient tirés. La pièce baignait dans une semi-obscurité où se mêlaient l’odeur du café renversé et la poussière accumulée.Elle erra jusqu’à la fenêtre, laissa ses doigts effleurer le rebord froid. Dehors, la lumière jaune des lampadaires léchait le trottoir humide, tandis qu’une fine bruine tombait sans pitié. Chaque goutte semblait murmurer la même question : Où trouver un sens à tout ça ?Dans un sursaut, la sonnerie de l’interphone la ramena à la réalité. Livia ne fit aucun geste. Quelques secondes s’égrenèrent, intenses, puis un nouveau bip retentit. Ce fut Victor, implacable dans son professionnalisme, qui se présenta à l’écran.— Mademoiselle Moreau, Raphaël
Le brouhaha feutré du café du quartier Saint-Germain enveloppait Livia et Raphaël alors qu’ils s’installèrent dans un recoin isolé, à l’écart du passage. Le parquet grinça sous leurs pieds, la fumée légère des machines à expresso tissant un voile presque mystique dans l’air humide. Livia, la mâchoire serrée, n’osait croiser son regard. Raphaël sortit doucement un dossier relié de cuir, son nom — Livia Moreau-Valcourt — embossé en lettres discrètes sur la couverture.Elle sentit son cœur se suspendre. Il posa le dossier sur la table, chaque mouvement mesuré, presque cérémonial.— Je... je ne voulais pas que tu l’apprennes ainsi, murmura-t-il.Elle inspira lentement, ses doigts effleurant la bordure du dossier.— Alors explique-moi, ordonna-t-elle, la voix rauque.Raphaël fit glisser le cuir souple et ouvrit la première page. Des documents officiels, des extraits de testaments, des relevés de propriétés… Tout portait le sceau de Valcourt Industries et la signature de sa mère, suivie de
La rue était silencieuse, comme retenue dans un souffle, lorsque Livia frappa à la porte de l’appartement de son oncle. Le portail en fer forgé grinça sous son passage, et le léger crépitement de ses talons résonna dans la cour pavée, dessinant une musique discrète dans le calme du soir. D’un geste hésitant, elle frôla la poignée et entra, découvrant l’intérieur chaleureux baigné d’une lumière dorée.Son oncle, Pierre Moreau, se tenait près de la cheminée, une tasse de thé fumant entre ses mains. Ses traits étaient graves, marqués par les années et les secrets. Quand il aperçut Livia, un sourire doux se dessina sur son visage, avant de s’effacer rapidement, cédant la place à une inquiétude palpable.— Ma chérie, souffla-t-il, en posant sa tasse et en s’avançant vers elle. Qu’est-ce qui t’amène si tard ?Livia referma la porte derrière elle, jetant un coup d’œil aux étagères chargées de livres et aux photographies anciennes qui ornaient les murs. Elle serra le sac contre sa poitrine.—
De retour à Paris, le crépuscule peignait la Seine d’un rose pâle lorsque Livia sortit du TGV, le cœur battant. Chaque pavé, chaque réverbère semblait danser sous le poids de ses pensées. À ses côtés, Raphaël demeurait silencieux, enveloppé dans son manteau sombre, son regard noir scrutant l’horizon comme une sentinelle hantée.Le taxi la déposa devant son immeuble du Marais. Livia ouvrit la portière en premier et, sans un mot, gravit les marches de l’entrée, ses talons résonnant en échos solitaires. Raphaël la suivit, la mâchoire contractée. Une fois à l’intérieur, elle se retourna, l’éclat doré des appliques jetant des ombres dansantes sur les murs tapissés.— Pourquoi, Raphaël ? demanda-t-elle d’une voix brisée.Il s’arrêta à quelques pas, les mains enfoncées dans les poches.— Je n’avais pas le choix, souffla-t-il.Elle secoua la tête, la poitrine serrée.— Pas le choix ? Tu m’as privée de mes souvenirs, de ma vie. Tu as décidé à ma place.Raphaël leva les mains, le visage empli d
Un coup de feu claqua dans le hall, net, implacable, et tout bascula. Livia n’eut pas le temps de réagir : Raphaël la saisit par le bras et la jeta violemment au sol, son propre corps la recouvrant telle une muraille humaine. Le monde sembla se figer pendant une milliseconde : le feu incandescent dans la chambre d’hôtel, le velours cramoisi des fauteuils de réception, tout devint flou et distant, étranger à cette explosion de violence. Livia sentit la froideur du carrelage contre sa tempe, ses doigts agrippant nerveusement le tissu de son vêtement.— Reste à terre ! ordonna Raphaël, la voix rauque et grave, retentissant comme un ordre de combat.Mais la riposte était déjà en route. En un mouvement coordonné, Victor et deux agents de sécurité surgirent du vestibule, armes braquées. L’assaillant masqué, hurlant dans un râle sourd, pointait encore son arme à bout de bras, comme défiant tout et tous. Son masque noir, désormais taché de sueur et de poussière, voilait un visage déformé par
Le hall de l’hôtel cinq étoiles était désert, la moquette épaisse étouffant chaque pas. Livia, pieds nus, gravit les quelques marches menant aux suites les plus exclusives, le cœur lourd. Derrière elle, Raphaël referma la lourde porte en bois, verrouillant le monde extérieur. Le contraste entre le luxe feutré de l’entrée et l’atmosphère tendue entre eux ne pouvait pas être plus saisissant.Sans un mot, Livia se détourna et se dirigea vers la salle de bains attenante. Les murs en marbre blanc et le miroir éclairé aux néons doux formaient une alcôve isolée du reste de la suite. Elle ferma la porte dans un claquement sec, libérant un soupir chargé de fatigue et de frustration.Livia s’adossa au mur, ses mains crispées sur le lavabo. Les effluves d’eucalyptus et de jasmin enveloppaient l’air, mais elle ne sentait plus rien. Son esprit rebondissait contre chaque souvenir récent : l’intrus masqué, l’avion, la menace, les non-dits de Raphaël. Elle tremblait, non pas de froid, mais d’un mélan