Alba
Je ne suis pas une femme qu’on garde en cage.
Encore moins un trophée qu’on habille d’or pour la vendre à un diable.
Il croit m’avoir. Parce que mon père l’a décidé. Parce que mon sang porte un nom que je maudis.
Mais il ne sait rien.
Il ignore que j’ai grandi en serrant les dents. En étouffant mes colères. En forgeant une volonté plus dure que l’acier.
Je ne suis pas faite pour les dorures ni pour l’obéissance. Je suis née entre les silences, les cris étouffés, les coups qu’on ne montre pas.
Alors s’il croit qu’un palais doré me tiendra, il n’a rien compris.
Cette nuit, je partirai.
Le manoir respire le luxe morbide des hommes trop puissants.
Tout est millimétré, mais tout peut se briser.
Garde après garde, j’ai mémorisé leurs pas. Trois tournent au rez-de-chaussée. Deux autres quadrillent les extérieurs. Ils sont certains que la poupée docile enfermée ici n’osera pas.
Mais j’ai été flic. J’ai été traqueuse. J’ai vu des hommes comme Sandro Vestri tomber sous mes balles.
Et lui… il tombera aussi. Sauf qu’il tombera avec moi entre les dents.
Je m’empare d’un couteau de cuisine. Juste assez petit pour se dissimuler dans ma botte, contre ma cheville nue.
Je prends une corde. Glissée sous cette robe de soie imposée, ridicule déguisement qu’il croit féminin.
Et je me faufile dans les couloirs, pieds nus, le souffle court mais le cœur froid.
Pas une erreur. Pas un son.
Chaque pas est une prière étranglée.
Chaque respiration une tension.
Ma peau est glacée, mais mes mains sont sèches. Mon instinct prend le relais.
La fenêtre de la chambre d’invité donne sur le jardin. Huit mètres de hauteur.
Mais j’ai sauté des toits plus hauts dans les rues de Naples.
J’ai fui la mort dans des ruelles sans nom. J’ai sauté sur des trains en marche pour sauver une gosse.
Ce n’est pas cette cage qui me retiendra.
Je noue la corde à la colonne du lit. Je la fais glisser lentement à l’extérieur.
Mon cœur cogne contre mes côtes. Mon souffle s’accélère.
Je commence à descendre.
La nuit est douce. Les arbres dansent. Le silence me berce.
Presque.
Presque libre.
Le vent me fouette le visage. La peur serre ma gorge.
Mais je souris. Je suis une putain de lionne. Et je vais leur arracher la gorge.
— Tu comptes aller où, Alba ?
Sa voix. Juste derrière moi.
Calme. Mortelle.
Je me fige.
Le froid m’envahit. Pas le froid de l’air. Le froid de la rage. Du piège qui se referme.
Sandro.
Il est là. Appuyé contre le cadre de la fenêtre. Torse nu. Une arme à la main. Et ce regard…
Ce calme glacial qui fait trembler les plus endurcis.
— Tu crois vraiment qu’on laisse partir une Valente, comme ça ?
Sa voix est douce. Quasiment tendre. Ce qui le rend encore plus dangereux.
— Tu portes un empire dans ton sang. Tu es ma promesse. Ma propriété.
Je saute.
Même si mes chevilles explosent à l’atterrissage, même si mes genoux cèdent sous l’impact, je cours.
Je me relève. Je saigne. Je tombe. Je me relève encore.
Je hurle dans ma tête : avance.
Vers les bois. Vers l’oubli. Vers moi.
Des chiens aboient. Des voix s’élèvent. Des coups de feu déchirent la nuit.
Des ombres se dressent.
Mais je connais les ombres. Je suis née dedans.
Je m’enfonce entre les arbres. Les branches griffent ma peau, ma robe s’accroche, se déchire.
Mais je cours. Plus vite. Encore. Jusqu’à ce que mes jambes brûlent. Jusqu’à ce que mon cœur menace d’éclater.
Puis… la douleur.
Sèche. Tranchante.
Dans le flanc.
Je tombe.
Un projectile.
Pas une balle. Un tranquillisant.
Saloperie.
Mes yeux se brouillent. Mes membres deviennent lourds, inertes, étrangers.
Mon souffle se fait rauque. Mon monde tangue.
Et dans la pénombre… la dernière chose que je vois, c’est lui.
Sandro.
Marchant vers moi. Lentement. Droit. Implacable. Comme un roi s’approche d’un trône brisé.
Sandro
Elle a tenté.
Elle a échoué.
Mais elle a failli réussir.
Et ça…
Ça m’excite plus que je ne l’avoue.
Cette petite chienne a de la rage. Une volonté. Une morsure.
Et moi… je suis là pour l’éduquer.
— Tu es imprudente, Alba, murmuré-je en la soulevant dans mes bras.
Elle gémit. Griffe. Tente encore. Même affaiblie. Même brisée.
Son regard me transperce. Un feu noir. Un refus de mourir.
Parfait.
Je la ramène dans la chambre du fond. Pas la sienne. La mienne.
J’ordonne aux gardes de fermer toutes les issues.
Personne ne la touchera. Personne ne l’approchera. Ce châtiment m’appartient.
Elle essaie de me frapper. Encore.
Je l’attrape par les poignets, la plaque contre le lit.
Un lit en cuir noir, au centre de la pièce. Un lit où l’on n’oublie pas les règles.
Je l’y attache. Poignets liés. Jambes libres.
Elle hurle. Me traite de monstre. D’ordure.
Je l’écoute.
Puis je déboutonne ma chemise, lentement. Mon regard planté dans le sien.
— Tu veux fuir ? Tu veux m’humilier ? Tu veux me tester ?
Très bien.
Apprenons les règles.
Je la gifle. Pas pour la briser. Pour l’éveiller.
Juste ce qu’il faut pour faire tomber les masques.
Son souffle s’arrête. Ses lèvres tremblent.
Elle ne sait pas si elle me déteste ou si elle se déteste de sentir ce qu’elle sent.
Puis je m’agenouille entre ses cuisses. Lentement.
Et je laisse le silence faire ce qu’aucun mot ne peut.
— La punition commence.
Et crois-moi, principessa, tu t’en souviendras chaque nuit où tu oseras encore me tourner le dos.
Alba
Je le hais.
Je le hais plus que je n’ai jamais haï personne.
Et pourtant…
Mon corps… trahit.
Il réagit. Il brûle. Il appelle. Il se tord.
Je veux me détacher, hurler, le frapper, le faire saigner.
Mais chaque geste qu’il pose, chaque mot qu’il murmure, chaque souffle qu’il laisse glisser contre ma peau me fait basculer.
Je ne comprends plus où commence la peur et où finit l’envie.
Je me perds entre les deux. Un gouffre sans fond.
Il me possède sans brutalité. Il me marque sans crier.
Et c’est pire. Cent fois pire.
Quand il murmure contre mon oreille :
— Tu es à moi maintenant,
je sais.
Je sais que l’évasion ne se jouera plus jamais dehors.
Elle devra venir de l’intérieur.
Et ça… ce sera mille fois plus dangereux.
AlbaLa salle semble soudain plus étroite, comme si le poids des secrets et des ambitions comprimait l’air lui-même. Je sens le regard de Marco Bellanti sur moi, lourd, évaluant chaque geste, chaque nuance de mon expression. Mais ce qui attire mon attention, ce n’est pas lui. C’est Sandro. Il se redresse lentement, ses épaules larges et sa posture imposante commandant l’espace sans un mot. Chaque mouvement qu’il fait semble calculé pour imposer l’ordre, la discipline… et la peur respectueuse.— Assez, dit-il enfin, sa voix grave et autoritaire résonnant dans la pièce comme un marteau sur l’enclume. Marco, tes jeux sont connus. Mais ici… c’est moi qui décide.Un frisson parcourt l’assemblée. Même Giulia, pourtant féline et calculatrice, incline légèrement la tête, un mélange d’admiration et de respect dans les yeux. Elle sait autant que moi que ce ton n’admet aucune discussion. C’est Sandro, le véritable chef. Chaque alliance, chaque transaction, chaque décision passe par lui.— Je sui
AlbaL’atmosphère dans la salle s’alourdit encore, chaque respiration semble suspendue. L’inconnu ne lâche pas mon regard, et je sens le poids de son attention sur moi, scrutant mes réactions, cherchant à deviner mes intentions. Giulia reste près de moi, ses yeux brillants d’une curiosité calculatrice, son sourire toujours provocant, mais pour la première fois, je perçois une lueur d’inquiétude.— Avant d’aller plus loin, dit-il, sa voix basse et glaciale, il est temps que vous sachiez à qui vous avez affaire.Le silence est immédiat. Tous les regards se tournent vers lui. Même Sandro, d’habitude impassible, fronce légèrement les sourcils, visiblement surpris par le ton solennel de l’homme.— Je m’appelle Marco Bellanti, annonce-t-il enfin, les yeux braqués sur Sandro, puis sur moi. Certains d’entre vous me connaissent déjà par mes affaires à Milan, mais très peu savent que je suis ici depuis des mois, observant, évaluant… et attendant le bon moment pour agir.Un murmure parcourt la s
AlbaL’air dans la salle est soudain plus lourd, chargé de promesses et de menaces. Je sens le regard de l’inconnu peser sur moi comme un poids tangible, tandis que Giulia s’avance légèrement, un sourire calculateur aux lèvres. Chaque muscle de mon corps est tendu, prêt à réagir.— Très bien, dit l’inconnu d’une voix basse et tranchante, il est temps de clarifier certaines choses. Sandro, ta loyauté sera mise à l’épreuve… et toi, Alba, il serait sage de comprendre que ce jeu est plus dangereux que tu ne le crois.Je le fixe, mes yeux défiants, sans un tremblement. Chaque mot qu’il prononce cherche à me déstabiliser, à provoquer une réaction. Mais je ne lui offrirai aucune faille. Pas maintenant.— Alors parlons, rétorque Sandro calmement, sa main effleurant la mienne sous la table, un contact discret mais rassurant. Nous sommes prêts à écouter, mais nous ne cédons jamais à l’intimidation.Giulia incline légèrement la tête, un rictus amusé sur le visage. Elle se penche vers moi presque
AlbaLe lendemain matin, le soleil à peine levé perce à travers les stores, dessinant des rayons tremblants sur le parquet brillant. Mon café fume dans ma main, mais je n’ai pas vraiment le temps de savourer le goût amer. Aujourd’hui, je n’observe plus simplement : aujourd’hui, je dois agir.Sandro m’attend déjà dans sa voiture, silencieux, ses yeux sombres fixés sur moi à travers le rétroviseur intérieur. Il me frôle l’épaule en montant à côté de lui, un geste furtif, mais chargé de ce désir et de cette promesse que je ne peux ignorer.— Respire, murmure-t-il, sa voix basse, autoritaire. Tout ce que tu feras aujourd’hui compte. Chaque mot, chaque geste, chaque silence. Sois attentive… et sois prête.Je hoche la tête, mon estomac noué d’anticipation. Mon cœur bat, mais une partie de moi est étrangement calme. Je suis prête.Nous arrivons à la salle de réunion, plus grande et plus solennelle que la précédente. Les hommes et femmes de l’organisation nous attendent déjà, leurs visages fe
AlbaLe parfum du café flotte encore dans la maison lorsque nous quittons le bureau. Le soleil est plus haut maintenant, filtrant à travers les vitres teintées de la voiture de Sandro. Mon cœur bat la chamade, une combinaison de peur et d’excitation. Aujourd’hui, je ne suis plus simplement Alba, sa femme, son désir… aujourd’hui, je suis un élément de son empire.Sandro ne parle pas pendant le trajet. Ses mains sont fermement posées sur le volant, ses yeux fixés sur la route, mais je sens son attention constante sur moi, comme si chaque mouvement que je faisais pouvait être crucial.— Respire, murmure-t-il enfin, sa voix basse, rauque, pleine d’autorité et de tendresse à la fois. Observe. Apprends. Et surtout… ne montre jamais de faiblesse.Je hoche la tête, essayant de maîtriser le tremblement de mes mains. Je sais qu’il a raison : dans ce monde, chaque détail compte, chaque expression, chaque silence. Une erreur et tout peut basculer.Nous arrivons devant un bâtiment discret, mais im
AlbaLe matin filtre à travers les stores, traçant des rayons dorés sur le sol de la cuisine. Je reste silencieuse, appuyée contre l’embrasure de la porte, observant Sandro préparer le café comme si rien de ce qui s’est passé hier soir n’avait existé. Pourtant, tout est là, dans l’air chargé, dans le goût brûlant encore sur mes lèvres, dans le frisson persistant le long de ma colonne vertébrale.Il me tend une tasse, nos doigts se frôlent, et je sens ce frisson familier : la tension, la possession, la promesse de ce qu’il est pour moi. Je bois une gorgée, laissant le liquide brûlant calmer mon corps encore haletant.— Alba, dit-il doucement, posant sa tasse, mais son regard ne me quitte pas. Viens avec moi, dans mon bureau.Je sens un mélange d’excitation et de nervosité. Son bureau… c’est le cœur de son monde, celui où toutes les décisions, toutes les stratégies, toutes les alliances et les trahisons prennent vie. Et aujourd’hui, j’y pénètre avec lui.Je le suis, mes pas résonnant su