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CHAPITRE 4 : Le Serment dans la Lumière 1

Auteur: L'invincible
last update Dernière mise à jour: 2025-12-04 19:07:56

MATTEO

La voiture glisse dans la nuit, une baleine noire nageant dans les artères éclairées de la ville. À mes côtés, elle est un silence vivant. Aurélia. Je regarde son profil découpé contre la vitre, ces lignes nettes et pâles, cette cascade de boucles dorées qui semblent absorber la faible lumière de l'habitacle. Elle ne bouge pas. Elle respire à peine. Elle ressemble à une statue de glace qu’on aurait volée à un musée, précieuse et fragile.

Et pourtant, je l’ai vue s’agenouiller dans cette ruelle. J’ai vu la lumière. Cette lueur dorée qui avait jailli de sa paume, si belle que j’en avais retenu mon souffle. Ce n’était pas de la magie de cirque. C’était quelque chose d’ancien, de profond. Quelque chose de vrai.

Elle croise les bras sur sa poitrine, un geste de protection. Son manteau est modeste, usé aux poignets. Ses gants de cuir, qu’elle n’a pas retirés, sont la clé de tout. La barrière entre le monde et ce qu’elle est.

Je ne dis rien. Je la laisse tremper dans la peur, dans l’incertitude. La peur est utile. Elle ramollit les résistances. Mais avec elle, c’est différent. Je ne veux pas juste la briser. Je veux la plier. Je veux qu’elle se donne à moi, pouvoir et tout.

Vous avez froid ?

Elle sursaute légèrement, comme si elle avait oublié ma présence. Ses yeux gris-bleu se posent sur moi, larges, clairs, d’une transparence presque déconcertante. Elle voit trop, sa mère avait raison. En ce moment, elle voit le prédateur en face d’elle.

— Non.

Un seul mot. Sa voix est plus ferme que je ne l’aurais cru. Elle a du courage, cette petite chose pâle. Elle en a besoin, pour vivre avec ce qu’elle porte.

Le chauffeur règle la climatisation. Nous serons arrivés dans dix minutes.

— Où m’emmenez-vous ?

Cette fois, une vraie question. De la curiosité sous la peur. Bon signe.

Dans un endroit où nous ne serons pas dérangés. Mon appartement. Il est sécurisé. Personne ne peut vous y trouver, à part ceux que j’y autorise.

Elle pâlit encore. Si c’est possible. Ses doigts se crispent sur ses avant-bras. L’idée de se retrouver seule avec moi, dans mon territoire, la terrifie. Et autre chose, peut-être. Je vois son regard glisser sur moi, rapide, furtif, avant de se fixer à nouveau sur la ville qui défile. Elle évalue. L’homme, pas seulement le danger.

Je laisse le silence s’installer à nouveau. Je détourne le regard, lui accordant un semblant d’intimité. Dans le reflet de la vitre, je l’observe. Elle me regarde, elle aussi. Étudiant mon profil, les mains posées sur mes genoux, l’assurance tranquille de ma posture. L’attraction est là, déjà. Mêlée à la répulsion, comme c’est souvent le cas. Le danger est un aphrodisiaque puissant, et je suis le danger incarné.

La voiture quitte les rues animées, s’engage dans un quartier plus calme, plus ancien, où les bâtiments ont de la grandeur. Nous nous arrêtons devant un immeuble haussmannien restauré. La portière s’ouvre.

Je sors le premier et lui tends la main. Un test.

Elle hésite. Regarde ma main comme si c’était un serpent. Puis elle pose ses doigts gantés dans ma paume. Le contact est froid, isolé par le cuir. Mais au moment où elle se lève, une étincelle, infime, parcourt le cuir. Un bref éclair doré. Elle retire sa main comme brûlée, choquée. Moi aussi.

Le pouvoir a réagi à mon contact. À ma simple proximité.

Intéressant.

— Pardon, murmure-t-elle, les yeux écarquillés de terreur.

Il n’y a rien à pardonner. Après vous.

Je la précède dans le hall de marbre, puis dans l’ascenseur en bois ciré. L’espace est réduit. Je sens la chaleur de son corps, mince et tendu, à quelques centimètres du mien. Son parfum, discret , du savon, un peu de lavande, et quelque chose d’autre, d’électrique, d’ozone après l’orage. L’odeur de son pouvoir.

L’ascenseur monte en silence. Elle regarde fixement les portes, le cou légèrement incliné, exposant la ligne pâle et fragile de sa nuque. Une vulnérabilité si tentante. J’ai envie de poser mes doigts là, de sentir si sa peau est aussi froide qu’elle en a l’air. De sentir si le pouvoir, à nouveau, jaillirait.

L’ascenseur s’arrête. Les portes s’ouvrent directement sur l’appartement.

C’est un vaste espace, épuré, avec de hauts plafonds et des parquets sombres. Des fenêtres panoramiques offrent une vue à couper le souffle sur les toits de la ville et la rivière au loin. C’est un monde à des années-lumière de son petit appartement au-dessus de la librairie.

Elle entre, lente, hypnotisée malgré elle par la beauté de l’endroit. Elle s’arrête au milieu du salon, minuscule et dorée dans cet écrin de pierre et de verre.

Asseyez-vous. Je vous offre à boire ? Un vin ? Un thé ?

— Non. Rien.

Elle reste debout. Elle se tient droite, la colonne vertébrale raide comme une lame. Elle est en alerte,

chaque muscle prêt à la fuite. Une biche dans les phares.

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