Princesse captive

Pour le monde, j'étais Salomé Roman, la princesse sauvage et rayonnante de la famille. Victor était l'héritier de la mafia, stoïque, discipliné, incarnant la retenue.

Mais chaque nuit, il me serrait la taille, me faisait l'amour jusqu'à ce que mes jambes faiblissent tout en murmurant encore et encore : « Principessa ».

Il ne savait pas que dans deux semaines, j'épouserais quelqu'un d'autre.

Les draps étaient encore humides de notre chaleur commune. J'étais allongée dans le lit, reprenant mon souffle lorsque Victor se levait pour s'habiller.

De mon côté du lit, j'ai regardé ses longs doigts boutonner habilement sa chemise.

« Tu ne restes pas ce soir ? » Je lui ai demandé.

« Réunion de famille », a-t-il dit sans se retourner. « Sois sage. »

Encore ça.

Je me suis redressée, faisant glisser le drap autour de ma taille. Les mains de Victor se sont arrêtées un instant avant de nouer sa cravate.

« Victor. »

« Hein ? »

« Rien. »

Il s'est tourné, s'est penché et a déposé un baiser sur mon front. « Je m'en vais. »

Dès que la porte s'est refermée, j'ai attrapé mon téléphone et a composé un numéro familier.

« Papa, j'accepte l'alliance matrimoniale. Dans deux semaines, je vais me marier à Marseille avec l'héritier mourant de la famille Laurent. Mais j'ai une condition. »

Au bout du fil, Maître Roman semblait ravi. « C'est bien ! Dis-moi ce que tu veux ! »

« Nous en parlerons en personne. »

J'ai raccroché et mes yeux se sont posés sur le téléphone que Victor avait laissé sur la table de nuit.

L'écran s'est allumé avec un nouveau message.

De : Isabelle

« Victor, merci de m'avoir accompagnée à l'hôpital aujourd'hui. Le médecin m'a dit que mon rétablissement se passe bien et que c'est grâce à toi. J'aimerais bien voir un film avec toi demain, comme avant. »

Il était suivi d'un emoji de baiser.

J'ai fixé le message, le bout de mes doigts tremblant.

Victor ne m'a jamais emmenée à l'hôpital, pas même lorsque je m'étais cassé une côte à l'entraînement.

Je me suis habillée et a suivi discrètement sa voiture.

Il s'est arrêté devant un restaurant italien confortable de la rue des Champs-Élysées. De loin, je l'ai vu se diriger à grandes enjambées vers une jeune fille en robe blanche.

Isabelle.

Elle était encore plus mince que sur les photos. Victor lui a tendu la main et lui a passé une mèche de cheveux balayée par le vent derrière l'oreille. Il l'a touchée comme si elle était faite de porcelaine, susceptible de se briser à tout moment.

Je ne l'ai jamais vu aussi doux, sauf quand nous étions au lit.

Il y a trois ans, mon père m'avait envoyée chez Victor. Son beau visage froid m'avait donné des fourmis dans les jambes.

« Salomé a besoin d'une bonne éducation sur le fonctionnement de notre famille », a dit Maître Roman à Victor, « elle est trop sauvage, tu es le seul à pouvoir la gérer. »

J'avais alors dix-neuf ans, je venais de sortir du pensionnat et j'étais en pleine période de rébellion.

Je pensais que Victor n'était qu'un homme de plus qui essayait de m'apprivoiser.

J'ai donc décidé de l'apprivoiser en premier.

La première fois que nous nous sommes rencontrés, j'ai porté une minijupe dans son bureau, juste pour le provoquer.

Victor était assis derrière son bureau et n'a même pas pris la peine de lever les yeux.

« Ferme tes jambes, Salomé. »

« Pourquoi ? »

« Parce que la façon dont tu es assise suggère que la famille Roman manque de classe. »

J'ai délibérément relevé ma jupe. « Et maintenant ? »

Victor a enfin levé la tête, ses yeux froids derrière ses lunettes à monture dorée.

« Sors d'ici. »

Pendant des mois, j'ai fait tout ce que je pouvais pour le mettre mal à l'aise. J'ai glissé des mots de flirt dans ses dossiers, j'ai saboté des missions qu'il m'avait confiées et j'ai même mis un laxatif dans son whisky.

Victor nettoyait toujours mes dégâts avec un calme exaspérant, puis me disait d'un ton condescendant : « Salomé, tu es une fille intelligente, il faut que tu appliques cette intelligence aux bonnes choses. »

Jusqu'à ce soir-là.

J'ai drogué son verre, désespérée de voir à quoi ressemblerait un Victor sans son contrôle absolu.

Je ne m'attendais pas à être encore dans la pièce quand la drogue a fait effet.

Victor m'a coincé les poignets, sa respiration était lourde et irrégulière. « Qu'as-tu mis dans mon verre ? »

« Tu as déjà deviné, n'est-ce pas ? » J'ai croisé son regard brûlant. « Tu veux m'essayer ? »

Cette nuit-là a tout changé.

Lorsque je me suis réveillée le lendemain matin, Victor était déjà habillé.

Je pensais qu'il serait furieux, qu'il me renverrait chez mon père. « Victor, je... »

« Principessa », a-t-il murmuré en me caressant la joue. « Ce sera notre secret. »

Principessa, petite princesse.

Ce mot m'a complètement séduite.

Pendant les deux ans suivants, nous avons entretenu cette relation étrange et clandestine. Le jour, il était le même Victor, calme et rationnel. Mais la nuit, il me murmurait « Principessa » à l'oreille et me baisait jusqu'à ce que mes jambes lâchent.

Je croyais qu'il m'aimait.

Jusqu'à mon anniversaire.

J'avais passé toute la journée à me préparer, à mettre ma plus belle robe et à réserver une table au restaurant où nous nous étions rencontrés pour la première fois. J'allais lui dire que je l'aimais, que je voulais être avec lui, quel qu'en soit le prix.

Mais Victor n'est jamais venu.

Je suis restée assise seule dans ce restaurant pendant trois heures, jusqu'à ce que même les serveurs commencent à me regarder avec pitié.

Le lendemain, des photos de Victor accueillant une autre femme à l'aéroport sont devenues virales.

Sur les photos, Isabelle était blottie dans ses bras, ils étaient aussi intimes que des amants.

Alors c'est là qu'il était hier soir, il était allé la chercher.

J'ai ri amèrement et j'ai bu jusqu'à ce que je ne sente plus rien. Je voulais le confronter, exiger de savoir ce que j'étais pour lui, une copaine de baise ? Un outil ?

Mais je n'en avais pas le courage.

J'étais trop seule, trop dépendante de la chaleur qu'il m'offrait.

Ce soir-là, Victor est rentré à la maison et a trouvé un tas de débris. J'avais utilisé une bouteille de vin pour briser toutes les photos d'Isabelle dans son bureau.

Il n'a même pas sourcillé. Il a simplement demandé à la servante de nettoyer le désordre et de s'occuper de moi, puis il est passé à côté de moi.

A ce moment-là, j'ai enfin compris que Victor était l'héritier de la famille, intouchable, froid et fier. Sa tolérance n'était pas un signe d'affection, il ne pouvait tout simplement pas se donner la peine de discuter avec moi.

Après cela, il m'appelait encore Principessa au lit, comme si rien n'avait changé.

Mais mon cœur était déjà mort.

A l'extérieur du restaurant, Victor a ouvert la porte de la voiture à Isabelle, ils riaient de quelque chose.

J'ai détourné le regard et repris la route vers la propriété de la famille Roman.

Dans le salon, Maître Roman et ma belle-mère, Marie, regardaient la télévision. Quand je suis entrée, mon père l'a éteinte.

« Bon, quelle est ta condition ? »

Je me suis assise sur le canapé en face d'eux. « Je veux que vous rompiez toute relation avec moi. »

L'expression de Maître Roman s'est figée. « Qu'est-ce que tu as dit ? »

Marie, assise à côté de lui, avait les yeux brillants.

« J'ai dit que j'épouserais l'héritier mourant de la famille Laurent. En échange, nous rompons tous les liens. A partir de ce moment, je ne suis plus une Roman. Tu peux accueillir ta maîtresse et ta fille bâtarde à bras ouverts dans cette maison. Le jour où tu as mis en scène l'accident de voiture qui a tué ma mère, j'ai de toute façon cessé de vouloir de toi comme père ! »

Le visage de Maître Roman est devenu livide. « Je te l'ai dit, la catastrophe était un accident ! ».

J'ai croisé son regard et ricané. « Que ce soit accidentel ou non, elle est morte en découvrant ta liaison avec Marie. Papa, arrêtons de prétendre que nous sommes une famille heureuse. Cela fait cinq mois que tu essaies de me vendre aux Laurent. N'est-ce pas juste pour que ta précieuse maîtresse puisse enfin se marier dans la famille, pour que ta bâtarde de fille puisse enfin prendre le nom de Roman ? »

Maître Roman s'est levé d'un bond. « Salomé, tu veux être reniée ? Très bien ! A partir de demain, tu n'es plus ma fille ! »

« Entendu », ai-je dit en me tournant vers l'étage. « Oh, et n'oublie pas d'informer la famille Laurent que la mariée n'est plus la fille aînée de la famille Roman, mais une orpheline sans parents. Demande-leur s'ils sont toujours prêts à payer le même prix. »

De retour dans ma chambre, j'ai fermé la porte, et le masque que je portais s'est enfin effondré.

Des larmes ont coulé sur mon visage. Je me suis recroquevillée sur le lit, comme un animal blessé qui léchait ses plaies.

« Tu sais, Victor ? Pour te quitter enfin, j'ai dû renoncer à la seule chose qui me restait. »

Le lendemain matin, j'ai entendu des bruits de meubles que l'on déplaçait en bas.

Je me suis levée et j'ai marché jusqu'au palier de l'escalier.

Une silhouette familière se tenait au bas de l'escalier.

Isabelle.

Mon sang s'est glacé.